Porte de la Chapelle, Paris 18e – C’est l’heure de la pause. Les réfugiés venus participer à l’atelier en profitent pour mettre de la musique afghane et esquisser quelques pas de danse traditionnelle. La pause terminée, la musique change pour laisser place à un beat hip-hop. La piste se vide alors un peu. Quatre ou cinq hommes restent pour prendre part au cours de break, donné par Medhi, danseur professionnel.
Deux jeunes trentenaires regardent le cours, sans y prendre part. Joe Murphy et Joe Robertson, tous deux anglais, sont les directeurs artistiques et les créateurs du Good Chance Theatre. « C’est un lieu où les personnes dont l’expression est menacée ont la possibilité de s’exprimer, de faire entendre leur voix », expliquent-ils.
Petite ambiance cosy... / Crédits : Maud Margenat
Sous l’igloo de toile qui accueille la troupe, des canapés colorés et des guirlandes de couleurs rendent l’ambiance chaleureuse. Des dessins pendent des parois. Certains d’entre eux montrent des Tour Eiffel et des drapeaux français, d’autres des « merci ».
Break et danse afghane
Le cours de break dance est rythmé par les directives de Medhi. Les mouvements sont parfois durs, mais les participants s’encouragent mutuellement. Sur les bords de la piste, ils sont une quarantaine d’hommes. Presque tous Afghans ou Irakiens, ils boivent un thé, assis sur les bancs. Une manière de se réchauffer.
Medhi, danseur professionnel, explique un mouvement. / Crédits : Maud Margenat
Si certains regardent amusés, d’autres restent fixés sur leur portable. Assis seul, Jan se distingue. Ce grand Afghan au regard doux mais triste reste un peu à l’écart :
« Je suis arrivé en Europe par le Danemark, où ils m’ont dit de retourner dans mon pays. En France on m’a dit de retourner au Danemark. Qu’est-ce que je suis censé faire ? »
Depuis 2 ans il vit à Paris, dans la rue. Il ne prend jamais part aux cours. Trop timide, il se contente de regarder. Pourtant il vient tous les jours :
« Ça me fait du bien de venir. Ça me fait oublier un peu mon stress. »
Les deux Afghans sont venus assister à la répétition. / Crédits : Maud Margenat
A l’inverse de Jan, Malang est toujours le premier à participer. Lui aussi est Afghan. Avec son chapeau traditionnel et ses colliers autour du cou, il s’applique à exécuter les pas de breakdance. S’il est concentré, il n’en perd pas pour autant son sourire et ses yeux rieurs.
Lui a quitté sa province de Logar en Afghanistan pour fuir les bombes et les talibans. Il est à Paris depuis 2 ans. Depuis 2 mois il dort dans le camp de la Porte de la Chapelle :
« Ici tout le monde est joyeux, et on n’a pas énormément d’occasion d’être joyeux. On peut s’exprimer, rencontrer des gens. »
En Afghanistan il était danseur d’Attant, une danse traditionnelle, très populaire dans le pays. Il jouait aussi du Tabla, sorte de tambour local, et du piano. Sa voix se teinte de nostalgie, mais il n’en perd pas son humour :
« J’aurais aimé pouvoir l’enseigner aux autres mais mon piano est resté en Afghanistan. Ça aurait été un peu compliqué de traverser la mer avec. »
De Calais à Paris
Le Good Chance Theatre a démarré dans la jungle de Calais en septembre 2015. Après le démantèlement de la jungle, la troupe décide de suivre les réfugiés, de retour dans la capitale. Elle installe d’abord son théâtre éphémère Porte d’Aubervilliers, à Paris. Depuis 5 semaines, la bande a rejoint la Porte de la Chapelle, juste à côté de la bulle installée en novembre 2016, par la mairie pour héberger les migrants. L’un des deux fondateurs détaille :
« On construit des théâtres de l’espoir temporaires dans les endroits où les réfugiés en ont besoin. »
Le camp voisin de la Chapelle accueille près de 400 personnes, en majorité des hommes. Les deux Joe veulent leur redonner un peu d’espoir :
« Tout être humain a besoin de faire quelque chose, d’avoir un but, donner un sens à sa vie. Les personnes ici l’ont parfois perdu, on est là pour ça. »
Spectacles
Ils sont une dizaine à travailler sur le projet Good Chance, Anglais et Français, rejoints ponctuellement par des volontaires. Depuis 5 semaines, à Porte de la Chapelle, les workshops vont des danses afghanes, de la création de masques, du théâtre, de la musique et de la décoration de t-shirts. Mais ici on ne fait pas que de l’art, il y a aussi de l’artisanat, de la construction. Dernièrement, un des participants était champion de boxe thaï. Il a organisé une initiation pour les autres.
Le petit spectacle se prépare. / Crédits : Maud Margenat
Tous les samedis réfugiés et bénévoles présentent le résultat de leur travail de la semaine devant un public. Le spectacle est ouvert à tous. Il suffit de s’inscrire au préalable sur le site. Une manière de faire se rencontrer Parisiens et migrants du monde entier :
« La question qu’on doit se poser, c’est comment on va apprendre à se connaître dans nos villes. Paris est une grande métropole. Les occasions de se réunir et de rencontrer des gens en vrai se font de plus en plus rares, surtout à l’heure d’internet. »
Mais aussi de créer des mélanges de cultures :
« Toutes les personnes, tous les pays ont leurs propres moyens d’expression et leurs traditions. Quand elles se rencontrent, des choses fabuleuses peuvent arriver. On sent à Paris un vrai appétit de créer de nouvelles choses. »
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