💌
 Nos newsletters ici
 Soutenez StreetPress

En ce moment

    04/05/2018

    « Heureusement, on obtient souvent des relaxes »

    Des manifestants du 1er mai jugés pour port de K-Way noir

    Par Mathieu Molard , Yann Castanier

    Seize manifestants du 1er mai sont passés devant le tribunal, ce vendredi 4 mai. Au fil des débats, on découvre des dossiers vides qui, pour la plupart, ne reposent que sur une tenue « sombre » portée un jour de manif.

    Notre média est accessibles à toutes et tous

    StreetPress produit un journalisme rigoureux, factuel et populaire grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs. Engagez-vous avec nous, faites un don et faites vivre un média indépendant !

    Palais de justice de Paris – Le 1er mai, en guise de tenue sombre, T. porte un t-shirt blanc à l’effigie « d’un vieux groupe de musique, les Beastie Boys », explique-t-il à la barre. Un haut de survêtement turquoise et un bas de treillis complètent la panoplie. Si les tenues sont inspectées à la barre, c’est que le détail a son importance. Depuis la veille, au Palais de justice de Paris, on défère pour port de K-way décathlon ou de « des lunettes de plongée », s’indigne maître Mechin. Chaque manifestants du 1er mai est suspecté d’appartenir au Black Bloc, le cortège de tête qui s’est fait remarquer pour ses affrontements avec la police et différentes dégradations ce lundi. En terme juridique, on leur reproche d’ « avoir participé sciemment à un groupement, même temporaire, en vue de commettre des dégradations. En l’espèce caractérisée par… » une tenue sombre. Parfois accommodé d’un sac à dos garnis. De quoi ? L’un avait une massette, pour emprunter un pavé à la chaussée suppose-t-on. Un second y stockait une bouteille. Quant aux autres, les dossiers sont désespérément vides : des tracts ou des dosettes de sérum physiologique sont convoqués en guise de preuve. « Heureusement, on obtient souvent des relaxes », soupire maître Kornman.

    Pêche au gros dans le Quartier latin

    T. n’a ni le profil, ni même le sac à dos, mais quatre mentions au casier : trois pour des graffs, la dernière pour une cigarette aromatisée. Place de la Bastille, le 1er mai, quand il est interpellé, il a deux bombes de peinture en poche – « trouvées », dit-il – et un fumigène, en vue d’agrémenter un prochain clip, tente-t-il. Il est cameraman. La proc’ ne se démonte pas et requiert quatre mois fermes. Elle ne sera pas suivie : il est acquitté pour le port de tenue sombre et écope finalement de 1.000 euros d’amende pour la possession du fumigène.

    Les audiences se succèdent, en ressort une impression de pêche au gros. Après la manif, les arrestations semblent avoir été faites « un peu au hasard », dénonce l’avocat de M., le second à accepter la compa immédiate. La plupart demande à être déférée. Le cuistot n’a, lui non plus, pas été pris en flag. Mais, dit la proc’, « il avait l’attirail du parfait manifestant venu en découdre ». En l’espèce, un bombers noir, des Dr. Martens, un masque anti-poussière et un cache-cou – « parce que le vent était frai ». Les bleus ont poussé l’enquête et fouillé son téléphone. Ils y ont découvert des chaînes de message l’invitant à rejoindre une manif ou une fac bloquée. Il n’en fallait pas plus pour le cataloguer radical : le ministère public demande trois mois de prison assortis de sursis et deux ans d’interdiction de manif. Il est finalement relaxé, profitant du bénéfice du doute. Place à sa copine. Le dossier repose encore sur sa tenue. Relaxe pour elle également.

    Des renvois et des acquittements

    La veille, six prévenus ont refusé la comparution immédiate. Quatre comparaîtront libres à la fin du mois. Deux autres, qui avaient pendant la garde-à-vue mentis sur leur identité, sont maintenus en détention. Pour juger de leurs maintiens – ou non – en détention, on évoque le CV de ces « professionnels du désordre » – qualificatif du chef de l’état. Ils sont étudiants, pour la plupart. Trois sont passés par le service civique, ce dispositif que Macron rêve d’élargir pour favoriser l’engagement des jeunes. On reproche à deux d’entre eux un lancer – de pavé pour l’un, de bouteille pour l’autre – en direction des CRS, n’ayant entraîné aucune blessure.

    Ce vendredi 4 mai, sur les dix dossiers, il n’y a qu’un seul cas de lancer de « parpaing ». « Un morceau de parpaing », nuance l’avocat de l’étudiante de 19 ans (plutôt frêle). Des faits qu’elle a elle-même déclarés au cours de son audition, alors même que ça ne lui était – jusque-là – pas reproché. Aucun des dix prévenus n’est mis en cause pour des dégradations constatées. Bilan de la journée : sept renvois, deux acquittements complets et une condamnation… pour détention d’un fumigène.

    Et après la lecture de cet article, une petite question pour vous, lectrices et lecteurs

    Est-ce que vous vous sentez sereines et sereins dans un monde où une majorité des médias appartient à une poignée de milliardaires aux intérêts pas toujours raccords avec l'intérêt général ?

    Nous non plus. C'est pour ça qu'on s'acharne, chez StreetPress, à produire un journalisme accessible à toutes et tous, en toute indépendance. Parce que nous pensons qu'une information libre, éclairée et éclairante est indispensable.

    Parce que parler des êtres humains se fait à hauteur d'humain. Parce que le journalisme, même engagé, se doit d'être rigoureux et factuel.

    Si ce combat est aussi le vôtre, vous pouvez agir et faire bouger les lignes en nous soutenant. Faites un don, même tout petit, si possible mensuel, et nous en ferons des enquêtes et des reportages qui comptent.