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    01/02/2021

    En 2016, la DGSI l’a viré après la révélation de ses liens avec le milieu Corse.

    Le commissaire filmé en train de matraquer un manifestant traîne d’autres casseroles

    Par Robin Jafflin

    Ce samedi 30 janvier, un commissaire divisionnaire matraque à plus de 10 reprises un manifestant à terre. StreetPress déroule le CV de ce policier aux méthodes musclées, étroitement lié au milieu Corse.

    Place de la République (75) – Il est 17 heures largement passé, ce samedi 30 janvier. La manifestation contre la loi “Sécurité Globale” se termine. Subitement, un groupe de policiers charge la foule pour, semble-t-il, interpeller un homme. Au cours de la manœuvre, un fonctionnaire casqué assène plus d’une dizaine de coups sur un manifestant à terre, sans pour autant procéder à son interpellation. Une pratique totalement contraire aux règles d’engagement en vigueur dans la Police Nationale. La scène est filmée et diffusée sur Twitter par le journaliste de Brut, Rémy Buisine. Elle a été vue plus de 700.000 fois au cours du week-end. Le lendemain, selon LCI, le préfet de police Didier Lallement demandait l’ouverture d’une enquête administrative.

    StreetPress a pu identifier le policier qui assène ces coups : il s’agit du commissaire divisionnaire Paul-Antoine Tomi. Faut dire que son look de super flic ne passe pas inaperçu : gilet tactique digne d’un opérateur du Raid et radio dernier cri. Son casque semble lui aussi tout droit sorti du stock d’un régiment des forces spéciales. Et sous la visière, il porte des lunettes balistiques. Cet habitué des manifestations du samedi est bien connu des journalistes spécialisés qui le surnomment « Tomi le Corse ». Un patch en forme de drapeau de l’île orne une poche sur son flanc. Le gaillard est membre du bureau national du Syndicat National des Commissaires de la Police Nationale (SCPN). Sur Twitter l’organisation prend depuis samedi activement sa défense, sans jamais mentionner qu’il s’agit d’un de ses cadres.

    Des méthodes musclées

    Depuis 2016, il dirige la Division Régionale des Motocyclistes de la Préfecture de Police de Paris (DRM). Il est, pour le dire simplement, le responsable direct des motocycliste de la BRAV-M, ces unités mobiles créées en mars 2019 par le préfet de police de Paris Didier Lallement. Des unités de choc, chargées d’intervenir très rapidement pour faire cesser les violences ou dégradations en manifestation et interpeller leurs auteurs. Elles ont fait l’objet de très nombreuses critiques pour leurs méthodes d’actions violentes.

    Les méthodes musclées de Paul-Antoine Tomi ne font pas l’unanimité dans la police : des fonctionnaires qui ont travaillé sous son commandement, critiquent son « engagement à l’excès, parfois contre-productif ». Ils le décrivent comme « téméraire », « aimant un peu trop le contact » voire comme un « cow-boy » ou un « bourrin ».

    À deux reprises au moins, ses actions ont été critiquées en interne. Le 22 mars 2018 tout d’abord. Une manifestation de lycéens partie de la place de la Nation chemine en direction de la place de la République. Rapidement, des heurts éclatent. Sans prévenir, le commissaire divisionnaire s’élance et charge seul le Black Bloc, constitué d’une cinquantaine de personnes ce jour-là. Aucun de ses hommes ne le suit. Isolé, il est pris à partie par des manifestants. Les CRS positionnés en amont attendent quelques minutes avant de devoir aller le récupérer. À la DOPC on grince des dents. « Ce mouvement était inutile et dangereux. Nous avons dû revoir temporairement notre stratégie, alors que nous maîtrisions la situation. Il a voulu faire son coup d’éclat », s’agace un officier.

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    Cet habitué des manifestations du samedi est bien connu des journalistes spécialisés qui le surnomment « Tomi le Corse ». / Crédits : Robin Jafflin

    Janvier 2020 (3), c’est M. Tomi qui prend la tête d’un groupe pour défendre un mur anti-émeute malmené par un cortège de pompiers qui manifestent ce jour-là. Résultat : les pompiers les repoussent sèchement, note sur twitter le journaliste Alexis Kraland (2). Du matériel, des casques, un tonfa, sont même abandonnés par le groupe en déroute. L’image circule largement sur les réseaux sociaux. Là encore, en interne on s’agace. Comme le signale sur twitter (2), le journaliste spécialiste du maintien de l’ordre Maxime Reynié, c’est encore Paul-Antoine Tomi qui le 28 juin 2019 dirige l’évacuation très musclée de militants d’Extinction Rebellion qui occupent pacifiquement le pont de Sully à Paris.

    Frère d’un parrain corse

    Antoine Tomi est entré dans la police en 1994, comme inspecteur de police, puis lieutenant. Il devient commissaire en 2003. Une fois diplômé, “Tomi le Corse” est recruté à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI), par un autre insulaire : Bernard Squarcini. Ce dernier lui confie le centre d’écoutes de l’office à Boullay-les-Troux, dans l’Essonne. Une mission très sensible pour laquelle il est habilité « Secret-défense ». Il y officiera jusqu’en 2016, chapotant bon nombre d’écoutes judiciaires et administratives, avant d’en être débarqué…

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    Sur Linkedin, le commissaire affiche fièrement son métier. / Crédits : StreetPress

    Car le commissaire est aussi le petit frère de Michel Tomi. Plus connu sous le nom du « parrain des parrain », il est considéré comme le dernier grand mafieux corse, « à l’ancienne ». Son nom apparaît dans des affaires allant du financement frauduleux du parti de Charles Pasqua, à des affaires de blanchiment et de corruption auprès de figures clé de la Françafrique. Les liens familiaux de Paul-Antoine Tomi font tache. D’autant qu’une enquête publiée en 2015 par Mediapart, révèle un procès-verbal dans lequel « un lieutenant du parrain des parrains » aurait avoué des versements en liquide au policier. Vingt-cinq-mille euros chaque année ! Une information qui n’a jamais été démentie par les principaux intéressés. Il n’a cependant, à notre connaissance, jamais été condamné pour ça.

    La DOPC, un placard doré

    L’affaire fait mauvais genre. Et “Tomi le Corse” est muté à la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC). Il perd en prestige. Souvent cantonné au week-end et au maintien de l’ordre, on lui propose les missions d’un commissaire débutant ou mal noté. « Être engagé sur ce type de mission, sur ces jours-là, c’est clairement une punition quand on a eu ce parcours-là », analyse un policier de la DOPC.

    Bien que cantonné à des tâches ingrates, « à faire le sale boulot » d’après ce même fonctionnaire de police, il ne semble pas rechigner à la tâche. Bien au contraire. Et au moment où Didier Lallement prend la tête de la préfecture de Police, en mars 2019, sa cote remonte légèrement. Les motocyclistes qu’il dirige, jusque-là peu employés dans le maintien de l’ordre, deviennent un élément clé de la nouvelle stratégie de maintien de l’ordre mise en place. À l’été 2019, il est des fonctionnaires de la Préfecture de police décorés de la médaille de la sécurité intérieure, à la suite à des manifestations Gilets Jaunes. À l’époque, cette promotion fait polémique : plusieurs fonctionnaires de police sont cités dans des affaires de violences à l’encontre de manifestants.

    (1) Sous autorité de la Direction de l’Ordre Public et de la Circulation (DOPC)
    (2) Edit le 01/02 à 20h.
    (3) Edit le 02/02 à 16h : cette scène s’était déroulée en janvier 2020 en non en octobre 2019, comme indiqué précédemment.

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