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    23/02/2023

    Notre documentaire retrace le combat de Zohra, la mère de Wissam El Yamni

    « Comment peut-on imaginer que l’État français accepte de faire travailler les policiers qui ont tué mon fils ? »

    Par Inès Belgacem

    Wissam El Yamni décède après une interpellation de police le soir du nouvel an 2012. Dans le documentaire Violences Policières, le combat des familles, Zohra, sa mère, se confie sur ses 11 années de deuil impossible.

    Quand elle parle de son fils Wissam, Zohra El Yamni met souvent sa main sur son cœur. La mère de 62 ans répète inlassablement : « Sans justice, il n’y a pas de paix ». À l’arrière de sa voiture, elle a collé le stickers « Justice et vérité pour Wissam ». Sa fille, Marwa, confie :

    « Elle est la première militante de Wissam et elle restera la première militante de Wissam. »

    La vie de la famille El Yamni a basculé la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2012. Wissam est un chauffeur routier de 30 ans. Ce soir-là, il fête la nouvelle année avec des amis d’enfance quand il est interpellé par la police. Il meurt neuf jours plus tard au CHU Estaing. Pour la commémoration des 10 ans de la mort de Wissam, Zohra et Marwa sont retournées dans leur ancien quartier, La Gauthière à Clermont-Ferrand (63), où l’interpellation s’est déroulée. « C’est dur de savoir qu’ils l’ont massacrés ici », souffle Zohra. StreetPress a suivi la famille pendant ce weekend difficile, pour le documentaire Violences Policières, le combat des familles – disponible gratuitement et en intégralité sur France.tv Slash. « Comment peut-on imaginer que l’État français accepte ça ? » Avec beaucoup de pudeur, Zohra poursuit :

    « L’État accepte de faire travailler des policiers qui n’ont pas de morale ? Je ne sais pas pourquoi ils ont fait ça à mon fils. »

    Les faits

    Selon les forces de l’ordre, Wissam aurait jeté des projectiles vers une voiture de la section d’intervention, dans la nuit du nouvel an, le 31 décembre 2011. Deux fonctionnaires de la brigade canine l’auraient attrapé puis plaqué au sol. Pendant son transport au commissariat, le jeune homme est victime d’un malaise cardiaque et tombe dans le coma. Neuf jours plus tard, Wissam décède au CHU Estaing, marquant une famille à jamais. D’autant qu’au fil des autopsies, expertises et contre-expertises, ils découvrent de nombreux indices qui remettent en cause la version officielle : marques d’étranglements, fractures, bleus

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    Dans notre documentaire, Zohra se confie sur ses 11 années de deuil impossible. / Crédits : StreetPress

    L’affaire fait grand bruit et, petit à petit, des témoignages de riverains sortent, expliquant que la violence de l’intervention était disproportionnée. À l’époque, les bâtiments HLM du quartier de la Gauthière, sont disposés en U. Wissam est arrêté en plein milieu de la cité. Un habitant explique à Médiapart en janvier 2012 :

    « Ils [les policiers] ont mis de la musique à fond, de la funk, et ont démuselé les deux chiens. Ils étaient chauds, ils ont fait un décompte : “Trois-deux-un, go”, et ils lui ont mis des coups. »

    Des photos prises à l’hôpital montrent le visage de Wissam tuméfié et des marques de strangulation dans son cou. Selon la famille, les violences auraient continué dans la voiture et au commissariat. Mais la justice n’a pas entendu les témoins.

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    La famille de Wissam réclament : « Justice et vérité ». / Crédits : StreetPress

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    Wissam

    « Avant, je pensais que c’était de ma faute. Qu’est ce que j’ai pas fait ? », confie Zorah. La mère de famille est arrivée en France en 1979 pour rejoindre son mari, employé cinq ans plus tôt dans une usine Michelin. Alors qu’elle n’était jamais allée à l’école, elle a appris le français et a passé un CAP hôtellerie. Elle a travaillé toute sa vie, a fait des heures sup’ pour payer une école privée à ses enfants :

    « Wissam avait un travail, une femme, une maison, une voiture… »

    Aujourd’hui, vivre à Clermont-Ferrand lui est extrêmement difficile. « On a galéré pour élever nos enfants. Et à la fin, ils ont tué notre fils. Et là c’est l’État ! Et l’État n’a rien fait pour punir les policiers. » Zohra est fatiguée par ce deuil impossible. Elle tient grâce à son combat pour son fils. En janvier 2022, la famille a placardé des banderoles dans tout Clermont, mais aussi partout en France, pour faire perdurer la mémoire de Wissam. Marwa conclut :

    « Tant qu’on est encore là, on l’oubliera jamais. Et 10 ans après on en rêve encore. On est dans un cauchemar qui continue encore et encore. »

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    Zohra et ses proches tiennent grâce au combat. / Crédits : StreetPress

    Violences Policières, le combat des familles est disponible gratuitement et en intégralité sur France.Tv Slash et sur toutes les box TV sur France.Tv.

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