On prend presque les mêmes et on recommence. En 2020, une coalition hétéroclite regroupant les groupuscules d’extrême droite Civitas, La Dissidence française et La Ligue du Midi avaient décidé de se lancer dans la bataille des municipales. Leur stratégie : viser les petites communes où aucun candidat ne se présenterait. Résultat ? Aucune commune remportée. Qu’à cela ne tienne, Alain Escada, président du mouvement intégriste Civitas, retourne au charbon pour 2026 avec le même plan. Probablement, se dit-il, qu’au bout d’un moment ça va finir par marcher. « Pour Civitas, les municipales c’est une lubie. Escada avait déjà fait le coup en 2014 », s’amuse le politologue Jean-Yves Camus.
En 2020, Civitas avait une stratégie : viser les petites communes où aucun candidat ne se présenterait. Résultat : aucune commune remportée. Qu’à cela ne tienne, Alain Escada, président du mouvement intégriste, retourne au charbon pour 2026 avec le même plan. / Crédits : Youtube
Changement toutefois au niveau de ses alliés. La Dissidence française, dirigée par Vincent Vauclin, devenue Mouvement national-démocrate, est en effet en état de mort cérébrale depuis plus de deux ans. Il faut dire qu’à sa création en 2020, il s’était autoproclamé « parti de la reconquête ». Depuis, le créneau a été repris avec (un peu) plus de réussite. Quant à la Ligue du Midi, elle s’est démenée pendant la campagne présidentielle d’Eric Zemmour, s’illustrant notamment par ce qui caractérise l’essentiel de son activité politique : de la violence.
Bien qu’eux-mêmes ne soient pas très éloignés de Zemmour, les nationaux-catholiques ont dû trouver de nouveaux camarades pour se lancer dans l’aventure. Tout aussi groupusculaires que leurs anciens séides : Les Nationalistes d’Yvan Benedetti – qui n’a pas répondu à nos sollicitations – et la scission de l’Action française dirigée par Clément Gautier, qui est restée plus antisémite qu’islamophobe. Alain Escada s’est expliqué dans une vidéo diffusée le 15 juin dernier sur la chaîne YouTube de son mouvement en compagnie de ses deux nouveaux alliés et de Sébastien de Kerrero, alias Monsieur K, un ancien proche de Soral qui donne désormais dans le complotisme aux relents antisémites. « Nous nous battons au sein de Civitas pour reconquérir l’échelon municipal, pour œuvrer pour le bien commun et utiliser tous les pouvoirs qui sont aux mains du maire pour exercer une politique qui servira véritablement notre cause », a-t-il expliqué.
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Reste que les quatre compères reconnaissent qu’on ne se bouscule pas au portillon pour se présenter sur leurs listes communes. « Les gens nous objectent qu’ils doivent déjà s’occuper de leur famille et de leur travail », explique Monsieur K. Et la patrie alors ? Réponse d’Escada :
« L’Église rappelle que s’occuper de la cité et du bien commun, c’est un devoir auquel le catholique n’échappe pas. »
StreetPress a longuement cherché à savoir si le dirigeant belge de Civitas s’était lui-même déjà présenté à une élection municipale, en vain. Peut-être parce que les candidats de Civitas gagnent rarement (jamais ?). Le dernier à avoir tenté l’aventure s’est présenté aux législatives dans la cinquième circonscription de la Loire en 2022 et a récolté 252 voix.
Infiltrer les communes
Pour ce qui est des municipales de 2026, Civitas conseille de s’investir dans les activités associatives de la commune, de s’y faire connaître et d’assister aux conseils municipaux afin de se former. Mais surtout, l’organisation intégriste insiste pour viser des communes de moins de 1.000 habitants et de ne pas s’y présenter sous l’étiquette Civitas mais sur des listes « d’intérêt communal ». Nettement plus audacieux, Yvan Benedetti estime pour sa part que c’est trop compliqué « dans les communes au-dessus de 10.000 habitants » car « on se retrouve sur des listes électorales pas forcément très homogène ». Pour ce qui est des communes de cette taille, Alain Escada ne se fait pas trop d’illusions et conseille plutôt des candidatures de témoignage « afin de faire connaître notre mouvement » ou des alliances « avec d’autres partis politiques catholiques ou patriotes comme le Parti de la France ».
Alain Escada s’est expliqué dans une vidéo diffusée le 15 juin dernier sur la chaîne YouTube de son mouvement en compagnie de ses deux nouveaux alliés et de Sébastien de Kerrero, alias Monsieur K, un ancien proche de Soral qui donne désormais dans le complotisme aux relents antisémites. / Crédits : Capture d'écran
Contacté par StreetPress, Thomas Joly du Parti de la France (PdF) se montre particulièrement sceptique. « Et pour quel résultat ? L’implantation locale, c’est autre chose que des incantations. Pour nous, il est plus facile de glisser discrètement des gens du PdF dans des listes RN, Reconquête, LR et divers droite, plutôt que de prétendre faire des listes nous-mêmes, sauf implantation particulière de l’un de nos cadres », tance vertement le dirigeant nationaliste. Pour l’union des extrêmes droites, ce n’est toujours pas gagné.
Image d’illustration de la mairie de Bédée, par Édouard Hue sur Wikimedia Commons. Certains droits réservés. Image modifiée avec les portraits d’Alain Escada et d’Yvan Benedetti._
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