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    29/06/2023

    « Je suis venue avec mes enfants et on est gazés »

    Nanterre : une marche blanche sous tension pour Nahel, tué par la police

    Par Elisa Verbeke

    Plus de 6.000 personnes se sont réunies pour rendre hommage à Nahel, le conducteur de 17 ans tué d’une balle dans le thorax par un policier, ce mardi 27 juin à Nanterre. Voisins et soutiens expliquent leur mobilisation contre la violence policière.

    « Moi aussi, à 17 ans, j’ai conduit sans permis. Je n’ai pas pris une balle dans le thorax. » Amel a bien connu Nahel, un jeune « souriant et respectueux » dont elle s’est occupée pendant des années au centre de loisirs de Nanterre (92) :

    « Notez-le bien dans votre article : personne ne mérite une balle dans le thorax ou des menaces. »

    Ce mardi 27 juin, Nahel, 17 ans, a été tué d’une balle dans le thorax par un policier à Nanterre. La violence policière a été filmée par des passants et a entraîné deux nuits de révolte.

    Amel, l’animatrice, porte un t-shirt blanc floqué « Justice pour Nahel », sorti du carton et distribué par la maman de Nahel, Mounia. Derrière elle, un raz-de-marée de 6.000 personnes est venu défiler pour rendre hommage à son fils. « Justice pour Nahel ! », « Tout le monde déteste la police ! », « Police, assassins ! », scande la foule. Sur un camion, la mère de Nahel s’est assise, émue par tous ces gens venus pour la soutenir.

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    L’animatrice porte un t-shirt blanc floqué « Justice pour Nahel », sorti du carton et distribué par la maman de Nahel, Mounia. / Crédits : Elisa Verbeke

    Quelques mètres plus loin, Marie-Odile observe la foule. Elle est maman, elle aussi, et habite à Courbevoie (92), pas très loin de Nanterre. « Mon fils a 16 ans. En ce moment, je lui apprends la conduite. Et si jamais il lui prend l’envie de vouloir s’évader alors qu’il n’a pas encore le permis, que peut-il lui arriver ? Ça me touche énormément ce qui s’est passé. »

    Minute de silence

    Le quartier de la préfecture est enfumé par les palets de gaz lacrymogènes lancés par la police. Un service d’ordre a bien été mis en place par les soutiens de Mounia et une chaîne humaine s’est formée devant la préfecture :

    « Les gars, ne faites pas n’importe quoi ! C’est une marche blanche en hommage à Nahel. Vous vous exprimerez plus tard ! »

    Les slogans contre la police se multiplient et des projectiles sont lancés, des pavés déterrés. « Ce ne sont pas des gars de Nanterre eux… », assure Khedija. Soufiane regrette lui aussi ces violences : « Ça ne redonnera pas un enfant à sa maman. Il faut soutenir la famille. Mais je comprends aussi que les gens soient énervés. »

    Dounia, une maman de trois enfants, n’était pas préparée à ce déroulement : « J’ai la voix qui tremble. Je suis venue avec mes enfants, mon mari et ma soeur. Et là, la police nous gaze. Beaucoup sont venus avec des enfants en bas âge. Il y a aussi des personnes âgées. On est écoeurés. »

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    « J’ai la voix qui tremble. Je suis venue avec mes enfants, mon mari et ma soeur. Et là, on nous gaze. Beaucoup sont venus avec des enfants en bas âge. Il y a aussi des personnes âgées. On voulait faire une marche blanche en honneur pour Nahel, on est écoeurés », regrette Dounia. / Crédits : Elisa Verbeke

    Quelques minutes après, une minute de silence est demandée pour Nahel. Ne vrombissent plus que les moteurs des scooters et des motos, venues en nombre pour défiler en hommage. Après l’accalmie, Dounia reprend : « J’espère que justice soit faite et qu’on nous donnera des explications. J’espère qu’il n’y aura pas de prochains incidents. »

    « Des gens sont venus de Marseille, de partout pour lui rendre hommage. Elle est extraordinaire cette marche », affirment Khadidja et Leila. Les deux jeunes femmes habitent Nanterre et, comme la plupart des gens du coin, connaissent de près et de loin le jeune garçon : « Quelqu’un d’aussi jeune que lui… C’est la première fois. Ça me choque car j’ai grandi ici. Demain, ça peut être notre frère. Ou nos fils plus tard. »

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    Une banderole géante a été déployée « Allah y rahmo Nahel », qui signifie en français « Paix à ton âme Nahel ». / Crédits : Elisa Verbeke

    Vers 17h, la marche mute en manifestation sauvage. Les palets de lacrymo continuent de tomber devant l’esplanade de la Défense, un des cœurs économiques de la capitale. Des escadrons de policiers courent après des personnes venues marcher. En bas des blocs délabrés de la cité Picasso, Safia attend, inquiète. Elle cherche des yeux son fils, parti dans la foule avec sa trottinette électrique :

    « J’essaye de l’appeler depuis tout à l’heure. Je demande à tout le monde si quelqu’un l’a vu. »

    Elle aussi connaissait Nahel, depuis ses deux ans. C’était sa voisine. Elle connaît toute la famille, surtout la maman, qui s’est occupée seule de son garçon. « Elle a tout donné pour son fils unique », insiste-t-elle très émue.

    Ce soir, le policier auteur du tir mis en examen pour homicide involontaire a été placé en détention provisoire. À Nanterre, en bas de la cité Picasso où vivait Nahel, des poubelles commencent à brûler, et les lacrymos continuent de tomber. Une habitante scande :

    « Justice pour Mounia ! »

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    Sur la cabine du camion, la mère de Nahel s’est relevée, émue par tous ces gens venus pour la soutenir. / Crédits : Elisa Verbeke

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