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    17/01/2024

    Au tribunal, ils n’ont rien assumé

    La Mezza Lyon : groupe de hooligans néonazis en procès et menacé de dissolution

    Par Christophe-Cécil Garnier

    La Mezza est un groupe hooligan d’extrême droite. Le 29 octobre dernier ses membres ont fait des saluts nazis à Marseille. Ils passaient au tribunal ce mardi et sont selon les informations de StreetPress dans le viseur du renseignement français.

    Marseille (13), palais de justice – Les journalistes tentent de filmer les quatre hommes entrés dans la salle. Parmi eux, deux prévenus de la Mezza, un groupe hooligan lyonnais, et deux soutiens. Immédiatement s’ensuit une scène cocasse : les quatre hommes trapus se mettent dans un coin, tournent dos à la caméra et fixent le mur pendant une petite minute. Timides, la Mezza Lyon ? Ils savent pourtant se faire remarquer. Le 29 octobre dernier, lors du match de football OM-OL (Olympique de Marseille – Olympique Lyonnais), des dizaines de lyonnais ont fait des saluts nazis ainsi que des cris et mimiques de singes.

    Sur les 584 supporters lyonnais qu’il y avait dans le parcage visiteur du Vélodrome ce soir-là, les enquêteurs identifient Eymeric R. et Guillaume P., membres de la Mezza. Ils comparaissent ce 16 janvier 2024 pour « provocation publique à la haine ou à la violence » et « introduction ou port dans une enceinte sportive d’objet incitant à la haine ou la discrimination ». Le premier, roux moustachu de 33 ans au pull blanc, a reconnu un salut nazi. Le second, brun à lunettes, a exhibé le drapeau de la Mezza : une carte de France avec un Guignol – en référence à Lyon – qui tient une batte de baseball et un blason qui serait un « détournement » de l’emblème de la division Charlemagne, les SS français, selon l’Équipe. Depuis sa création en 2006, le groupe d’une vingtaine de hooligans véhicule une imagerie néonazie et violente. Mais au tribunal, les deux hommes dépeignent la Mezza comme une « bande de copains », « pas politique et raciale ». Selon une note des services de renseignements que StreetPress s’est procurée, le ministère de l’Intérieur envisage très sérieusement de demander la dissolution du groupe hooligan et travaille activement dans ce sens.

    Tic et Tac

    Les échanges se sont concentrés sur les deux trentenaires, bien insérés dans la société. Ils se sont connus il y a plus de 15 ans. Leurs enfants ont grandi ensemble et ils ont été témoins du mariage de l’autre. Cette grande proximité leur vaut le surnom de « Tic et Tac » auprès des enquêteurs, en référence aux rongeurs de Disney. Guillaume P. est responsable technique et chef de projet de rénovation de golf tandis qu’Eymeric R. est responsable adjoint d’une équipe de recouvrement d’huissier. Ce dernier n’a reconnu le salut nazi qu’à la fin de sa garde à vue. Il nie être un habitué de ce genre de geste et dit avoir « réagi à des provocations » dans un contexte « d’extrême tension ». Après le caillassage du car où ils se trouvaient, son geste serait un « agacement ». « Je ne me reconnais pas du tout. J’étais dans une bulle. J’ai honte, ce n’est pas moi », lance-t-il, sans trop convaincre. « Vous faites souvent un salut nazi quand vous êtes agacés ? On a l’impression que c’est un point de détail », l’attaque l’avocat de la Licra.

    Quant à Guillaume P., le rapport d’enquête liste tous les moments où il essaie de se soustraire à la surveillance des caméras : quand il change de cagoule, enlève son pull, modifie sa tenue aux toilettes… Selon l’Équipe, ils vont même jusqu’à « ramper sous les gradins pour échapper aux caméras ». Mais pour l’homme de 34 ans, tout ceci n’est qu’un pur hasard, il n’a pas voulu cacher son identité.

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    Succession de hasards

    Face à la juge et aux avocats des nombreuses parties civiles –  SOS Racisme, l’OL, l’OM, la Licra, Sportitude et la LFP – les deux comparses se cherchent des excuses. Sur le drapeau Mezza Lyon affiché au Vélodrome, les enquêteurs ont trouvé un logo qui reprendrait le blason des SS français de la division Charlemagne. Guillaume P. a l’explication : le groupe aurait fait travailler une société pour la confection à partir du blason de la ville du Rhône. « Ils ont proposé plusieurs maquettes, on a choisi celle-là, rien ne nous choque », ose-t-il. Le procureur tance :

    « C’est une sacrée coïncidence que l’imprimeur que vous choisissez propose ça. Vu les faits qu’on vous reproche et pour lesquels vous êtes poursuivis, c’est pas de chance ! »

    Un autre drapeau de la Mezza comporte une Totenkopf, une tête de mort et insigne de la 3e division SS. Dans les années 2010, l’étendard a même été posé sur la tombe du leader fasciste italien Benito Mussolini. Mais là encore, Eymeric R. et Guillaume P. tombent des nues. « Je n’y ai jamais été », dit le premier. « Je l’ai vu sur internet, comme tout le monde », jure le deuxième. À les entendre, le drapeau ne serait même pas le leur. « Il y a d’autres Mezza Lyon ? » finit par demander la magistrate, dubitative. « On va souvent au stade depuis 17 ans, d’autres gens peuvent être autour de nous et s’en revendiquer. Mais nous, on n’a rien à voir », assure Guillaume P.

    Même histoire quand magistrats et avocats les interrogent sur une condamnation datant de 2012. À l’époque, le duo est condamné pour avoir commis des dégradations dans un local des Magic Fans, des supporters stéphanois et rivaux des Lyonnais. En plus de voler la bâche, un tag de croix gammée aurait été retrouvé. Là encore, Eymeric R. et Guillaume P. évoquent un « acte isolé » et ne l’auraient su qu’au moment du procès. Une photo après le « casse » retrouvé par StreetPress montre pourtant la petite équipée. Deux Mezza y font un salut nazi.

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    Des hooligans violents

    Le procès n’a pas permis de mettre en lumière toutes les activités de la Mezza. Aucune question n’a été posée sur leur pratique des combats hooligans organisés, que StreetPress a pu documenter au fil de ces enquêtes. Ou sur l’agressivité générale de leurs membres. Guillaume P. a par exemple été condamné pour des violences en réunion en 2014. « Une bagarre dans un bar », évacue-t-il face aux questions de la présidente. L’affaire était pourtant plus grave : cinq hommes dont Guillaume P. avait agressé deux jeunes militants d’extrême gauche de 16 et 17 ans. Ils avaient reçu chacun un coup de couteau dans le dos. Quant à Eymeric R., il a également été condamné en avril 2023 pour « violences aggravées en réunion » en état d’ivresse. « Une affaire après le travail. J’ai reçu un coup avec une arme, je me suis défendu », assure-t-il.

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    Une des seules fois où les activités du groupe ont été évoquées, c’est pour vanter leur « rapport de confiance » avec l’Olympique Lyonnais. « On communique très bien », a assuré Guillaume P. Via l’avocat du club, l’OL soutient pourtant ne « jamais » échanger avec eux :

    « La Mezza Lyon n’est pas reconnue. Il est formellement interdit de mettre leurs étendards dans le stade. »

    Après quelques heures d’audiences et de plaidoiries, le procureur requiert trois mois d’emprisonnement ferme avec bracelet électronique et trois ans d’interdiction de stade pour les deux supporters. Il a également demandé pour Eymeric R., l’auteur du salut nazi, une révocation du sursis des huit mois de prison de sa peine précédente. Le délibéré sera rendu le 12 mars prochain.

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