Julie Gahinet n’aura même pas eu le temps de profiter longuement de ses nouvelles vacances, qu’elle est déjà de retour à l’Assemblée nationale. L’ancienne collaboratrice du député Rassemblement national (RN) Julien Odoul, accusée d’avoir tenu des propos racistes, n’avait pas été renouvelée dans son poste après les révélations de StreetPress et Mediapart en juillet dernier. Mais l’ex-attachée parlementaire n’a visiblement eu que peu de difficultés à retrouver du travail. Le député RN de l’Aude Julien Rancoule vient de l’embaucher, révèle Mediapart. Le fait que la jeune femme soit visée par trois plaintes pour injures racistes n’a donc pas bloqué sa candidature.
L’élu « assume » auprès de Mediapart ce recrutement et confirme l’avoir fait en toute connaissance de cause : « Il y a eu plusieurs plaintes contre elle du même groupe de personnes et elle a porté plainte contre eux pour diffamation publique. À ma connaissance, elle n’a même pas été entendue ou mise en examen. » Et ajoute même : « Moi j’ai embauché quelqu’un pour ses compétences professionnelles et je crois à la présomption d’innocence. Pour moi, dans cette affaire, c’est parole contre parole. »
« Vous n’êtes pas de vrais Français »
Les éléments à charge sont pourtant nombreux. Le soir du 17 juillet dernier, Julie Gahinet et ses amis prennent un verre au Rosa Bonheur sur Seine, près de l’Assemblée nationale. La péniche est pleine, et l’espace entre les tables est réduit. Une proximité qui agace l’ex-collaboratrice. Selon elle, les occupants de ta table située derrière elle prendraient trop de place. La situation dégénère quand Julie Gahinet leur aurait lancé : « De toute façon, vous n’êtes même pas de vrais Français », « vous ne parlez même pas français », « vous parlez dans votre langue, là », avant d’ajouter :
« Vous n’êtes pas de vrais Français, moi je suis chez moi, je suis française, je suis blonde aux yeux bleus. »
Younès, Nora et Inès (1), Français d’origine marocaine – que StreetPress et Mediapart avaient rencontrés – sont sous le choc. Julie Gahinet aurait aussi effectué dans le même temps un signe devant sa tête pour signifier qu’ils étaient « d’une autre couleur de peau », selon Younès. L’ex-attachée parlementaire leur aurait ensuite lancé « dégagez », avant de rétorquer à Inès :
« Les Français ne veulent pas de Français comme toi. »
Les trois amis ont fini par déposer plainte pour « injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine ». Julie Gahinet, interrogée par les deux médias indépendants, démentait alors avoir tenu des propos racistes.
Grâce à une photo qu’ils avaient prise d’elle et quelques recherches sur internet, les trois amis parviennent à identifier Julie Gahinet. / Crédits : DR
Le député RN Julien Rancoule « assume »
Malgré les nombreux témoignages et éléments apportés par StreetPress et Mediapart, le député Julien Rancoule répond : « C’est à la justice d’estimer si c’est probant ou pas ». Il précise auprès de Mediapart qu’il n’est « pas juge » mais « légaliste ». Pour lui : « Il n’y a pas d’élément probant » et promet que « cette histoire sera classée sans suite ».
Alors que le Rassemblement national annonçait il y a quelques mois vouloir évincer les supposées quelques « brebis galeuses », après les multiples révélations visant une centaine de candidats RN aux élections législatives épinglés pour leurs propos racistes, antisémites, sexistes, complotistes, homophobes… Le député assure : « J’ai fait ma sélection de candidats par rapport à leur qualité professionnelle. Mme Gahinet n’a aucune condamnation et ces plaintes ont été abordées lors de son entretien d’embauche. Je n’ai donc pas de raison de ne pas croire sa version et je ne crois pas le tribunal médiatique ». Il refuse auprès de Mediapart de dire précisément ce qu’il ferait si sa collaboratrice était mise en examen ou condamnée : « Je réfléchirais aux suites à apporter. »
Sollicités par Mediapart, ni Julie Gahinet, ni le parti, ni Renaud Labaye, le secrétaire général du groupe à l’Assemblée nationale, n’ont souhaité répondre.
Illustration de Une de Caroline Varon.
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