Dimanche 5 janvier, 19e arrondissement de Paris – À une centaine de mètres d’un incendie, Teri passe sous la rubalise de sécurité. Avec lui, dans une poussette, son fils de 10 mois qu’il veut mettre au chaud dans l’immeuble de sa belle-mère, à moins d’un mètre derrière le ruban. « Je reconnais ce tort-là. Il y avait des gens qui étaient passés avant moi. On était à un pas de la porte », commence-t-il d’emblée au téléphone.
Mais devant l’entrée du bâtiment, l’animateur en centre de loisir de 27 ans est stoppé par les policiers. Il assure avoir essayé de discuter, jusqu’à une phrase qu’aurait selon lui prononcé un des fonctionnaires :
« Vous, c’est sûr, vous êtes connu des services. »
Une phrase qui sous-entend qu’il aurait déjà eu des problèmes avec la police. « Ça m’a choqué. Je n’ai pas de problème avec la justice, je suis gentil, je travaille. Cette phrase et la manière dont ils se sont comportés, ça m’a mis hors de moi », reprend Teri. Plusieurs agents l’entourent. L’un essaie de lui prendre la poussette, d’autres l’attrapent autour du cou et l’emmènent au sol.
Sur les nombreuses vidéos captées par les passants et les habitants du quartier consultées par StreetPress, le jeune homme crie sa douleur sous la masse des six fonctionnaires qui procèdent à son menottage. Il dénonce avoir reçu de nombreux coups le long du dos et du corps, mais aussi un coup de pied au niveau de la bouche et avoir eu la cheville écrasée. « Je sentais tous les poids, tous les coups… On ne sait pas ce qui peut arriver », confie-t-il, la voix chevrotante.
Quatre coups de taser disproportionnés
Teri est alors relevé par les agents et emmené vers un véhicule de police, devant lequel il résiste. Lui explique avoir été « effrayé » à l’idée de monter dans la voiture banalisée. Sur les images, on peut distinguer un des policiers appuyer de toutes ses forces sur sa tête, tandis qu’un autre le menace de faire usage du taser. Quatre séries d’électrisations sont alors entendables sur la vidéo.
« L’utilisation à quatre reprises du pistolet à impulsion électrique (PIE) sur un homme menotté et maîtrisé paraît disproportionnée et ne respecterait ainsi pas les critères légaux du recours à la force », analyse Émilie Schmidt, responsable « Sûreté et libertés » à l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). Pour Fanny Gallois, responsable du programme Liberté à Amnesty international France, l’usage du taser au contact « peut s’apparenter à un acte de torture ou de mauvais traitements ». L’arme ne devrait être utilisée « qu’en dernier recours, dans des conditions de nécessité et proportionnalité, face à une menace imminente pour la vie ou un risque de blessures graves », juge-t-elle à l’aune du droit international.
Placé en garde à vue pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion », Teri aurait signalé aux policiers avoir sur lui sa « conso » de cannabis. Banco, l’homme est désormais également poursuivi pour « détention de stupéfiants ». Sollicitée par StreetPress, la Préfecture de police indique qu’un « policier s’est vu octroyer deux jours d’incapacité temporaire de travail (ITT) » (1). Teri, lui, ne se serait vu délivrer « aucune ITT » tente l’institution. En arrêt de travail depuis les faits, l’homme n’aurait en réalité pas encore été examiné par un médecin des Unités médico-judiciaires. Le certificat médical établi par son médecin traitant, consulté par StreetPress, atteste de multiples hématomes, un gonflement de la cheville droite, des dermabrasions (blessures superficielles) aux poignets « correspondants à la pause de menottes excessivement serrées selon lui » ainsi qu’un « état d’anxiété généralisé » le rendant « inapte à reprendre son travail auprès d’enfants de bas âge ».
Après un refus du commissariat central du 10e arrondissement de Paris, Teri a déposé plainte mercredi 8 janvier à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) contre les policiers. « Un combat perdu d’avance » pour sa mère, mais à laquelle elle tient, « pour toutes les victimes qui n’ont pas porté plainte, qui n’ont pas pu porter leur voix parce que pas soutenues, pas les moyens de se défendre, pas la connaissance du dispositif ». Convoqué au tribunal en mars 2026, son fils regrette l’ampleur qu’ont pris les événements :
« La situation réelle, que je voulais juste amener mon fils, elle a été oubliée. »
(1) Également sollicitée sur les propos et gestes attribués aux agents et l’ouverture d’une enquête administrative, la Préfecture de police n’a pas répondu à ces questions.
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