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    08/09/2025

    Le bâtiment est situé entre l’Hôtel de Ville et la préfecture de police

    « Gauchistes de merde. On vous tuera avec les nègres et les bougnoules » : à Paris, des tags néonazis dans un lieu associatif face à l'Hôtel de Ville

    Par Daphné Deschamps

    Dans la nuit du 6 septembre, les portes d’une dizaine de bureaux aux Arches citoyennes, plus grand espace d’accueil solidaire parisien, ont été forcées. Des ordinateurs ont été volés, des menaces de mort racistes et des croix gammées ont été taguées.

    « Ils n’ont vraiment pas fait dans la dentelle », ironise Grégory en décrivant l’état de son bureau, dont la porte a été défoncée et les murs couverts de graffitis nazis, racistes et de menaces de mort dans la nuit du 6 au 7 septembre 2025. Son entreprise de cybersécurité est hébergée, comme des dizaines d’autres entreprises, d’associations ou d’ateliers d’artistes, aux Arches citoyennes, entre l’Hôtel de Ville et la préfecture de police. Le bâtiment, ancien siège de l’AP-HP, a été réhabilité pour devenir le « plus grand tiers-lieu à vocation sociale de Paris » par Plateau Urbain, dont c’est la spécialité. L’entreprise gère plusieurs autres lieux similaires en Île-de-France.

    Parmi la dizaine de bureaux attaqués, tous situés dans le même couloir au troisième étage, on trouve pêle-mêle l’entreprise de Grégory, l’atelier d’une artiste-plasticienne ukrainienne, une entreprise de seconde main sur Internet, une association organisant des ateliers de réparation de vélos… Sur leurs murs s’étalent désormais des croix gammées — dont certaines dessinées à l’envers —, des insultes comme « gauchistes de merde » et des menaces :

    « On va bientôt tous vous tondre collabos de merde », « On vous tuera vous avec les nègres et les bougnoules. »

    « Ça fait plaisir de pas avoir été oublié », ironise Nabil, un des salariés de Grégory, en découvrant les inscriptions. Des ordinateurs ont été dérobés au passage ; ce sont les seuls objets à avoir disparu. « Le but était clairement de foutre la merde et de faire peur », estime Grégory.

    À LIRE AUSSI : Une plainte déposée pour tags néonazis au lycée Louis-le-Grand

    « Une politique progressiste »

    Pour lui, ce ne sont pas spécifiquement les bureaux saccagés qui étaient visés par ce commando d’extrême droite mais plutôt le concept même de Plateau Urbain. « Ce n’est pas un parti politique ou une organisation militante, mais ce qui est fait ici : réhabiliter des lieux en plein Paris pour héberger des associations, des médias indépendants, des artistes… C’est une politique progressiste. » Une certitude que Simon Laisney, directeur général et fondateur de Plateau Urbain, préfère pondérer en attendant des nouvelles de l’enquête de police :

    « On a très peu d’informations sur les motivations pour le moment. »

    L’ouverture du lieu sur l’extérieur est louée par ses résidents : « On y croise beaucoup de monde, toujours des gens intéressants, dont on partage les valeurs. On a organisé à plusieurs reprises des événements antiracistes, féministes… On n’a jamais reçu de menaces ou été ciblés auparavant », explique Violette Voldoire, dont le média indépendant « Radio Parleur » est hébergé aux Arches citoyennes depuis plusieurs années. Ses bureaux n’ont pas été touchés dans l’attaque.

    Une plainte déposée, la police scientifique sur place

    « On essaye de construire des lieux avec une grande mixité, entre des structures associatives, des start-ups, des artistes… Le but, c’est de créer des lieux de vie et des espaces de travail ouverts », explique Simon Laisney. Parmi la grande diversité d’associations hébergées par Plateau Urbain, se trouvent quelques organisations qui peuvent être visées par l’extrême droite pour leur soutien aux personnes exilées. « Des tiers-lieux, dont on était partenaires, ont déjà été la cible de tags racistes comme aux Grands Voisins ou aux Cinq Toits, il y a quelques années. Mais c’est la première fois que nous sommes victimes d’une telle intrusion. »

    À la suite des dégradations, Plateau Urbain a déposé plainte pour dégradations et tentatives d’intrusion, et une enquête vient d’être ouverte. Grégory et les autres occupants des bureaux saccagés comptent faire de même :

    « Je vais porter plainte pour le cambriolage mais aussi pour incitation à la haine raciale et menaces de mort. »

    La police scientifique, dont les laboratoires sont à deux pas, est déjà venue effectuer des relevés biométriques dans les locaux. En attendant que l’enquête avance, Plateau Urbain a renforcé son dispositif de sécurité, avec notamment l’embauche de vigiles pour surveiller le bâtiment.

    Pour l’instant, ni le parquet de Paris ni la mairie de Paris n’ont donné suite à nos sollicitations.

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