En ce moment

    13/10/2011

    Une association demande la déclassification du « monument historique »

    Frédéric Mitterrand retirera-t-il la fresque « Au Nègre Joyeux » ?

    Par Robin D'Angelo

    A Paris des associations noires demandent le retrait de la fresque « Au Nègre Joyeux ». Classée « monument historique » seul le ministre pourrait la retirer … mais elle est introuvable dans les registres du ministère de la Culture.

    « Il faut l’enlever ! A la rigueur l’envoyer dans des musées pour rappeler l’Histoire raciste de la France mais c’est inacceptable ! » Franco, le leader de la Brigade Anti-Négrophobie est remonté comme un coucou quand StreetPress évoque avec lui la fresque « Au Nègre Joyeux » qui orne une des façades de la place de la Contrescarpe à Paris dans le Vème arrondissement.

    Objet du scandale: L’enseigne coloniale « Au Nègre Joyeux » qui surplombe le supermarché G20 du 12 rue Mouffetard. L’écriteau de 5 mètres de large est accompagné d’une fresque datée du XVIIIème siècle où un esclave au sourire béat apporte à une maîtresse sévère son déjeuner. «Une attaque du fondement de l’identité nègre !» pour le militant. Tous les samedis depuis 3 semaines, son association la Brigade Anti-Négrophobie réunit une trentaine de personnes au pied de l’immeuble pour une manifestation silencieuse.


    Afficher Au nègre joyeux sur une carte plus grande

    Bim, bam, boum Deux impacts de jets de pierre ont brisé en plein centre la vitre de plexiglas censée protéger la fresque. « Ça arrive très souvent ! » rigole la caissière de la supérette située juste en dessous de l’enseigne. Franco et la Brigade Anti-Négrophobie réfutent toute responsabilité:

    « Ce n’est pas nous qui avons lancé des projectiles. Mais je comprends totalement le geste ! Il n’est pas normal de ne pas s’offusquer devant une telle affiche. »

    Rokhaya, Patrick et Sammy L’association demande le retrait de la fresque. Ou au moins qu’un panneau explicatif soit installé pour effectuer « un travail de sensibilisation ». « Il n’est pas acceptable que survive sans explications dans la Cité une représentation neutre voire complaisante de l’esclavage » lit-on dans un communiqué publié sur le site du collectif Cités en mouvement, mobilisé avec l’Alliance Noire Citoyenne.

    Il n’est pas normal de ne pas s’offusquer devant une telle affiche

    « Pendant la période 39-45, il y avait des affiches sur les Juifs. Aujourd’hui il n’y en a plus aucune. Qu’il en soit de même pour nous ! », argumente Franco. Même le Cran de l’ancien UDF Patrick Lozès y est allé de son petit mot chez Rue89 et les Indivisibles de Rokhaya Diallo ont rejoint la Brigade Anti-Négrophobie dans la lutte. Plus funky le soutien de Sammy Ghozlan du Bureau National de Vigilance contre l’Antisémitisme qui propose son aide: « Il faut faire remonter les choses à un service organisé comme nous le faisons. S’ils veulent nous en informer, il n’y a aucun problème ! » Mazel Tov.

    Mais à qui appartient l’enseigne ? En attendant de réfléchir à « une démarche de contentieux » Charles Morel, l’avocat des associations Alliance Noire Citoyenne et Cités en mouvement, a écrit le 29 septembre à Frédéric Mitterrand:

    « Comme l’enseigne est un monument historique: seule la préfecture peut la retirer ou la modifier. Mais on a interpellé le ministre pour qu’il se saisisse du problème et utilise son pouvoir d’évocation » explique t-il joint par StreetPress

    Problème: « Aucune trace » du « Nègre Joyeux » dans le registre national des monuments historiques. Pire l’enseigne n’a pas l’air d’exister pour l’administration française. Au bureau de protection des monuments historiques qui dépend du ministère de la Culture « on pense qu’elle est sous le contrôle du service de la Conservation régionale des monuments historiques » qui conseille lui de s’adresser aux architectes des bâtiments de France … qui n’en savent rien du tout … Ah si ! « Peut-être qu’elle a été inscrite pendant les campagnes de protection des devantures dans les années 60 et 70 … Mais je n’ai pas la liste ! » Bon courage à la Brigade.


    Le point de vue de François Durpaire

    « Placées dans des musées » Pour l’historien François Durpaire il ne fait aucun doute que les enseignes coloniales n’ont plus leur place dans les rues de Paris. « Comment des parents peuvent expliquer à leurs enfants ces enseignes? Ils se retrouveraient face à une contradiction: Pourquoi afficher dans les rues des expressions péjoratives! »

    Le président du Mouvement Pluricitoyen voit dans la Brigade Anti-Négrophobie et son action «  l’embryon » d’une « communauté noire qui n’existe pas » et dont il souhaite l’existence. Sur les positions plutôt radicales de Franco et sa troupe: « Ça s’explique ! Est-ce que ce que vous percevez comme une sorte de repli n’est pas à comprendre comme une volonté de mobiliser une communauté qui ne l’est pas ? »
    Le spécialiste des États-Unis estime néanmoins que « l’ensemble de la société devrait être concerné par le combat du nègre joyeux ».

    Des émeutes dans le 5ème ? Monument ou pas: Franco n’est pas prêt à lâcher l’affaire. « On va continuer jusqu’à ce que le gouvernement entende raison … ou que notre endurance en prenne un coup ». En cas de statu quo l’ancien rappeur du groupe La Brigade n’exclue pas de sortir l’échelle pour déloger l’enseigne de force:

    « On nous dit constamment que la violence ne sert à rien, mais par rapport à la question raciale c’est malheureusement par les émeutes que les choses changent. »

    Avant de sortir les cocktails molotov, son avocat-militant Charles Morel préfère mobiliser. « Nous allons interpeller Bertrand Delanöé si blocage il y a ». Une copie de la lettre adressée à Frédéric Mitterrand a déjà été envoyée au maire du Vème Jean Tiberi et au préfet de Paris. Samedi 15 octobre peut-être qu’ils seront un peu plus nombreux devant le G20 de la place de la Contrescarpe.

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER