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    11/06/2013

    L'occasion aussi d'acheter un CD de Cheb Khaled

    Devant la mairie de Paris « les biffins » manifestent contre les contrôles policiers

    Par vincent touveneau

    Ils vendent des objets de récup' sur les trottoirs du Nord-Est parisien quand ils ne se font pas dégager par la police. Lundi devant la mairie de Paris, « les biffins » demandaient à être reconnus comme profession.

    « Ce bouquin-là ? Il coûte un euro monsieur. » Depuis le temps, Joëlle connait la chanson. Voilà vingt-cinq ans qu’elle fait les puces de Paris, au sein de cette communauté de vendeurs qu’on appelle « les biffins ». « Il y a cinq ans je suis devenue veuve. Il a fallu que je travaille plus pour pouvoir survivre seule. » Et de sillonner les marchés de Paris et de Montreuil avec des sacs remplis d’objets de récup’.

    Aujourd’hui, sur la place de l’Hôtel de Ville du 4e arrondissement, elle vend des livres, mais elle tracte également pour l’association Amelior, le collectif des soutiens aux biffins sans place.

    « La profession a une image de plus en plus négative. On est perçu comme des gens qui picolent et qui fouillent dans les poubelles pour refourguer des ordures. Depuis quelques temps, les conditions de travail se sont vraiment durcies pour nous. »

    Les raisons pour lesquelles ils se trouvent discriminés depuis plusieurs années sont simples: le défaut d’emplacement officiel rend leur travail illégal. Certains vivent en France dans la clandestinité, ce qui n’arrange rien.

    Police Sur la place, une petite dizaine de biffins se partagent l’espace d’une brocante improvisée, sous l’œil discret mais attentif des gendarmes postés plus loin. Les nappes colorées leur servent d’étals à même le sol, où l’on trouve un bric-à-brac d’objets hétéroclites qui vont du sac Longchamp à des DVD pornos : Une vraie petite caverne d’Ali Baba.

    Parmi les biffins, des asiatiques, des Roumains, des Congolais. On parle toutes les langues mais on entend surtout le mot « euros » et le tintement des pièces. Joëlle se définit comme « gauloise, ce qui lui évite des emmerdes avec les flics. » Dans le milieu biffin, c’est la principale crainte. La confiscation des objets, et la maltraitance sont des menaces réelles. « Il y a ce policier qu’on appelle “le Polonais”, vers Barbès et Belleville. Il ne fait pas dans la dentelle et s’attaque souvent aux plus faibles. » Sa version des faits est confirmée par Samuel Lecoeur, lui aussi biffin, habillé de pied en cap avec un patchwork de vêtements glanés aux puces. « Le Polonais est un type assez sadique qui confisque souvent la marchandise et fait perdre beaucoup d’argent aux vendeurs. » Puis, il rajoute:

    « Notre situation s’est largement dégradée depuis la prise du pouvoir par la gauche. Du coté des officiels, on n’a pas d’interlocuteur: la cause est délaissée par le gouvernement qui intensifie les contrôles et les confiscations. Pire: depuis que certains coins du 19e arrondissement ont été classé “Zone de sécurité prioritaire”, il y a des endroits où l’on ne peut plus exercer. »

    Notre situation s’est largement dégradée depuis la prise du pouvoir par la gauche

    Emplacements Dans cette situation critique, la manifestation d’Amelior – qui tient plutôt de la brocante conventionnelle, mais avec des tracts – vise à informer les clients des galères rencontrées par ceux qui veulent vivre ou même survivre grâce à ce commerce parallèle. Est-ce que les biffins espèrent du changement ? « Un peu mon neveux ! » s’enthousiasme Samuel, avec son accent titi parisien. Il espère à court terme que « les biffins soient enfin reconnus en tant que membres d’une profession, et qu’ils disposent d’emplacements pour vendre leurs objets. » Et surtout mettre fin à la répression policière car la confiscation des stocks représente une sanction assez brutale :

    « Les bons jours, les biffins peuvent empocher plus de 50 euros. Les mauvais, on plafonne à 20 euros. C’est toujours différent, mais encore faudrait-il qu’on nous laisse bosser. »

    En attendant, la faune locale continue de se presser aux abords des biffins, intriguée par le nombre d’objets disparates et guidée par la « bonne affaire » dont on pourra peut-être se vanter plus tard. Elias, la vingtaine, soutient à sa façon cette forme de commerce plusieurs fois centenaire: « Je préfère toujours leur acheter un petit truc pas cher que d’engraisser les grands groupes. » Dans son sac, ses nouvelles trouvailles: « D’un château à l’autre », de Céline, et un vieux single de Khaled. Ça manque un peu de cohérence, mais certainement pas de charme.

    bqhidden. Les bons jours, les biffins peuvent empocher plus de 50 euros

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