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    13/04/2017

    Sur le banc des accusés « Francky », fonctionnaire de police

    Passage à tabac au commissariat de Reims

    Par Jean-Sébastien Josset

    Le 2 mars, Roméo est passé à tabac alors qu'il est placé en garde à vue dans un commissariat de Reims. Une caméra de surveillance filme la scène. Ce mardi 11 avril, « Francky », policier, comparaissait pour violences volontaires.

    Tribunal de Reims (51) – Visage poupon, Roméo, 18 ans, jette des coups d’oeil à ses parents depuis son banc. Sa mère serre le poing. Lui, c’est impassible qu’il écoute le récit de sa nuit de calvaire au commissariat de Reims. A la barre, Francky, 44 ans, répond aux questions du juge. Il est mis en examen pour violences volontaires par dépositaire de la force publique dans un local de l’administration ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours.

    Les faits remontent à la nuit du 2 mars. Une brigade de la BAC interpelle quatre jeunes, très alcoolisés. La petite troupe fête la sortie de prison de Roméo en pétant des rétros de bagnoles. A la barre Francky, les cheveux ras, une paire de lunettes noires à grosse monture sur le nez, se tient droit dans son costume noir. Il raconte l’interpellation puis le trajet en voiture jusqu’au commissariat :

    « Il menace les fonctionnaires de la BAC, il donne des noms de famille et des adresses [de policiers]. »

    Au commissariat, la situation dégénère. Roméo est particulièrement agité. Les insultes fusent. Francky décrit au tribunal un jeune homme incontrôlable :

    « Il se contractait, j’avais du mal à serrer ses bras. »

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    Capture d'écran de la vidéo de surveillance / Crédits : DR

    La scène se déroule sous le regard d’une caméra de surveillance. Les images, diffusées à l’audience, sont accablantes pour le policier. Dans une première séquence, on peut les voir tenter de maîtriser le jeune homme. Ils le plaquent au sol, le menottent avant de le traîner en salle de fouille. La victime disparaît du champ de la caméra.

    Lorsque Roméo réapparaît à l’image, il sort de salle de fouille en caleçon et en pull. Maître Ludot, l’avocat du plaignant, est scandalisé. Il estime que son client est porté comme « un vulgaire sac à patates ». « Au début (dans le local de fouille), il se débat. Et au moment de le faire s’asseoir, il bouge sa tête, crache sur le collègue et tente de le mordre. Il nous insultait aussi », assure le fonctionnaire pour justifier la suite.

    Seconde vidéo. On y voit trois policiers jeter brutalement le jeune homme au sol. Dans la cellule numéro 4, il se relève et revient au contact des policiers. Un fonctionnaire le pousse à nouveau, et c’est à ce moment que « Francky » surgit dans le champ de la caméra. Il assène une violente série de coups de poings au jeune homme. « Je porte des atémis [coups de poings inspirée des arts martiaux japonais]. C’est violent mais c’est la technique que l’on apprend en formation. » Pour « Francky », ce sont des gestes défensifs. A la barre, il explique qu’il ne parvenait pas à fermer la porte de la cellule. Un instant, il tourne le dos à Roméo. Un collègue lui dit « attention », pensant que Romeo s’apprête à le charger. Le policier aurait alors paniqué.

    Me Benkoussa, l’avocat du policier, fera de cet argument l’axe principal de sa défense. Il demandera même une reconstitution des événements, contestant l’analyse des images par l’IGPN. « Nous avons un élément objectif avec la vidéo. Et l’angle de la caméra a été choisi par la police », tonne le procureur. La demande de complément d’information est rejetée.

    Chaîne d’incompétences

    Contacté par StreetPress la veille de l’audience, Maître Ludot, l’avocat de la victime, dénonce l’ensemble de la procédure. Selon lui, des violences ont eu lieu avant et après ce que les images peuvent montrer. Les violents coups de poing portés par Francky ne servirait qu’à expliquer devant les autorités les ecchymoses du jeune homme. Et à couvrir d’autres policiers :

    « Le policier frappe délibérément le gardé à vue. Le parquet a été très habile en renvoyant un seul policier en correctionnelle. »

    Et de s’interroger sur le rôle du médecin en charge de l’examen médical pendant la garde à vue. Le toubib a autorisé sa prolongation alors qu’à sa sortie un confrère accorde à Roméo une ITT supérieure à 8 jours. L’avocat s’agace :

    « Le médecin ne veut pas se mettre mal avec les policiers pour garder les visites, mais il avait le devoir d’alerter le parquet. »

    Idem pour le substitut du procureur qui a été alerté de la GAV dont il va autoriser la prolongation après une visioconférence où l’on voit clairement Roméo couvert de bleus. Un échange qui se déroule en présence des policiers. Pour son avocat, le jeune homme ne pouvait pas, à ce moment, s’exprimer librement. « On a ici toute une chaîne d’incompétences », s’insurge Maître Ludot.

    Les flics rémois sont Francky

    Dans le salle d’audience, un parterre de fonctionnaires en civils. Le fameux esprit de corps de la police est plus que palpable. Ils sont venus témoigner leur soutien à leur collègue, mais aussi et surtout, en dépit des images, manifester leur indignation. Le 4 avril, juste avant la première audience (finalement reporté), le syndicat Unité SGP Police diffuse un tract intitulé « Je suis Francky ». En gros, il est écrit :

    « Les policiers nationaux apporteront leur soutien sans réserve à leur collègue Francky injustement mis en cause lors de l’exercice de ses fonctions. »

    (img) Le tract de l’Unité SGP 17821526_10154277175226010_427188339_n.jpg

    Et de conclure :

    « La stigmatisation des policiers ça suffit ! »

    Une campagne qui a agacé les magistrats en charge du dossier. En préambule de ses réquisitions, le Procureur de la République, Maître Bourette, a tenu a rappeler que « ce procès n’est pas le procès de la police, ce n’est pas davantage le dossier des violences policières ».

    Le procureur requiert trois mois de prison avec sursis et trois mois d’interdiction d’exercer ses fonctions. Pour Romeo, jugé le même jour, pour « violences sans incapacité » et « outrage » sur « personne dépositaire de l’autorité publique », il a requis un an de prison ferme. Rendu du délibéré le 16 mai.

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