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    05/12/2019

    Contre les retraites, la réforme du chômage, les lois Blanquer et le libéralisme

    Dis, pourquoi tu fais la grève générale ?

    Par Inès Belgacem , Yann Castanier

    17 grévistes expliquent à StreetPress pourquoi ils manifestent dans Paris, ce jeudi 5 décembre.

    Céline, 39 ans, pompière et Gilet jaune

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    Céline est pompier / Crédits : Yann Castanier

    Céline sourit quand elle voit son collègue pompier allumer un fumigène à sa gauche. Tous les deux couvrent leur visage. Elle est grimée en Joker « parce qu’il est le symbole du peuple qui se soulève ». Concernée par la suppression des régimes spéciaux, elle assure que le projet de loi retraite est injuste et une « connerie ». « Repousser l’âge de départ est un danger autant pour les citoyens que pour les secouristes. » La pompière ajoute : « Les violences faites aux pompiers pendant les interventions ne sont ni prises en compte, ni discutées. La prime de dangerosité est d’ailleurs sous-évaluée : elle est de 19% alors que la police est à 28% par exemple. » Et puis, en tant que Gilet jaune, elle défile aussi « pour plus de justice sociale et fiscale ».

    Carole, 30 ans, et Claire, 27 ans, professeure des collèges

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    Carole et Claire travaillent dans un collège à Aubervilliers / Crédits : Yann Castanier

    « En plus des retraites, on manifeste pour la santé, le logement, et puis contre toutes les réformes de Blanquer ! » Les deux profs enseignent dans un collège d’Aubervilliers, une des villes les plus pauvres de France. Récemment, le lycée d’Alembert voisin manifestait pour dénoncer la mort de deux élèves et les agressions de 20 autres depuis le début de l’année. Face à cette réalité, les déclarations du ministre concernant les zones d’éducation prioritaires (Rep) les consternent : « Son objectif est de supprimer progressivement les fonds sociaux des Rep ». Les deux femmes regrettent le manque d’effectif : à la rentrée, aucune assistante sociale n’était là pendant plus de deux mois. Elles dénoncent également l’absence de psy ou d’accompagnant éducatif et social à temps plein. « Quand un élève est absentéiste ou dissipé, c’est souvent qu’il est dans une situation sociale difficile. Je me souviens d’un jeune qui avait un logement insalubre de 9 m2 avec sa famille », raconte Carole. Quant à Claire, elle se souvient qu’à son arrivée dans le 93 il y a sept ans, elle pensait que le plus dur serait de donner cours et se faire respecter : « En fait c’est d’être délaissée, d’être confrontée au manque de moyens et à l’impuissance d’aider nos élèves ».

    Tristan, 20 ans, étudiant

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    Tristan est étudiant / Crédits : Yann Castanier

    Le grand blond porte fièrement sa banderole « Jeunesse unie, Macron au tapin ». Tristan défile aujourd’hui avec d’autres étudiants du lycée Lakanal et de l’ENS Cachan, où il étudie la physique. « Toutes les réformes actuelles cassent la société, la scinde entre classes sociales mais aussi entre âges. Et puis, concernant la réforme des retraites, en plus de tout ce qui lui est reproché, elle est profondément inégalitaire pour les femmes ! » Il cite aussi les politiques d’immigration et sur la santé, qu’il trouve élitistes. L’étudiant y voit un danger pour la solidarité.

    Grégory, 44 ans, conducteur de bus

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    Grégory est conducteur de bus / Crédits : Yann Castanier

    Grégory porte fièrement son bonnet Sud RATP. Le syndicaliste dénonce les réformes élitistes du gouvernement Macron. « On prend l’argent du peuple pour le donner aux plus riches ». Il ajoute sur la réforme des retraites : « C’est une attaque sans précédent au système des répartitions pour en faire un système déguisé de capitalisation. » Avec les collègues, ils ont fait le calcul : ils perdraient 500 euros sur leur retraite.

    Eric, 43 ans, ingénieur de l’aviation à Roissy

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    Eric travaille à Roissy / Crédits : Yann Castanier

    Responsable syndical CGT, Eric est aussi ingénieur électronicien à l’aéroport de Roissy. Il s’occupe de la maintenance des systèmes. « La tour de contrôle quoi. » Il manifeste contre les retraites, mais aussi la baisse des effectifs de fonctionnaires. « Et puis ensuite ils vont enchaîner sur la sécurité sociale, les services publics, tout va devenir néo-libéral. » Lui compare Macron à Thatcher ou Reagan. « On va déboucher sur un système où les retraités auront une pension plus faible et des cotisants qui vont payer plus. »

    Naomie, 27 ans, Séverine, 37 ans, et Valérie, 41 ans, aides soignante réanimation

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    Naomie, Séverine et Valérie sont aides soignantes / Crédits : Yann Castanier

    Toutes les trois exercent à l’hôpital de Gonesse. « On finira par soigner des gens qui seront beaucoup plus jeunes que nous ! » Naomie redoute l’âge du départ à la retraite. « On ne sera plus aptes à réanimer des patients au moment de notre départ… » Elle parle aussi des effectifs réduits. Valérie ajoute que pour manifester aujourd’hui, elles ont dû utiliser leur jour de repos. « Sinon, on est tellement peu qu’on est d’astreinte. » Quant à Séverine, elle a déjà pâti des restructurations de services. D’abord à Beaumont où son service a fermé et fusionné avec celui de Cergy. Manque de bol, les postes ont été réduits et elle a dû trouver un job ailleurs par elle-même. Elle estime avoir eu de la chance de trouver à Gonesse.

    Louis et Marion, 32 ans, chercheur et avocate, et Matis, 2 ans, à la crêche

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    Marion, Louis et Matis cherchent la moulaga / Crédits : Yann Castanier

    Marion fait fureur avec sa pancarte « Elle est où la moulaga », tirée des textes du rappeur Heuss l’Enfoiré. Un Gilet jaune lui demande un selfie en demandant : « Bah ouais, elle est où la moulaga des retraites ?! ». Louis, lui, tient la poussette avec leur fils, Matis. « On manifeste plus largement pour tout ce que fait ce gouvernement : ISF, loi immigration, loi chômage, etc. Il y a une distance méprisante entre le gouvernement et les réalités de vie des citoyens. » Elle est avocate, lui chercheur et sociologue. Ils savent qu’ils ont une « carrière à trou, comme des millions de Français, parce que le marché du travail est compliqué ». C’est-à-dire des périodes d’emploi entrecoupées de temps d’inactivité. « Et on va se faire avoir par ce système de retraites ! », assure Louis. « Déjà que c’est compliqué, on nous rajoute de nouvelles galères », complète Marion.

    Christian, 68 ans, retraité

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    Christian est retraité / Crédits : Yann Castanier

    « Pour moi ça va, c’est pour tous les autres. » Lui travaillait dans le chauffage et la clim, jusqu’à ses 63 ans. Aujourd’hui, il sait qu’il a une retraite confortable, 1900 euros. Mais ça n’est pas le cas de sa femme, avec ses 300 euros par mois. « On est décroissant. On vit modestement et on consomme de manière raisonnée, alors ça va. » Il ajoute : « On s’inquiète davantage pour ceux qui galèrent. C’est à eux qu’on enlève toujours plus. »

    20 et 21 ans, black bloc

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    Un couple anti-capitaliste anonyme <3 / Crédits : Yann Castanier

    Ils ne donnent pas leur nom, mais racontent qu’ils sont pour une « diversité des tactiques ». Ils ne se sentent représentés par personne. « Alors je me représente moi-même », raconte-t-elle. Ils se tiennent la main, tous les deux masquées, dans la foule de plus en plus compacte et excitée. « Il faut un changement de paradigme. Il faut mettre fin à ce système vertical et inégalitaire. »

    Pierre, 36 ans, Senza, 28 ans et Flora, 26 ans, qui travaillent pour différentes plateformes de mobilisation citoyenne

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    Pierre, Senza et Flora travaillent pour des plateforme de mobilisation citoyenne / Crédits : Yann Castanier

    Un drapeau Extinction Rébellion flotte au-dessus de leurs têtes. Tous ne font pas partie du groupe, mais ils sont au moins sympathisants. « C’est une grève générale. Aujourd’hui, tous les combats sont présents et représentés », s’enthousiasme Pierre. « Il y a un problème de système. Aujourd’hui, c’est une offensive contre le libéralisme. On ne cesse de nous demander de travailler plus pour gagner moins. Et ça bien avant Macron », renchérit Flora. « C’est travail, consomme et ferme ta gueule », résume Senza. Tous sont également d’accord sur ce point : « L’écologie devrait être une cause inhérente à tous les partis et à toutes les luttes ».

    Selon les syndicats, 250.000 personnes ont défilé à Paris, ce jeudi 5 décembre. 65.000 selon le ministère de l’Intérieur.

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