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    03/05/2022

    Jordan Bardella annonce porter plainte contre le docteur Marty

    Le RN n’aime pas qu’on dise qu’il est « raciste, xénophobe et antisémite »

    Par Maxime Macé , Pierre Plottu

    Le 26 avril dernier, le docteur Jérôme Marty s’emporte contre Marine Le Pen et qualifie le Rassemblement national de « raciste, xénophobe et antisémite ». Jordan Bardella annonce qu’il va porter plainte. Un coup de bluff ?

    « Je maintiens tout ce que j’ai dit et je n’hésiterais pas à demander régulièrement à monsieur Bardella où en est sa plainte. Je ne vais pas les lâcher ». Au téléphone, le docteur Jérôme Marty ne décolère pas. Il ne compte pas se laisser impressionner par la menace du Rassemblement national qui, par la voix de son actuel président Jordan Bardella, a fait savoir qu’il porterait plainte contre le soignant. Les raisons de la colère du boss du RN ? Le président du syndicat Union française pour une médecine libre (UFML) a qualifié le RN de « parti raciste, xénophobe et antisémite ».

    Des propos tenus à l’antenne de l’émission des Grandes Gueules sur RMC le 26 avril dernier alors que les chroniqueurs débattent sur la question : « Est-ce la fin de la dynastie Le Pen ? ». « J’entends Barbara [Lefebvre, ndlr] qui est sur la dédiabolisation et qui dit : “On reproche à madame Le Pen d’être presque le retour d’Hitler etc…”. Moi, j’ai appelé à voter Macron et ça me coûte beaucoup parce que dans les valeurs de madame Le Pen, il y a une antinomie totale avec les valeurs médicales », y tempête le médecin médiatique avant d’enchaîner :

    « Quand elle veut mettre à bas l’Aide médical d’Etat, quand elle désigne à la vindicte les médecins étrangers, quand elle fait la promotion des pseudo-sciences, tout cela n’est pas acceptable. Il n’y a pas de dédiabolisation, juste un ripolinage de façade : c’est un parti raciste, xénophobe et antisémite ! C’est tout ! Et ça ne changera jamais. »

    En réaction, le Rassemblement national a donc annoncé porter plainte. D’abord par un tweet de Jordan Bardella puis par un communiqué de presse diffusé dans la foulée, estimant que les propos du docteur Marty relevaient « d’injures » visant « ses électeurs, ses élus, ses adhérents ou ses militants ».

    « Je fais tout à fait la distinction entre les électeurs du RN qui votent pour ce parti pour des raisons diverses et la direction du parti », nous précise Jérôme Marty, qui explique qu’à ce stade, il n’a toujours pas reçu la plainte du parti d’extrême droite. « C’est une procédure bâillon typique mais ce n’est pas le genre de chose qui me fait taire. Avec moi, ils sont mal tombés », assure le médecin qui prépare activement sa défense avec ses avocats, maîtres Frédéric Douchez et Philippe de Caunes. Contacté par StreetPress, le premier se montre confiant en cas de procès et dit travailler actuellement à une « offre de preuve de la vérité des faits » énoncés par Jérôme Marty à l’antenne. Le conseil assure :

    « Nous préparons un dossier solide. »

    La défense compte argumenter sur le fait que la parole et les actes des principaux dirigeants d’un parti engagent ce dernier. « Je considère que c’est la structuration du parti qui est raciste, antisémite et xénophobe. On y trouve des personnalités qui répondent à ces trois accusations, qui n’ont jamais renié leurs idées et qui sont dans l’entourage proche de Marine Le Pen », précise Jérôme Marty. Ce dernier conclut :

    « Je pense qu’ils ne vont pas porter plainte car s’ils le font, on va gagner et ça va faire jurisprudence. »

    Une vieille habitude

    En 2011, Marine Le Pen avait porté plainte contre Jean-Luc Mélenchon pour injure alors que ce dernier l’avait qualifiée de « fasciste ». L’affaire avait été jugée en première instance en 2014 et le tribunal avait considéré que le terme était « dépourvu de caractère injurieux lorsqu’il est employé entre adversaires politiques sur un sujet politique  ». En appel, la cour avait de nouveau donné raison au leader insoumis, considérant qu’il avait exprimé «  son opinion en caractérisant politiquement son adversaire par un terme manifestant sa réprobation complète des idées politiques défendues par le Front national  ».

    Dans le même genre, Jean-Marie Le Pen puis Marine Le Pen menacent depuis des décennies d’attaquer en justice ceux qui qualifieraient leur parti comme étant « d’extrême droite ». Avec un succès tout relatif. Dès 1996, le patriarche avait ainsi perdu son procès contre Le Monde et Libération qui avaient ainsi qualifié son mouvement… Depuis, sa fille ne s’est pas risquée devant les tribunaux, mais a elle a bien renouvelé la menace en 2013.

    Et puis, nous glisse une source bien informée, sur quel fondement ? La jurisprudence veut qu’un parti soit engagé par les déclarations de ses principaux dirigeants. On connaît les CV de ceux du FN. Mais quid du RN, cette nouvelle formation fraîchement émoulue et dédiabolisée ? Et bien, elle n’est pas si neuve… Outre l’évidence de la continuité du parti lepéniste sous un nouveau nom, le mouvement lui-même se place dans les pas du FN. L’an dernier, en mai 2021, le parti né en 2018 a ainsi tenu son congrès à Perpignan. Le dix-septième du genre, proclamaient alors les affiches placardées sur les murs du parc des expos de la grande ville catalane. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’eux-mêmes comptent ceux de l’ère FN comme « leurs » congrès.

    Photo d’illustration : Capture d’écran de Jordan Bardella au micro de RTL le 3 mars 2022.

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