Église Saint Jean-Baptiste, Verdun (55), le 15 novembre — « Pas de fachos à Verdun, pas de messe pour Pétain », scandent la cinquantaine de manifestants, tandis qu’une vingtaine de fidèles endimanchés sortent de l’église. Certains portent au revers du veston des pin’s en forme de francisque, symbole du régime vichyste. L’un d’entre eux se plante face à la petite foule venue dénoncer cet hommage à la collaboration et entonne un « Maréchal, nous voilà », le visage barré d’un sourire satisfait et provocateur. Il s’agit de Pierre-Nicolas Nups.
Cet ancien militant du Groupe Union Défense, groupuscule d’extrême droite violent, aujourd’hui dissous, qui se rêve en héritier de Jean-Marie Le Pen, est un habitué des tribunaux. Il a été condamné en 2017 à six mois de prison avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et interdiction d’exercer une fonction juridictionnelle pour avoir diffusé une vidéo appelant à « casser du pédé ». La peine a été confirmée en appel et en cassation. Dans une autre affaire, il a été relaxé en appel après avoir déployé une banderole homophobe lors d’une Pride à Nancy.
À la sortie de la messe à huis clos en hommage à Pétain, à Verdun, Pierre-Nicolas Nups entonne un « Maréchal, nous voilà », devant les manifestants venus dénoncer cet office. /
Son traitement des antécédents judiciaires, ce fichier de police qui recense les différentes affaires pour lesquelles il a été mis en cause, évoque également des faits de violence, de menaces de mort, de provocation et d’incitation à la haine. Contacté, l’intéressé reconnaît avoir été impliqué dans ces différentes affaires, sans préciser s’il a été condamné. Le document que StreetPress a pu consulter nous apprend au passage que le secrétaire général du Parti de la France (PDF) est l’heureux détenteur d’une fiche S pour son appartenance à l’extrême droite radicale. Nups est actuellement le secrétaire général du PDF — un mouvement d’extrême droite, antisémite et nostalgique du IIIe Reich qui présente régulièrement des candidats aux élections.
Intransigeance idéologique
Le PDF naît d’une rupture. En 2009, Carl Lang, ancien bras droit de Jean-Marie Le Pen au Front national, refuse la mue orchestrée par Marine Le Pen vers une ligne plus policée. Pour lui, la tentative de dédiabolisation est une trahison. Marine Le Pen « tapine avec la gauche bien-pensante et les Arabes », assène Thomas Joly, son président depuis 2019. Le PDF revendique l’intransigeance idéologique : une vision figée d’une France blanche et chrétienne avec un clin d’œil appuyé et récurrent à l’État français de Vichy. On trouve, par exemple, dans les goodies vendus sur le site du parti, un polo floqué « Travail, Famille, Patrie » — la devise du régime de Vichy. Il ne faudrait pas pour autant y voir une apologie de Pétain. « C’est comme un tee-shirt du Che pour les gauchistes », justifie Thomas Joly.
Dans l’entre-soi du parti, on ne s’embarrasse pas de ce genre de faux-semblants. StreetPress a pu avoir accès à un groupe Facebook privé : « la DAG », où des membres du PDF échangent de manière totalement décomplexée des sondages incitant au pogrom ou au génocide, des propos négationnistes et antisémites… Les posts nauséabonds pullulent. Parmi les contributeurs les plus actifs du groupe, on retrouve Pierre-Nicolas Nups, l’auteur du chant à la gloire de Pétain lors de la messe à Verdun.
Nups enchaîne les réactions haineuses et racistes, allant même jusqu’à appeler au génocide. / Crédits : DR
Des membres du PDF échangent de manière totalement décomplexée des sondages incitant au pogrom ou au génocide, des propos négationnistes et antisémites… / Crédits : DR
Il enchaîne les réactions haineuses et racistes, allant même jusqu’à appeler au génocide. Ainsi, lorsqu’il lance un sondage avec pour thème « espérez-vous avoir la chance d’assister à un pogrom de votre vivant ? » et qu’une majorité vote contre, Nups s’indigne :
« 75 % des gens ici sont contre. J’hallucine ! […] Je savais que vous seriez contre de faire ça aux Juifs, mais jamais je n’aurais pensé que vous seriez contre de faire ça aux Arabes. Vous êtes des putains de candaules. » (1)
Dans d’autres posts, il enchaîne les sorties négationnistes : « Ma ligne sur les chambres à gaz : ça n’a jamais existé et même si c’est vrai je suis pour. La meilleure ligne. »
Vraiment de manière décomplexée... / Crédits : DR
Il n’est pas le seul à tenir des propos virulents. Un autre membre qui se décrit comme avocat (2), raconte sur ce groupe comment il aurait poussé au suicide un ancien camarade de classe atteint de handicap : « Avec mon cousin, on embêtait un looser au collège. On l’appelait “Pistache”, parce qu’en verlan ça faisait tache de pisse. Il s’est suicidé en sautant d’un étage du collège. Il ne manque à personne et n’a jamais pu remplir de dossier AAH lol. » Avant de conclure en commentaire sur :
« Je pense que certains handicaps, notamment psychiques, devraient conduire à l’euthanasie. »
Contacté par téléphone, Pierre-Nicolas Nups reconnaît l’existence de ce groupe qu’il décrit comme un espace « parodique d’autodérision où l’objectif est avant tout de caricaturer l’extrême droite radicale par des propos volontairement outranciers ». Il nie cependant avoir rédigé les posts cités. Le groupe sera supprimé quelques heures à peine après notre échange.
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Interrogé sur ces propos, Thomas Joly, président du parti, botte en touche. « Il n’existe que les pages officielles et publiques du Parti de la France. Le seul canal privé est une conversation WhatsApp entre les cadres du parti. Dès lors, le PDF n’a pas à rendre compte de ces publications en dehors de ses canaux officiels. » Il reconnaît néanmoins, que si ces posts sont bien de Pierre-Nicolas Nups, ils « dépassent le cadre » sans pour autant se prononcer sur une éventuelle sanction au sein du parti. « Chacun est libre de dire ou d’écrire ce que bon lui semble. »
Une affiche du PDF appelant à « donner un avenir aux enfants blancs » est au cœur d'une enquête pour provocation à la haine raciale en 2024. / Crédits : DR
S’il n’est pas très regardant sur la question, c’est que lui-même n’est pas en reste. En 2017, il est condamné à deux mois de prison avec sursis et 2.000 euros d’amende pour avoir publié sur son blog, accessible à des mineurs, des images de décapitations de l’État islamique. En 2024, il est placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour provocation à la haine raciale suite à une affiche du PDF appelant à « donner un avenir aux enfants blancs ». Il sera relaxé en première instance.
Des fans du IIIe Reich
Le PDF est habitué aux dérapages, au point d’en faire une stratégie de communication pensée pour faire le buzz. Un de ses artisans au sein du PDF, c’est Alexandre Hinger. Originaire de Dijon (21), le vingtenaire se met en scène sur les réseaux sociaux dans un format façon « Fast & Curious » à la Konbini, renommé pour l’occasion « Faf & Curious ». Parmi ses invités, toute la crème de l’extrême droite extra-parlementaire française : Yvan Benedetti, « un ami » de Thomas Joly, antisémite notoire et soutien de Vladimir Poutine ; Jérôme Bourbon, le patron du journal négationniste et raciste « Rivarol », Dieudonné… Entre autres questions, « Mussolini ou Adolf Hitler ? », « gaz ou électricité ? »…
Et, quand Alexandre Hinger se présente aux législatives partielles dans la 5e circonscription de Saône-et-Loire, il choisit comme slogan de campagne « votez A.H. ». Une référence à peine voilée à Adolf Hitler que Thomas Joly feint de ne pas voir : « Ce sont tout simplement les initiales du candidat. Vous pourriez y mettre Anne Hidalgo derrière. C’est vous qui y voyez une référence à Adolf Hitler. »
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En 2024, à l’instar de Pierre-Nicolas Nups, une autre candidate avait défrayé la chronique. Ludivine Daoudi, investie par le Rassemblement national dans la 1ere circonscription du Calvados, était, comme l’avait révélé StreetPress, également membre du PDF. Son cas avait fait grand bruit car elle avait dû retirer sa candidature à la suite d’une publication par France Bleu Caen d’une photo la montrant coiffée d’une casquette nazie.
Bruno Hirout, ex-secrétaire général du PDF, pose devant une bonbonne étiquetée « Zyklon B », le gaz utilisé dans les chambres à gaz nazies. Il parle d'une blague « potache » n'ayant entraîné aucune sanction par son parti. / Crédits : DR
Bruno Hirout, longtemps secrétaire général du PDF et candidat aux élections sénatoriales de 2020, s’était fait quant à lui épingler pour des photos où il apparaissait coiffé d’une casquette SS. Sur une autre image, on le voit poser devant une bonbonne étiquetée « Zyklon B » — le gaz des chambres à gaz nazies. Une blague « potache » avait balayé l’intéressé. Son parti n’avait pas jugé nécessaire de le sanctionner et aucune suite judiciaire n’avait été donnée à cette affaire. Il a par ailleurs été frappé en 2021 d’inéligibilité pendant trois ans par le Conseil constitutionnel pour ne pas avoir déposé son compte de campagne lors de ces sénatoriales.
Tout pour exister
Le PDF n’a jamais dépassé les 1 % aux scrutins nationaux mais il continue de présenter des candidats, soit en son nom propre, soit en bricolant des alliances. Aux législatives de 2017, il présente 55 candidats dans le cadre des Comités Jeanne montés par Jean-Marie Le Pen, à l’époque en rupture avec sa fille. Aux européennes de 2019, ils s’allient avec un autre groupuscule : la Dissidence Française. À partir de 2022, ils apportent leur soutien à la candidature d’Éric Zemmour avant de s’en éloigner après la présidentielle.
Bruno Hirout s'est aussi fait repérer pour une photo où il est coiffé d'une casquette SS. / Crédits : DR
Pour justifier la rupture, Thomas Joly évoque des divergences avec la « bourgeoisie parisienne », qui aurait confisqué Reconquête aux « vrais nationalistes ». La faute d’après lui à Sarah Knafo, qui aurait fait perdre les élections en amenant à militer « la bourgeoisie molle ». Il semblerait plutôt que Reconquête ait choisi de couper les ponts avec cet allié encombrant.
Qu’importe, le Parti de la France trouvera d’autres opportunités pour visibiliser une idéologie dont l’expression est pourtant interdite par la loi. Au lendemain de la messe en hommage à Pétain, le parquet a d’ailleurs annoncé l’ouverture d’une enquête pour contestation de crime contre l’humanité.
(1) Personne éprouvant une excitation sexuelle en partageant ou exposant son partenaire.
(2) Contacté, l’intéressé n’a pas répondu à nos sollicitations.
Illustration de Une par Caroline Varon.
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