Entrepôt d’Amazon, Brétigny-sur-Orge (91) — En ce premier jour de Black Friday, Lisa a troqué son gilet bleu d’Amazon pour un autre, orange fluo. Sous le barnum rose, ils sont une dizaine de salariés à le porter, symbole de leur grève. Devant l’entrepôt du géant de l’e-commerce, situé à Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne), ils dénoncent leurs conditions de travail. Et la date n’est pas choisie au hasard. Durant cet événement commercial qui génère un pic de consommation, l’entrepôt du géant américain de l’e-commerce doit tourner à plein régime. « Notre mobilisation sera d’autant plus impactante », sourit Joseph Mukoko, délégué SUD Solidaire de la section Amazon.
En stockage, dans l'entrepôt de Brétigny-sur-Orge — le plus grand de France —, c'est près de 320 colis qu'il faut ranger par heure. / Crédits : Pauline Gauer
« Brétigny, qui compte 4.000 salariés en CDI et plus de 1.000 CDD, approvisionne les sites de trie et de distribution de toute l’Île-de-France. Et Amazon déteste que l’activité soit perturbée. »
Joseph Mukoko, représentant syndical Sud Solidaires à Amazon, dénonce la répression syndicale au sein de l'entreprise. / Crédits : Pauline Gauer
En ce jour dédié à la consommation et alors qu’Amazon France a généré 1,34 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2024, les grévistes souhaitent mettre la lumière sur leurs conditions de travail éreintantes, leur cadence effrénée, la surveillance accrue et le climat de peur qui règne au sein de leur usine. Ils dénoncent aussi une véritable « répression syndicale ».
Lisa (à gauche), salariée d'Amazon et Rita Taha (à droite), salariée chargée de la réception des marchandises livrées par camion et représentante SUD. / Crédits : Pauline Gauer
Ils dénoncent aussi une véritable « répression syndicale ». / Crédits : Pauline Gauer
320 colis à ranger par heure
Pour l’entreprise, il serait hors de question de perdre une miette sur le planning. Au point d’imposer des cadences intenables à ces salariés, dénoncent les grévistes. « Chaque jour, on a un quota à atteindre, on doit déballer et trier 52 cartons par heure. Et ce pendant huit heures de travail », explique Rita Taha, salariée chargée de la réception des marchandises livrées par camion et représentante SUD.
À ses côtés, ses collègues énumèrent : « En stockage, c’est jusqu’à 320 colis par heure qu’il faut ranger sur les étagères, tantôt en haut, tantôt en bas, selon les ordres de l’ordinateur, soit une marchandise à ranger toutes les trois secondes », renchérit Bruce, salarié de l’entreprise depuis quatre ans. Des gestes physiques et répétitifs, qui lui provoqueraient des douleurs « aux poignets, aux épaules et aux genoux ». « Et au dos », soupire Lisa dans son cas. « Depuis que je travaille ici, j’ai une reconnaissance de ma qualité de travailleur handicapé », précise-t-elle.
L'entrepôt de Brétigny-sur-Orge fait 142.000 km2 de superficie. / Crédits : Pauline Gauer
« On n’a que 30 minutes de pause. Mais regardez comment l'entrepôt est immense ! », lance Clément, un salarié gréviste. / Crédits : Pauline Gauer
Les employés racontent également subir une pression des managers pour respecter le rythme. « On n’a que 30 minutes de pause. Mais regardez comment l’entrepôt est immense ! », lance Clément, un salarié gréviste, en montrant le bâtiment gris où les rangs des camions s’alignent. Avec ses 142.000 m2 de superficie, l’entrepôt de Brétigny-sur-Orge est le plus grand que possède Amazon en France. Il dénonce : « Il faut parfois compter jusqu’à dix minutes de trajet pour faire l’aller-retour jusqu’au réfectoire. Ajoutez l’attente et il ne reste à peine dix minutes pour manger. » Idem pour aller aux toilettes, selon Enzo : « Lorsque l’on revient, il faut doubler la cadence pour rattraper le retard. »
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Une trentaine de salariés sont venus dénoncer les gestes physiques et répétitifs qui provoqueraient des douleurs « aux poignets, aux épaules, aux genoux » et « au dos ». / Crédits : Pauline Gauer
Les salariés d'Amazon France alertent leur direction au sujet des accidents mais rien ne change. Patrice (à gauche) est salarié gréviste chez Amazon. / Crédits : Pauline Gauer
Dans ce contexte, les accidents du travail seraient récurrents. Sur son téléphone, Rita Taha montre une vidéo d’un salarié secouru par les pompiers après avoir eu un malaise à la sortie de l’entrepôt le 17 novembre. « C’est devenu habituel : les secours connaissent le chemin pour venir », dit-elle, inquiète. Clément et Enzo évoquent le cas d’un de leurs collègues en arrêt depuis plus d’un an : « Son tendon du bras s’est cassé en actionnant la manette qui immobilise les camions. A priori, il ne retrouvera plus jamais sa mobilité du bras. Et le pire, c’est qu’un accident similaire s’est déjà produit le mois d’avant ! », disent-ils. Malgré les alertes concernant ces accidents, ils assurent : rien ne change.
Pour Joseph Mukoko, délégué SUD Solidaire de la section Amazon, manifester ce jour de Black Friday c'est donner de l'impact à la mobilisation. / Crédits : Pauline Gauer
L'entrepôt du géant américain de l'e-commerce doit tourner à plein régime en ce jour de Black Friday mais les salariés du site de Brétigny-sur-Orge sont en grève. / Crédits : Pauline Gauer
Un climat de peur
La dizaine de salariés présents sous le barnum assurent qu’ils étaient bien plus nombreux le 10 septembre, lors du mouvement Bloquons Tout. Si certains manquent à l’appel ce 28 novembre, c’est par peur, assurent-ils. « On assiste à une véritable répression syndicale », s’indigne Joseph Mukoko en prenant le micro. Il y a dix jours, Mediapart révélait le cas de deux salariées bannies du site pour s’être liées d’amitié avec une déléguée syndicale CGT, relation étroitement surveillée par l’entreprise. Une plainte a été déposée.
Une dizaine de camions de CRS encerclent le groupe de 30 manifestants. / Crédits : Pauline Gauer
« La présence policière est conséquente. Rien que pour cela, on peut dire que la mobilisation est réussie », ironise Elie Lambert, ancien secrétaire national de l’Union solidaire. / Crédits : Pauline Gauer
Une dizaine de camions de CRS encerclent désormais le groupe de 30 manifestants. Même un drone les survole. « La présence policière est conséquente. Rien que pour cela, on peut dire que la mobilisation est réussie », ironise Elie Lambert, ancien secrétaire national de l’Union solidaire, venu en soutien. Qu’importent les intimidations et la répression, « nous allons tenir bon », crie la salariée Rita Taha.
La préfète de l'Essonne autorise la captation d'images par drone par les forces de l'ordre lors de la grève des salariés d'Amazon ce 28 novembre. / Crédits : Pauline Gauer
Le service communication d’Amazon France indique à la presse : « Nous respectons le droit de chacun de faire grève ou de manifester. Chez Amazon, nous sommes fiers d’offrir à nos salariés un cadre de travail agréable, sûr et moderne, des rémunérations et des avantages attractifs, ainsi que d’excellentes opportunités de développement de carrière, et ce, dès le premier jour. »
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