En ce moment

    08/12/2018

    « Emmanuel Macron, on va tout casser chez toi ! »

    Le cortège de gauche s’est dissous sous les lacrymos

    Par Mathieu Molard

    Militants anti-capitalistes, féministes et antifascistes s’étaient filés rencard samedi 8 décembre gare Saint-Lazare dans l’espoir de rejoindre ensuite les gilets jaunes sur les Champs. Mais les forces de l’ordre avaient un autre projet pour eux.

    Parvis de la gare Saint-Lazare (Paris 8e) – Le Comité Adama, d’autorité, prend la tête du cortège et siffle le départ. Il est presque 11h quand sous le crachin, la petite foule se met en branle. Objectif ? Rejoindre les Champs-Elysées et la manifestation fluo. Derrière Assa Traoré et sa bande, les cheminots donnent de la voix, gilets jaunes brandés SNCF, SUD ou CGT sur le dos :

    « Tout est à nous, rien n’est à eux. Tout ce qu’ils ont, ils l’ont volé… Ils l’ont volé ! »

    Ici on est anticapitaliste, féministe, antifasciste et bien souvent habitué des manifs. Olivier Besancenot (NPA), taille une bavette avec Almamy Kanouté, militant des quartiers populaires, non loin de Geneviève Bernanos du Collectif des mères solidaires et de l’écrivain engagé Edouard Louis. On est entre camarades.

    Phase 1 : Le cortège se fait promener

    Si aucun itinéraire n’avait été négocié en amont, les forces de l’ordre semblent avoir décidé du chemin à suivre. Bloquant une rue ici, ouvrant une autre là, ils guident le cortège dans un méandre d’artères commerçantes, jusqu’à le ramener quasiment à son point de départ. « Emmanuel Macron, président des riches, on va tout casser chez toi », chante la foule sur l’air du désormais célèbre chant de supporters, sans pour autant joindre le geste à la parole. Un brin déçue, une étudiante de Tolbiac, commente :

    « Il n’y a même pas un distributeur de banque qui a sauté. »

    « Ouais, en plus là on tourne comme des moutons dans un enclos », abonde son voisin, agacé de tourner en rond. Le cortège, enfermé sur une poignée de rues, finit par s’arrêter de longues minutes. Ils sont bientôt rejoints par un cortège en provenance de la place de la République. « Ils ne veulent pas que la gauche et que les gilets jaunes convergent », s’offusque un quinqua, casquette vissée sur le crâne.


    Phase 2 : Le cortège se fait gazer

    La tension monte. Certains rabattent leur capuche et enfilent leur masque de ski. D’autres tentent d’improviser un « service d’ordre » pour essayer d’ouvrir un passage. Finalement l’étau se desserre. Un répit de courte durée. Quelques centaines de mètres plus loin, la manifestation est à nouveau bloquée. Les gilets jaunes agacés tapent en cadence sur une palissade qui borde la rue. Les CRS, qui leur font face, avancent.


    En un instant, la situation s’embrase. C’est la cohue. Pour échapper aux fumées, les manifestants font machine arrière. Commence alors un long jeu du chat et de la souris. Une grosse centaine de gilets jaunes, les plus déterminés, construisent une barricade de fortune. D’un coup de briquet, poubelles et autres arbustes s’embrasent. Les CRS répliquent à grands coups de gaz lacrymo. Puis dégagent le passage à l’aide du canon à eau. Avant de faire face à une autre barricade construite à la hâte. Parfois entre les deux lignes, passe une voiture.


    « C’est un droit constitutionnel de manifester », s’indigne une infirmière en blouse, alors qu’elle recule en se couvrant la bouche. Dans le même temps une dizaine de manifestants renversent un container à verre :

    « Munitions pour tout le monde ! »

    Les projectiles fusent en direction du cordon de CRS. Derrière ce front, les rangs des manifestants sont de plus en plus clairsemés. Alors qu’ils étaient plusieurs milliers au plus fort de la matinée, ils ne sont plus que quelques centaines.

    Phase 3 : balade vers les champs

    Après quelques dizaines de minutes de ce petit jeu, les manifestants bifurquent, puis rompent l’affrontement. Commence alors une longue déambulation tranquille dans un Paris vide de circulation. Direction les Champs-Elysées. « C’est agréable comme ça », lance un manifestant muni d’un drapeau tricolore siglé d’un symbole Peace and Love.

    Quelques mètres plus loin, un gilet jaune craque un fumigène sous les arcades du Louvre.

    Pour continuer le combat contre l’extrême droite, on a besoin de vous

    Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.

    StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.

    Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.

    Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.

    Je fais un don mensuel à StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER