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    19/10/2022

    ls préparent une action coup-de-poing pour la fin de l’année

    Argos France, les héritiers de Génération identitaire

    Par Pierre Plottu , Maxime Macé

    Le projet Argos est né au cœur de l’été et a été annoncé à la rentrée. Lancé par des anciens du groupuscule dissous Génération identitaire, il en reprend les codes et les méthodes, mais s’ouvre aux autres chapelles de l’extrême droite.

    Une communication léchée, des poses viriles, un message raciste et anti-moderne : Argos France, nouveau groupuscule qui vient de faire son apparition, a des airs marqués de nouveau Génération identitaire (GI). Une resucée du groupe dissous l’an passé pour son racisme et sa violence ? Message, militants, réseaux : StreetPress s’est penché sur ce nouveau venu qui devrait faire parler de lui. Dans l’entre-soi militant, une « action nationale » pour « avant la fin de l’année » est annoncée.

    Le groupe a vu le jour au cœur de l’été selon nos informations. Il vient ainsi tout juste de révéler son existence « officiellement », le 2 octobre. Deux semaines plus tard, il compte déjà près de 4.000 abonnés sur sa page Instagram. « [L]e système cherche à tuer notre peuple », proclame la première vidéo de propagande publiée à cette occasion. Le ton est donné.

    « Nous sommes dans une guerre », enchérit le court-métrage. « Une guerre spirituelle : notre civilisation est déchirée entre les partisans de la soumission et ceux de la renaissance, d’un côté la transformation de la France en un pays du tiers-monde, de l’autre l’espoir d’un avenir différent contre ce système ». Le reste est à l’avenant, allusions répétées à la théorie complotiste du « grand remplacement » et à la défense de la « civilisation européenne » ainsi que des supposés « jeunes autochtones laissés pour compte ». L’ambition affichée est de former une nouvelle génération pour défendre un « changement radical » contre un prétendu « modèle déviant ». Jusqu’à cette sentence : « C’est ensemble que nous combattrons et c’est ensemble que nous gagnerons ».

    Un message guerrier plus explicite encore sur le site du groupe, qui va jusqu’à dénoncer une pseudo « offensive anti-française, anti-européenne et anti-blanche » qui serait « menée par nos ennemis ». À savoir « l’Autre » et tout ce qui serait progressiste.

    Comment ne pas penser au manifeste vidéo qui, en 2012, servait déjà à lancer Génération identitaire ? Celui de militants qui se réclamaient d’une « génération […] qui a cessé de croire que Kader pouvait être notre frère » et clamaient qu’ils « ne refuseraient aucune bataille ». Tout était déjà là. Face caméra, les zids criaient leur racisme et leur intention de s’organiser. On connaît la suite : des actions d’agit-prop très médiatisées, mais aussi des violences, récurrentes, jusqu’à la dissolution du groupe.

    Les troupes et les méthodes de GI

    Et si les figures les plus connues de la mouvance semblent pour l’heure ne pas se mêler aux premiers pas d’Argos, StreetPress a pu déterminer l’implication des militants de GI dans ce lancement. Selon nos informations, le président de l’association, Kévin B., était notamment de l’aventure Auxilium Europae, ce faux-nez par lequel les identitaires ont tenté de se refaire la cerise en surfant sur la vague d’émotions au début du conflit en Ukraine avant de péricliter. Autour de lui, de nombreux militants de la dernière génération de GI. Comme ces jeunes hommes du groupe Les Natifs, l’organisation qui a pris le relais du groupuscule dans la capitale. Ou cet autre identitaire parisien qui fricotait avec les Zouaves. Et cette jeune femme qui était de l’action de GI sur le toit de République en juin 2020. Mais le groupe ne regroupe pas que des Parisiens. Quand il s’agit de présenter Argos sur une chaîne YouTube faf, c’est un militant de GI Rouen qui s’y colle. D’ailleurs, la mouvance ne s’y trompe pas : partout, des internautes se réjouissent de voir « GI de retour ».

    Comme GI, le groupe existe principalement en ligne. Comme GI, la référence est la Grèce antique (le lambda en référence aux Spartiates pour le groupe dissous, les Argonautes pour les petits nouveaux). Comme GI, Argos a organisé un tournoi de boxe, en lien d’ailleurs avec un champion de MMA serbe très proche des identitaires lyonnais. Comme GI, il a fait sa petite marche dans la montagne. De quoi matérialiser les fantasmes de surhommes – blancs – virils.

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    Comme Génération identitaire, Argos a organisé un tournoi de boxe, en lien avec un champion de MMA serbe très proche des identitaires lyonnais. / Crédits : Capture d'écran


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    Comme Génération Identitaire, les membres d'Argos se montrent lors d'une balade en montagne. / Crédits : Capture d'écran

    Élargir sa base

    Argos se garde bien de revendiquer cette filiation avec Génération Identitaire. Par crainte de poursuites pour reconstitution de ligue dissoute ? Sans doute. Ces procédures sont rarissimes mais il y a au moins le précédent Yvan Benedetti, ultranationaliste condamné en 2018 pour avoir maintenu à flot L’Oeuvre française interdite… en 2013.

    Argos fait bien du GI avec des militants de GI, mais peut-être aussi parce que le groupe a fait école. Il a marqué la jeunesse faf de son empreinte. En clair, ils repartent des mêmes bases, reprennent les mêmes méthodes (qui ont fait leurs preuves) mais se veulent plus « œcuménique », plus à même de séduire de larges pans de la jeunesse d’extrême droite. Une jeunesse par ailleurs « très peu marquée par le sectarisme », nous glissait récemment un ancien de la mouvance.

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    Les membres d'Argos après avoir marché dans la montagne allument des fumigènes. / Crédits : Capture d'écran

    La communication d’Argos est même soigneusement expurgée de toute mention du mot « identitaire ». Ils multiplient les signaux aux autres courants de la droite radicale. Outre les poncifs sur « la défense de la civilisation européenne », l’accent est mis notamment sur cette volonté « communautaire » qui fait florès chez les fafs. Et ça fonctionne : l’initiative de cette « jeunesse alternative » semble par exemple plaire aux éléments zemmourisants des jeunes d’Action française, dont certains d’ailleurs avaient déjà des yeux de Chimène pour GI. Le compte Twitter spécialisé en OSINT, Sources Ouvertes, a identifié plusieurs de ces militants royalistes sur des photos du nouveau groupe.

    Mais Argos reprend aussi le slogan « trop seul pour qu’on te craigne, trop pâle pour qu’on te plaigne » que déployaient en mai dernier les héritiers du Kop of Boulogne. Des hooligans racistes en lien avec les gros bras nazifiants des Zouaves Paris, comme l’a démontré une enquête de StreetPress.

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    Le 18 mai 2022, des membres du Kop of Boulogne et des Zouaves ont pris cette photo en hommage à un hooligan tué. La punchline sera reprise quelques mois plus tard par Argos. / Crédits : Capture d'écran

    En dénonçant « l’addiction » aux « jeux vidéo, porno, drogue » menant à « la tyrannie par le relâchement », Argos lance par ailleurs un clin d’œil appuyé aux éléments « straight edge » de la mouvance. Cette tendance à la « pureté » en vogue chez les cogneurs fafs et qui est promue notamment par le leader des Zouaves Paris. Un détournement d’une pensée initialement anti-autoritaire, soulignait le site antifasciste La Horde, mais qui permet de rendre concrets les fantasmes de ces adeptes de la gonflette et de la bagarre qui s’imaginent en guerriers de la race blanche. Après tout, « c’est ensemble que nous combattrons » proclame Argos. Ou, plus trivialement, ça ratisse large.

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