En ce moment

    30/10/2025

    La lutte des chasses

    Un ancien cadre de Génération identitaire à la direction de la fédération de chasse de l’Ain

    Par Romain Zanol , Hugo Bachelet

    Dans l’Ain, Jules de Montgolfier est l’un des deux dirigeants des chasseurs locaux. Cet ancien du groupe d’extrême droite, Génération identitaire, a pourtant été condamné à six mois de prison avec sursis pour violences en réunion.

    Quand les fédérations de chasse recrutent des dirigeants, elles recherchent souvent des profils avec de « bonnes qualités relationnelles » et une « capacité d’écoute, de dialogue et de communication ». C’est peu dire que le profil du directeur de la fédération de chasse de l’Ain (01) depuis 2023, Jules de Montgolfier, 28 ans, colle peu au CV. Certes, il serait un « type sympa, très blagueur », selon Mathieu (1), un ancien comparse de Génération identitaire (GI), dont ce directeur-chasseur a également fait partie. Comme l’a révélé le média lyonnais L’Arrière-cour, l’implication notoire de Jules de Montgolfier dans le mouvement d’extrême droite — dissous par le gouvernement en 2021 — n’a pas dissuadé la Fédération nationale des chasseurs (FNC) de l’embaucher.

    Au sein de la fédé de l’Ain — comptant une dizaine de milliers d’adhérents —, Jules de Montgolfier, fils d’une famille noble, est chargé de la préparation au permis de chasse. Il s’occupe donc des formations, du maniement des armes à feu et de la validation du diplôme délivré par l’Office français de la biodiversité.

    En tant que directeur, il doit également mettre en œuvre les différentes actions de l’organisation, qu’il représente auprès des instances et partenaires extérieurs car l’institution est gavée aux subventions publiques. C’est près de trois millions d’euros sur leur budget annuel. Sollicité à plusieurs reprises par StreetPress, Jules de Montgolfier n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

    À LIRE AUSSI : Comment le fabricant d’armes français Verney-Carron a armé, sans faire exprès, des néofascistes chasseurs

    Violences en réunion contre SOS Méditerranée

    En octobre 2022 devant le tribunal correctionnel de Marseille, il était jugé avec 22 autres membres de GI pour avoir mené une attaque contre l’association SOS Méditerranée quatre ans plus tôt.

    Le 5 octobre 2018, les militants avaient forcé les portes des locaux de l’ONG. Ils auraient molesté les salariés présents, allumé des fumigènes et déroulé sur la façade une banderole accusant SOS Méditerranée d’être « complice du trafic d’êtres humains ». Selon l’ordonnance de renvoi consultée par StreetPress, les salariés racontent avoir été « brutalisés », avoir « reçu des coups dans les jambes » et avoir été « jetés dans l’escalier ». Tous ont décrit un épisode « traumatisant ».

    Plusieurs figures connues de l’extrême droite ont été condamnées en première instance, comme Jules de Montgolfier ou encore Édouard Michaud. Ce dernier a récemment été mis en cause par la justice avec les Natifs — nouvelle mouture parisienne de GI — pour avoir déployé une banderole injurieuse à l’égard d’Aya Nakamura lors des JO. Thaïs d’Escufon et Liselotte Dungelhoeff, journaliste de Radio Courtoisie et mariée au militant néonazi Marc de Caqueray Valmenier, ont été également condamnées.

    À LIRE AUSSI : Le fiancé fan du IIIe Reich de Louise Morice, l’égérie du média « Frontières »

    Jules de Montgolfier a écopé de six mois de prison avec sursis pour « violences commises en réunion et participation à un groupement formé en vue de violences contre les personnes ou de destruction de biens ». D’après nos informations, il a fait appel de sa condamnation et reste présumé innocent (2).

    Condamné et embauché

    C’est moins d’un an après sa condamnation par le tribunal correctionnel de Marseille que Jules de Montgolfier, après avoir répondu à un appel à candidature, est nommé directeur de la fédé de chasse de l’Ain. Ce n’est pas sa première expérience professionnelle dans ce milieu : après un stage au sein de la FNC, il a été embauché en CDI en 2019 en tant que chargé de mission.

    Cette récente prise de fonction s’est faite à bas bruit. Parmi les nombreux chasseurs aindinois ou représentants interrogés, la plupart disent ne pas être au fait des déboires judiciaires de leur directeur. Julien, adhérent à l’association de chasse de Mézériat, raconte ne le connaître que de « nom » sans jamais avoir « eu vent de sa condamnation ou de son passé ». « C’est curieux », lâche-t-il. Florent, chasseur invétéré du nord de l’Ain, confiait ressentir de l’embarras vis-à-vis de ce profil, bien qu’il n’ait « jamais eu d’échos » d’autres chasseurs :

    « La chasse, c’est un milieu très replié sur lui-même et assez taiseux. »

    D’autres balaient le sujet d’un revers de main, comme Hervé Guillard de la société de chasse — autrement dit une association — de la commune Pont-d’Ain :

    « Je n’ai aucune envie d’en parler. Allez voir ailleurs ! »

    Ou encore le président de la branche départementale de l’Ain de l’association des chasseurs de grand gibier, qui a assuré auprès du média L’Arrière-cour « n’avoir aucun souci si condamnation il y a eu ».

    Sollicitée par StreetPress, la FNC indique avoir désormais connaissance du passé de Jules de Montgolfier mais ne souhaite faire aucun commentaire. De son côté, le président de la fédération de l’Ain (soit le N+1 de Jules de Montgolfier), Gontran Bénier, n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. Difficile pourtant d’imaginer qu’il ignorait l’engagement politique de son directeur qu’il a nommé.

    Membre (très) actif de Génération identitaire

    En 2016, à Paris, des dizaines d’identitaires paradent contre l’islam et l’immigration. En tête du cortège : Jules de Montgolfier brandissant fièrement la banderole de Génération identitaire. Une vidéo, toujours en ligne sur YouTube, le montre reprendre à tue-tête des slogans : « Islam hors d’Europe », « refugees, not welcome » ou encore « on est chez nous ». Il se tient sous une bannière : « Nous, nos ancêtres sont morts à Verdun et Poitiers. »

    Le 21 avril 2018, il participe à l’opération « Defend Europe » dans les Hautes-Alpes. L’objectif est de « protéger » la frontière franco-italienne de la prétendue « invasion migratoire ». Deux hélicoptères sont floqués pour l’occasion et une centaine de militants sont mobilisés. Jules de Montgolfier avait alors publié sur son compte X (anciennement Twitter) une vidéo détaillant l’action.

    Auprès de StreetPress, Mathieu, l’ancien membre de Génération identitaire, relativise l’importance de Jules de Montgolfier au sein du groupe. Il confirme sa participation à plusieurs actions — un activisme qu’il poursuit quotidiennement sur les réseaux sociaux en publiant, notamment sur X, des reprises d’articles et des messages hostiles à l’immigration.

    Un tweet du 28 décembre 2023 était épinglé sur son profil où il écrivait à propos de l’Ocean Viking, navire de SOS Méditerranée : « Vous savez, le bateau qu’il ne faut pas accuser de complicité avec les passeurs ni de trafic d’êtres humains. » Son compte — suivi par le président de la fédé — a été désactivé quelques heures après la parution de l’article de l’Arrière-cour fin septembre.

    _Cette enquête a été réalisée avec le concours du Fonds pour une presse libre dans le cadre de l’appel à projets « Extrême droite : enquêter, révéler, démonter. » Plus d’infos ici.
    (1) Le prénom a été modifié.
    (2) La date du procès en appel est pour l’instant non définie.
    Illustration par Timothée Moreau.

    Faf, la Newsletter

    Chaque semaine le pire de l'extrême droite vu par StreetPress. Au programme, des enquêtes, des reportages et des infos inédites réunis dans une newsletter. Abonnez-vous, c'est gratuit !

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER