Une nouvelle, un quartier : Dans Marseille Noir, le romancier Cédric Fabre et ses auteurs s’improvisent guides de la cité phocéenne mais côté dealers, crapules et filles de mauvaise vie.
Après Mexico, New Delhi ou encore Barcelone, c’est le 11e anti-guide du Routard des éditions Asphaltes. Une seule contrainte pour les auteurs de ces nouvelles : écrire une sale histoire mais sur un seul quartier de la ville. « Marseille, on dit que c’est 111 villages qui font une ville », renchérit Cédric Fabre qui a coordonnée cette « cartographie » alternative de Marseille.
Mention spéciale à la nouvelle Extrême-Onction, qui raconte l’histoire secrète des 4 tribunes du stade Vélodrome. Dans toutes les bonnes librairies à partir du 2 mai.
Quelle est la meilleure technique pour faire disparaître un corps à planète Marseille ?
Pétard ! On a un cliché là-dessus : les pieds dans le béton. Et dans un endroit un peu profond. Mais bon, il y a plein de plongeurs donc ça devient un peu risqué ! Après il y a tellement de containers qui sont en train de moisir au soleil entre le port et les quartiers Nord qu’on peut aussi le mettre dedans. Il y a peu de chance qu’ils soient ouverts avant les 50 prochaines années.
Quels sont les attributs d’une femme fatale marseillaise ?
On a la cagole. C’est notre image d’Épinal de la fille des rues, un peu vulgaire, un peu voyante avec du fluo et tout ça. Donc la femme fatale à Marseille, ce serait plutôt l’opposé : une sainte. On est dans une ville de piété et c’est celle dont on se méfiera le moins. Ou peut-être la bourgeoise des quartiers Sud…
C’est compliqué l’image de la femme fatale dans le polar : à la fois, elle a le pouvoir et elle est émancipée. Elle fait ce qu’elle veut, tous les coups sont permis et si c’était un homme, elle serait un héros. Mais elle a aussi un côté pervers et destructeur. Elle doit emmener quelqu’un dans sa propre chute.
Marseille, c’est le soleil, les calanques, l’hédonisme. C’est une ambiance qui ne colle pas forcément au roman noir
C’est à cause du cliché que tu as du polar. Il serait dans un monde gris, en noir et blanc. Pour moi, c’est un truc qui est terminé depuis les années 1960, avec le film noir américain. Aujourd’hui on peut écrire des romans noirs sans être obsédé par la culture des armes, le meurtre et les histoires de mafia. Une ville de roman noir par excellence, c’est Rio. Le style noir, c’est la violence sociale adaptée à littérature. Ce n’est pas vraiment du polar avec des enquêtes policières mais du roman social ancré dans des lieux urbains, imprégné d’une histoire sociale. C’est parler de personnages qui n’y arrivent pas. Ils sont dans un contexte d’épuisement et sont poussés à bout, prêts à péter un plomb. C’est l’homme qui n’en peut plus et à qui il suffit d’une étincelle pour qu’il devienne un criminel. Voilà la quintessence du roman noir.
« Le style noir, c’est la violence sociale
adaptée à littérature »
Quels sont les ingrédients typiquement marseillais qui font les bonnes recettes de ces nouvelles ?
Marseille est une ville plus inégalitaire que pauvre. La fracture entre le Nord et le Sud est très très importante. Et puis toutes les industries ferment les unes après les autres : c’est l’histoire de Marseille ces 40 dernières années ! Avant de regarder les tourments psychologiques des personnages, on va voir d’où ils viennent et dans quel terreau ils s’épanouissent. Ou ne s’épanouissent pas.
Avec sa carte en intro, le recueil a des faux-airs de guide touristique. Vous emmèneriez où un touriste pour une journée interlope à Marseille ?
Dans un resto de la Belle-de-Mai. Le coin est très très populaire : c’est un vieux quartier de Marseille qui est devenu italien en pleine industrialisation à la 2e moitié du 19e siècle. Aujourd’hui c’est un quartier multi-ethnique et assez pauvre mais dynamisé par des lieux de culture, comme la friche de la Belle-de-Mai.
Mais je l’emmènerais aussi manger dans un resto de dockers au port industriel. Là où étaient les anciens abattoirs. Ce sont des gens à qui on est assez peu connectés. D’habitude dans les rues, on croise des gens qui font des métiers de bureau. Ils ne sont pas liés à la mer. Là, c’est un poste avancé du Marseille marin.
Est-ce que vous l’aimez ce Marseille, côté noir ?
C’est toujours compliqué de répondre à ça. Marseille c’est « amour / haine ». C’est comme la presse : on ne s’intéresse pas aux trains qui arrivent à l’heure parce qu’il n’y a pas d’info. On s’intéresse à ce qui déraille et qui dérape. Mais ce n’est pas forcément le Marseille qu’on aime.

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