Les Bandidos, l’un des gangs de bikers criminalisés les plus importants de la planète, s’installe à Besançon (25), révèle l’Est Républicain. Sous leur logo, on peut lire : « Notre honneur se nomme fidélité », la devise de la SS. Le quotidien régional évoque également la présence à l’intérieur de ce nouveau chapitre bisontin de « membres proches de la mouvance néonazie » et notamment d’anciens membres de l’antenne française de l’organisation Combat 18 (1). Ce petit groupe, interdit en France depuis 2019 en même temps que le groupuscule néo-fasciste Bastion social, se définissait comme la branche armée de l’organisation néonazie internationale ouvertement terroriste, Blood and Honour. Avant sa dissolution, ses membres hexagonaux s’affichaient sur le web, cagoulés, battes de baseball, kalachnikovs et fusils de chasse dans les mains.
Selon nos informations, les hommes à l’origine de l’implantation des Bandidos à Besançon ne sont autres que les fondateurs et les anciens leaders du Blood & Honour Combat 18 français : Marc et Julien Bettoni, les deux frères néonazis les plus connus de Franche-Comté. Libération dressait d’ailleurs le portrait de la fratrie, en 2014. Les frangins furent dans presque tous les sales coups xénophobes et violents de ces dernières années dans le coin. Marc, l’aîné a un portrait d’Hitler tatoué sur le mollet. Il est « le plus radical des deux frères », selon un très bon connaisseur du dossier. En 2008, il tabasse deux jeunes hommes lors d’une fête de la saucisse. L’un est noir, l’autre est turc. Le tribunal le condamne d’un an de prison ferme, sans retenir le caractère raciste de l’agression.
Deux ans plus tard, il bastonne un jeune d’origine turque à la sortie d’une boîte de nuit dans le Doubs, où il était pourtant interdit de séjour à la suite de sa condamnation en 2008. Libé raconte que « sans l’intervention des vigiles, l’agression aurait pu prendre une tournure plus tragique, Marc Bettoni projetant de rouler en voiture sur sa victime ». Il écopera de trois ans ferme. En 2013, ce sont les deux frères – Julien compris donc – qui sont mis en examen pour « association de malfaiteurs en vue de la participation à un groupe de combat », « incitation à la haine raciale » et « dégradations en réunion », pour l’ensemble des agissements de Combat 18. Marc écopera de deux ans de prison dans ce dossier, contre un pour Julien. Une fois leur temps tiré, ils auraient rejoint les Hells Angels à Colmar. Un chapitre qui sera démantelé par la police. Une sombre histoire de trafic de drogue, d’armes et de drapeaux nazis découverts en perquisition.
L'équipe de Combat 18. Marc et Julien Bettoni en étaient les leaders. / Crédits : DR
La radicalité des frangins aurait ainsi séduit l’état-major français des Bandidos qui les auraient recrutés à Dijon avant de les envoyer à Besançon. Étienne Codron, criminologue spécialiste des gangs de motards, détaille :
« Il semblerait qu’ils aient profité du CV des Bettoni pour renforcer leur présence dans le coin et marquer le coup. Dijon avait la réputation d’être trop moribond à leurs yeux. »
Rivalités entre bikers néonazis
L’implantation des Bandidos dans ce coin est loin d’être anodine. Fin novembre, Street Press enquêtait sur un autre club de bikers affilié au crime organisé : le Gremium MC. D’origine allemande, ce moto club ne cesse de se développer en France depuis 2018, sous l’impulsion de Serge Ayoub, le parrain de l’extrême-droite meurtrière et ancien chef des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR). Un groupuscule néonazi lui aussi dissous, à la suite du meurtre du militant antifasciste Clément Méric le 5 juin 2013 à Paris, par deux de ses membres. Présents à Nancy, Reims, Bar-le-Duc, Soissons, Amiens ou Saint-Quentin, les Gremium sont devenus les poils-à-gratter des Hells Angels et des Bandidos.
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L’apparition des Bandidos à Besançon n’est donc vraisemblablement pas un hasard : elle est le premier acte d’une stratégie de contre-attaque. « On est dans la lignée de ce que nous évoquions à propos du développement des Gremium », confirme Étienne Codron, criminologue spécialiste des gangs de motards, déjà interrogé par StreetPress le mois dernier. Dans le nord-est de la France, les Bandidos sont pourtant basés à Strasbourg et Dijon. « Ils veulent prendre du poids dans cette zone-là. »
Sur la page Facebook Gremium MC France, une photo montre certains Gremium France en balade à Amiens, en 2018. Marc Bettoni (second en partant de la gauche) était présent. / Crédits : DR
D’autant que les frères Bettoni ont depuis quelque temps une dent contre… Serge Ayoub, leader des Gremium en France. Marc et Julien ont pourtant porté le cuir noir des motards, en 2018. Mais à la fin de l’année, ils quittent le MC et rejoignent le chapitre dijonnais des Bandidos quelques mois plus tard seulement. Selon certains échos, l’origine de l’embrouille serait l’incarcération de Sébastien Favier, dit « Sanglier », ancien JNR de Serge Ayoub et ami des frères Bettoni. À la suite du « saccage » de l’Arc de Triomphe le 1er décembre 2018 lors de l’acte III des Gilets Jaunes à Paris, Sanglier est arrêté, soupçonné notamment d’être l’un des tagueurs du monument. Ce dernier et ses amis soupçonnent fortement Serge Ayoub de l’avoir balancé. Une habitude ? Batskin est également soupçonné d’avoir dénoncé les meurtriers de Clément Méric.
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« Cette implantation des Bandidos sur les terres des Bettoni peut être vue comme une petite provocation envers Ayoub et les Gremium », commente Étienne Codron. En novembre, StreetPress concluait son enquête sur la crainte, formulée par un bon connaisseur du milieu, d’une guerre de territoire à venir entre ces différents gangs de motards. Peut-être a-t-elle déjà commencé.
(1) Le 18 fait référence aux lettres AH, pour Adolf Hitler.
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