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    10/11/2025

    Ils sont venus de toute la France

    Marche aux flambeaux, chant nazi, militants violents… À Tours, les néofascistes défilent

    Par Daphné Deschamps , Adnan Farzat

    Le groupuscule néofasciste tourangeau Des Tours et des Lys organisait pour la troisième fois un défilé aux flambeaux visant à s’approprier la figure du saint patron de la ville. Une marche au cours de laquelle a retenti un chant de la Waffen-SS.

    Samedi 8 novembre, Tours (37) — Dans la pénombre du parvis de la cathédrale Saint-Gatien, les militants Alexandre Boumediene, dit Alexandre Boumi, et Lucas Maupin organisent leurs troupes. « Il nous faut des filles devant ! Venez tenir la banderole, s’il vous plaît ! Il nous faut des filles », lance l’un des néofascistes, avant de multiplier les consignes, intimant de « bien se comporter », d’ignorer « les invectives » et surtout de ne pas donner « de coups, aucun ». Comme d’autres marches similaires, du Comité du 9 mai à Paris à la marche des Normands à Rouen (76), les néofascistes tourangeaux cherchent à se draper d’une image de respectabilité.

    Autour d’Alexandre Boumediene, les membres de son groupuscule, Des Tours et des Lys, s’affairent à distribuer des flambeaux et à les allumer aux quelque 150 militants d’extrême droite. Certains sont locaux, d’autres ont fait le déplacement de toute la France pour cette troisième édition du défilé nocturne, qui se réapproprie la figure du patron catholique de Tours, Saint Martin. La renaissance d’une marche similaire organisée jusqu’en 2013 par l’un des prédécesseurs de Des Tours et des Lys, Vox populi. La récupération est dénoncée par l’archevêque de Tours au micro de France Bleu Touraine lors de l’édition 2024 de la marche, évoquant une réduction à une identité inacceptable, qui oublie toute la « dimension universelle » du saint.

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    Au premier plan, mégaphone à la main, Alexandre Boumediene est le leader du groupuscule néofasciste Des Tours et des Lys. / Crédits : Adnan Farzat

    Une récupération que critique aussi un homme s’approchant du cortège avant son départ. « Moi, je suis un chrétien de Touraine, un vrai, et c’est vraiment une récupération insupportable. Je suis venu voir si je ne pouvais pas faire quelque chose contre ça », souffle-t-il, avant de tenter de s’insérer dans le cortège. Son style détonne avec le reste des militants tous cintrés dans des vestes de chasse ou des habits casual très prisés des nervis d’extrême droite. Rapidement, il est expulsé hors du cortège.

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    Lors de la manif, le militant Lucas Maupin organise les troupes à l'aide de son mégaphone. / Crédits : Adnan Farzat

    À LIRE AUSSI : Des néofascistes venus de toute l’Europe défilent à Paris

    Des figures connues du hooliganisme tourangeau

    Alignés en rangs de quatre, les dizaines de militants d’extrême droite se tiennent prêts à marcher au pas dans les ruelles du Vieux-Tours. « Défendons notre héritage — hommage à Saint-Martin », lit-on sur la banderole de tête, portée par les quelques figures féminines réclamées par les organisateurs. Derrière suit un étendard proclamant un « Tours populaire », ou un autre inspiré de la République romaine et sa légion. Le cortège est bardé de drapeaux de la Touraine que Des Tours et des Lys tente de se réapproprier.

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    Alignés en rangs de quatre, les dizaines de militants d’extrême droite se tiennent prêts à marcher au pas dans les ruelles du Vieux-Tours. / Crédits : Adnan Farzat


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    Et en tête du cortège, une banderole portée par quelques figures féminines réclamées par les organisateurs où on peut lire « Défendons notre héritage — hommage à Saint-Martin ». / Crédits : Adnan Farzat

    Un drapeau qu’on a aussi pu apercevoir bâché dans les tribunes du nouveau club de football de la ville, l’Union Foot de Touraine, qui jouait son premier match le 1er novembre en National 3 (la cinquième division du foot français). À cette occasion, une semaine plus tôt, s’est également affiché aux côtés du drapeau une bâche ornée d’une tête de mort rappelant une Totenkopf, symbole de la Waffen-SS. Derrière ces banderoles se trouvaient plusieurs figures connues du hooliganisme tourangeau, dont un certain Thomas Bonnin, très proche Des Tours et des Lys, et présent à la marche Saint Martin ce 8 novembre.

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    Certains ont fait le déplacement de toute la France pour participer à cette troisième édition du défilé nocturne se réappropriant la figure de Saint Martin. / Crédits : Adnan Farzat


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    Mais la majorité des manifestants sont locaux. / Crédits : Adnan Farzat

    Des groupes néofascistes et un chant nazi

    20 h 05, la marche s’élance enfin dans les ruelles sombres, devant des boutiques fermées. Depuis l’arrière du cortège, des feux d’artifice sont tirés par des militants antifascistes venus perturber le défilé. « Fils de pute, viens ici un peu pour voir », s’excitent certains des marcheurs. Avant d’avancer d’un pas pressé dans les rues qui relient la cathédrale Saint-Gatien à la basilique Saint-Martin, à quelques centaines de mètres de là.

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    Apparemment tous les chemins mènent à Rome... même ceux passant par Tours. / Crédits : Adnan Farzat

    À LIRE AUSSI : « Ici c’est Paris, pas le marché de Bamako » : les identitaires derrière la banderole anti-Aya Nakamura jugés à Paris

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    Le leader de Lyon populaire, Eliot Bertin (tout à gauche) manifeste, flambeau à la main. / Crédits : Adnan Farzat

    Parmi les visages éclairés par les torches, des dizaines de faces bien connues de l’extrême droite radicale. StreetPress a reconnu les leaders des Natifs Grégoire Clausier, Stanislas Tyl et Martin Escard, tous les trois condamnés en juin pour le déploiement d’une banderole raciste contre Aya Nakamura (1). Mais aussi des cadres du groupuscule néofasciste parisien Luminis, des Bretons d’An Tour-Tan, des Rennais de l’Oriflamme et les Nantais de la Ligue Ligérienne… Flambeau à la main, Eliot Bertin, le leader de Lyon populaire, — groupuscule dissous par le gouvernement en juin, badine avec ses voisins de manif. Un peu plus loin marche Gaëtan Pichonnat, Orléanais du groupuscule Aurélianorum Corda, connu pour la croix gammée qu’il a tatouée au coude droit.

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    Parmi les visages éclairés par les torches, des dizaines de faces bien connues de l’extrême droite radicale. / Crédits : Adnan Farzat

    À l’approche de la fin du parcours et de la « zone-tampon » définie par la préfecture d’Indre-et-Loire pour séparer le défilé néofasciste de la contre-manifestation antifasciste qui a rassemblé plus de 500 personnes, le cortège entonne, comme les années précédentes le « Chant de fidélité », hymne, notamment, de la Waffen-SS. Puis se disperse rapidement dans la nuit.

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    Des militants antifascistes ont tiré des feux d'artifices depuis l'arrière du cortège pour perturber le défilé. / Crédits : Adnan Farzat

    À LIRE AUSSI (en 2023) : Eliot Bertin, le nouveau chef ultra-violent de l’extrême droite lyonnaise

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    Lors de cette marche, plusieurs membres de groupuscules identitaires comme les Natifs ou d'autres néofascistes comme Luminis ont été aperçus. / Crédits : Adnan Farzat

    Ils sont pressés : un groupe de rock anti-communiste, « Fiume Tue », qui reprend les Rats noirs et l’esthétique du Groupe Union Défense doit se produire dans un lieu secret « en Touraine » le même soir.

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    Comme lors de l'édition précédente, le cortège entonne un hymne chanté par la Waffen-SS, le « Chant de la fidélité ». / Crédits : Adnan Farzat

    (1) Ils ont tous les trois fait appel de la décision et sont pour le moment présumés innocents.
    L’article est de Daphne Deschamps. Les photos sont d’Adnan Farzat.

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