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    12/05/2025

    La manifestation n’était pourtant pas sponsorisée par Erasmus

    Des néofascistes venus de toute l’Europe défilent à Paris

    Par Daphné Deschamps

    Chaque année, en mai, les néofascistes français défilent à plusieurs centaines pour commémorer un militant décédé il y a 31 ans. Depuis quelques éditions, les militants européens d’extrême droite s’y rendent en nombre. StreetPress les a repérés.

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    Paris (75), 6e arrondissement – Ce samedi 10 mai, sous un soleil de plomb, Paris est à nouveau devenue la capitale européenne du néonazisme, à l’occasion du défilé du Comité du 9 mai (C9M). Près d’un millier de militants néonazis et néofascistes ont défilé dans le 6e arrondissement, sous des drapeaux ornés de croix celtiques et de runes nordiques. En tête, deux hommes tapent sur des tambours décorés de flammes rouges et noires, similaires à ceux utilisés par les Jeunesses hitlériennes, ou des Lansquenets – mercenaires allemands du 16e siècle, un symbole du nationalisme français. Un nombre doublé par rapport à l’édition précédente. Parmi eux, comme tous les ans, se trouve un nombre conséquent de néofascistes venus des quatre coins de l’Europe. « Les camarades venus d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Espagne, de Belgique, de République tchèque, d’Autriche, du Danemark, de Suède, d’Italie, de Pologne et de Hongrie marchent côte à côte », s’est réjouit Bruno Hirout, secrétaire du très pétainiste Parti de la France sur l’application Telegram. StreetPress a également pu identifier des militants grecs lors du défilé.

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    Il y a comme un air de famille. / Crédits : Daphné Deschamps – DR

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    Chaque année, tous les groupes néofascistes français viennent au C9M : Lyon populaire, Oriflamme Rennes, Luminis Paris, Bastide bordelaise, Clermont non-conforme, l'Aquila popularis de Nice... / Crédits : Daphné Deschamps

    Autour de la station Port-Royal, des groupes de militants d’extrême droite arrivent progressivement, certains masqués, d’autres non. Une colonne vêtue de t-shirts siglés « Deutsche Jugend Voran ! » (« En avant la jeunesse allemande » en français) s’avance, tout sourire, et commence à serrer des mains, avant d’enfiler des cache-cous ornés d’un loup, d’une couronne de lauriers et du trois en chiffres romains (« III »). Ils appartiennent à Der Dritte Weg, « Troisième voie » en français, un parti néonazi germanique particulièrement actif dans le sud et l’est de l’Allemagne. Un peu plus loin, quelques crânes rasés arborent des vestes « Legio Hungaria », groupuscule néonazi hongrois ultra-violent. Pendant que le cortège se met en place, quelques passants invectivent les militants d’extrême droite : « Sales fachos », « Paris est antifa ! ». « N’interagissez pas ! », réagit immédiatement le service d’ordre de la manifestation néofasciste, mené par Tristan Arnaud, un néonazi français déjà condamné par la justice pour ses actions dans les groupes Bastion social, dissous en 2019 par le gouvernement, ou son successeur Clermont non-conforme. « Don’t interact, stay focused ! », ajoute un autre militant du service d’ordre. Il faut bien traduire pour éviter que les étrangers ne « débordent » pour ne pas casser l’image respectable que le défilé tente de se donner depuis 2023, quand il a commencé à être surmédiatisé.

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    Der Dritte Weg, « Troisième voie » en français, est un parti néonazi germanique particulièrement actif dans le sud et l’est de l’Allemagne. / Crédits : Capture d'écran

    À LIRE AUSSI : CartoFaf : La cartographie de l’extrême droite radicale française

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    Contrairement à leurs homologues européens, les néofascistes français sont pour la plupart masqués lors du rassemblement. / Crédits : Daphné Deschamps

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    Selon une note des renseignements, les militants étrangers – qui sont souvent à visage découvert lors du C9M – se sentent « plus difficilement identifiables » et « sont susceptibles de se livrer à des exactions avant de retourner, sans être inquiétés, sur leur territoire d’origine ». / Crédits : Daphné Deschamps

    Ces débordements potentiels de la part de militants de groupuscules de province ou du reste de l’Europe inquiètent aussi les services des renseignements. Dans une note datée du 5 mai 2025 que StreetPress a pu consulter, les services spécialisés évoquent que « les organisateurs œuvrent en parallèle à faire venir pour l’occasion des militants ultra-nationalistes étrangers de différents pays européens, Allemagne, Autriche, Espagne, Italie entre autres ». Selon le document :

    « Ces militants […] étrangers, se sentant plus difficilement identifiables, sont susceptibles de se livrer à des exactions avant de retourner, sans être inquiétés, sur leur territoire d’origine. »

    Les Français vont aussi aux événements néofascistes européens

    Pêle-mêle, les rues de Paris ont vu défiler des militants avec des t-shirts à la gloire de la « Division Bleue » – 250e division de la Wehrmacht, l’armée nazie, composée de volontaires espagnols mis à la disposition de l’Allemagne par Franco. D’autres rendaient hommage à la Misanthropic division, une organisation néonazie créée en Ukraine en 2013. Entre deux cache-cous des militants de Clermont non-conforme, un Allemand marche masqué, avec, collé sous ses lunettes de soleil, le logo des Junge Nationalisten – l’organisation de jeunesse du Nationaldemokratische Partei Deutschlands, un parti néonazi fondé en Allemagne en 1964. Une militante espagnole arbore le logo de Devenir Europeo, une organisation néonazie espagnole. Un peu plus loin, des t-shirts revendiquent l’appartenance à un groupe de box thaï de Rome ou encore à un mouvement néofasciste polonais. « Nature hates equality » (« La nature déteste l’égalité »), proclame un t-shirt produit par un groupe espagnol. Au milieu du cortège, un groupe de militants suédois se fait discret, sans signe distinctif : tous sont membres d’un Active Club, groupuscule « interfaf » qui base son militantisme sur l’entraînement aux sports de combat.

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    Certains des militants avec des t-shirts rendaient hommage à la Misanthropic division, une organisation néonazie créée en Ukraine en 2013. / Crédits : Daphné Deschamps

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    StreetPress a repéré des t-shirts qui revendiquent l’appartenance à un groupe de box thaï de Rome (à droite) ou un groupe espagnol dont le t-shirt proclame en anglais : « La nature déteste l'égalité. » / Crédits : Daphné Deschamps

    Depuis 2023, le Comité du 9 mai se structure comme l’un des rendez-vous incontournables de la mouvance néofasciste en Europe, comme le sont déjà la Marche polonaise pour l’indépendance à Varsovie en novembre, ou le Jour de l’honneur hongrois à Budapest en février, organisé notamment par Legio Hungaria. Les néofascistes français ont eux aussi l’habitude de rendre visite à leurs voisins européens à ces occasions. Comme tous les ans, ces militants venus de toute l’Europe ont été bien accueillis par les néofascistes français, qui leur ont fait visiter la capitale. Le vendredi 9 mai, Gabriel Loustau, leader du Groupe union défense – mouvement dissous par le gouvernement en juin 2024 et qui est historiquement derrière l’organisation du C9M – posait fièrement place du Panthéon en compagnie de militants d’extrême droite allemands, espagnols, grecs et suédois, tous poings serrés. Celui qui a été condamné pour des agressions homophobes après la victoire du Rassemblement national aux élections européennes l’année dernière arborait un t-shirt qui parodiait la marque The North Face avec un slogan suprémaciste blanc : « The White Race. »

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    La veille du C9M, Gabriel Loustau – un des leaders du GUD et fils d'Axel Loustau, un proche de Marine Le Pen – a fait la visite de Paris à des militants d’extrême droite allemands, espagnols, grecs et suédois. Sur la photo, il pose avec un t-shirt suprémaciste blanc qui parodie la marque The North Face. / Crédits : DR

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    Des membres d'Active Club néerlandais et suédois étaient présents à la manifestation néofasciste. / Crédits : DR

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