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    05/06/2025

    La procureure a requis jusqu’à huit mois de prison avec sursis

    Après leur banderole raciste contre Aya Nakamura, les identitaires se murent dans le silence

    Par Daphné Deschamps

    Treize membres du groupuscule identitaire les Natifs étaient jugés à Paris pour une banderole raciste contre Aya Nakamura déployée en mars 2024. Seulement trois d’entre eux se sont présentés, et ont refusé de répondre aux questions du tribunal.

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    Sur le banc des accusés, Stanislas Tyl se ronge les doigts. Propulsé porte-parole du groupuscule identitaire les Natifs depuis quelques mois, le vingtenaire a tourné une vidéo devant le tribunal de Paris en début d’après-midi, dans laquelle il dénonce un « procès politique », alors qu’il comparaît ce mercredi 4 juin pour provocation publique à la haine en raison de l’origine. Le 8 mars 2024, avec douze autres membres des Natifs, il a déployé une banderole contre la participation de la chanteuse Aya Nakamura à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, dans le cadre d’une opération où le racisme était le maître-mot, dont StreetPress vous a racontée les coulisses.

    A LIRE AUSSI : « Ici c’est Paris, pas le marché de Bamako » : les identitaires derrière la banderole anti-Aya Nakamura jugés à Paris

    Sur les treize prévenus, seuls trois ont fait le déplacement. Il y a donc le porte-parole Stanislas Tyl, mais aussi Capucine Colombo, ex-attachée parlementaire de trois députées Rassemblement national (RN) et chargée d’une partie de la com’ du groupuscule, ainsi que Martin Escard, président de l’association-écran des Natifs, qui est notamment mis en cause dans une enquête pour reconstitution d’association dissoute pour cela, et chez qui la banderole visée a été retrouvée. Les dix autres n’ont pas jugé nécessaire de se déplacer, et ont préféré se faire représenter par deux avocats bien connus des identitaires, maîtres Pierre-Vincent Lambert et Mathieu Sassi, qui travaillent avec une association dédiée à la défense des identitaires, l’ASLA – dont certains des prévenus font partie. Ceux-ci ont bien tenté de faire annuler l’audience, argumentant un procès « scandaleux », « politique », dénonçant un groupuscule « espionné par les services de renseignement », visé par un « fichage politique », dans des « procédés orwelliens ». « Après tout, un blasphème ne mérite-t-il pas de grands moyens ? », tente même Maître Sassi à la barre. Sans succès, l’affaire est bien jugée.

    Pour eux, Aya Nakamura a « humilié la France »

    Les trois prévenus, qui se déplacent masqués dans les couloirs du tribunal et refusent de répondre aux questions des journalistes – à l’exception des deux journalistes de la station d’extrême droite Radio Courtoisie –, adoptent pendant l’audience la même stratégie qu’en garde à vue : ils se murent dans le silence. Première à la barre, longue jupe à fleurs et blazer serré, Capucine Colombo est poursuivie pour provocation à la haine lors du déploiement de la banderole. Elle comparaît également pour complicité lors de la diffusion sur Internet de cette provocation à la haine : c’est elle qui a réalisé le montage photo diffusé sur les réseaux sociaux du groupuscule. En dehors des questions du tribunal sur sa situation personnelle, elle n’a « rien à déclarer », et s’en tiendra « à la déclaration commune de messieurs Tyl et Escard ».

    Même son de cloche chez ses deux co-prévenus, qui entament une négociation avec la Cour pour lire leur déclaration en même temps. « Ah, mais c’est à deux voix en plus », s’exclame un des avocats des parties civiles, lorsque Martin Escard se lève pour tenter de rejoindre Stanislas Tyl à la barre. Sans succès, la présidente « ne fait pas d’interrogatoire collectif », et Stanislas Tyl devra déclamer son texte seul. Il y fustige le système judiciaire, réaffirme que son groupuscule assume totalement le message de sa banderole, et qu’Aya Nakamura a « humilié la France devant le monde entier », avant de se plaindre que le seul tort des Natifs aurait été d’avoir « eu raison trop tôt » – et ce, alors que la performance de la chanteuse avec la Garde républicaine a été unanimement saluée. Et d’enchaîner sur la répression politique dont il aurait été victime.

    Une fois le monologue achevé, la présidente du tribunal et les avocats des parties civiles tentent bien d’obtenir un peu de spontanéité de sa part : « Si vous croyez vraiment en ce que vous venez d’énoncer, pourquoi ne pas vous exprimer spontanément ? », questionne la présidente. Silence. « Vous parlez de l’identité ancestrale de la France, pouvez-vous nous la définir ? », demande l’avocat d’une des associations antiracistes portées partie civile. Silence encore. Appelé à son tour à la barre, Martin Escard, commercial pour une entreprise démarchant notamment les polices municipales françaises, se contente de déléguer les réponses à ses avocats à chaque question.

    Face à tant d’absents et de silence, la procureure a requis des peines de huit mois de prison avec sursis pour Capucine Colombo, Antoine Gongora, Edouard Michaud et Constance D., pour leur participation au déploiement de la banderole, mais aussi sa diffusion sur les réseaux sociaux. Pour huit autres, elle a requis quatre mois de prison avec sursis. Enfin, elle a requis quatre mois de prison ferme pour le dernier des prévenus, celui-ci ne pouvant plus bénéficier du sursis. Le tribunal doit se prononcer le 17 septembre prochain.

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