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    24/03/2010

    Plus fort que Sarko, le « corps traditionnel français » a eu la peau de Boutih

    Malek Boutih, non désigné à la tête de la Halde: « J'avais l'accord du président de la République »

    Par Robin D'Angelo

    Sur StreetPress, Malek Boutih explique comment il a manqué la présidence de la Halde que lui aurait promis Nicolas Sarkozy. Il revient aussi sur la sortie de Gérard Longuet: «c'est la déclaration la plus raciste depuis l'après guerre», juge-t-il.

    Bonjour Malek, à StreetPress nous n’avons pas la télé, est-ce que le président Sarkozy a terminé son allocution ?

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    Oui, oui, c’était juste l’affaire de quelques minutes, maintenant j’ai le temps de répondre à vos questions.

    Quand est-ce que vous avez été prévenu de votre non-nomination à la Halde ?

    Euh…. On ne m’a pas prévenu. Je l’ai su en même temps que tout le monde.

    Votre possible nomination, c’était une rumeur ou quelque chose de bien avancé?

    J’avais l’accord du président de la République.

    Vous êtes très déçu alors ?

    Non… C’était un projet intéressant par rapport à mes combats anti-racistes que je mène depuis que je suis jeune. La déception c’est de voir une incompréhension de tout le système politique par rapport à ce qu’il se passe. Quand les gens expriment un désarroi face à l’offre politique, tout redevient comme avant en quelques jours…

    Désarroi ? Là, vous parlez de l’abstention aux dernières élections…

    Bien sûr ! Quand vous avez la moitié de la population qui ne vient pas voter, et que chez les jeunes on a des taux record… Rendez-vous compte: Près de 70% des jeunes n’ont pas voté! Ils ne sont plus rien, ils n’ont plus de vision du politique!

    Ces élections vous les jugez catastrophiques, alors ?

    Non. Mais ce sont des élections que le monde politique ne veut pas lire et ne peut pas comprendre parce qu’elles sont trop contraires à leurs points de vue. Pour eux les choses sont simples: Les gens de droite votent à droite et les gens de gauche votent à gauche. Les électeurs eux, ils recherchent autre chose. On a l’impression qu’ils sont plus intelligents que les dirigeants politiques. Et on voit que les appareils politiques se serrent les coudes ensemble pour empêcher que surgisse autre chose.

    En fait, vous êtes victime du résultat de dimanche soir ?

    Je pourrais dire que oui, ça serait la facilité. C’est un choix politique. La question pour Sarkozy c’était « comment rebondir ? ». Je ne pense pas qu’il y ait eu un problème d’ostracisme avec moi. Bien au contraire, il me connaît, il connaît mes compétences. Mais il y avait une série de notables de droite qui avaient mis ma tête en échange pour ramener le calme. Ma nomination pouvait être une clef de voûte, un symbole, pour certains… Le choix que le président a fait à propos de mon cas, est un choix plus général vis-à-vis de sa majorité. Il avait le choix entre dire “je ne vais pas retourner dans les ornières et aller plus en avant vers l’ouverture” et entre retourner à la maison. Il a fait le choix de retourner à la maison.

    C’est peut-être que Nicolas Sarkozy ne croit pas vraiment à l’ouverture ?

    Il est convaincu mais vous savez, au moment du choix, la main peut trembler…

    Malek Boutih, la Life

    1964 : Naît à Levallois-Perret (92)

    1984: Entre à SOS Racisme. Il en deviendra le président de 1999 à 2003

    1986: Devient membre du Parti socialiste

    2003: Secrétaire du Parti socialiste chargé des questions de société

    2007: Selon des rumeurs, il est sollicité par Nicolas Sarkozy pour entrer au gouvernement et aurait refusé au dernier moment

    2007: Dans Le Monde, il déclare que les dirigeants du PS “forment un cénacle qui n’aime pas la société telle qu’elle est, qui ne s’y projette pas et qui garde la mélancolie des années 1970. Chez nous, c’est Good Bye Lénine!”

    2010 : Manque de peu la présidence de la Halde, attribuée à l’UMP Jeannette Bougrab

    «[Les jeunes] ne sont plus rien, ils n’ont plus de vision du politique!»

    Et maintenant, il va préférer draguer l’extrême droite plutôt que de jouer l’ouverture…

    Qu’il veuille récupérer son électorat de droite je n’ai pas de doutes. Mais l’électorat d’extrême droite, il n’a aucune chance. Je pense qu’il est honni et détesté de l’extrême droite. Quoi qu’il fasse, elle continuera à le détester. Il ne partage pas une seule de leurs idées politiques et ce n’est pas sa thèse politique que d’aller chasser sur leurs terres. Mais le problème se trouve dans son camp, dans sa majorité. A la sortie des élections, ils lui ont fait comprendre qu’il était obligé de concéder quelque chose. Et parmi eux, il y a des gens plus proches de cette thèse [d’aller chasser sur les terres du FN, ndlr].

    Franchement, vous ne craignez pas d’être écarté du PS en tenant ce discours?

    Non parce que le PS a applaudi la nomination de Didier Migaud, député socialiste, à la Cour des Comptes. A moins qu’il n’y ait aussi deux poids deux mesures, ou cette notion de corps français central, comme dirait un certain sénateur…

    Vous pourriez quitter le Parti socialiste ?

    Non. Mais ça ne veut pas dire que je sacralise le PS. Le quitter ? Mais pour quoi faire? Et si j’avais milité pour la posture, je n’aurais pas bouffé des kilomètres de couleuvres pour partir la queue entre les jambes.

    Vous croyez toujours aux notions de droite et de gauche?

    Oui ça me semble pertinent. Mais le problème c’est qu’il y a des gens de droite qui ne se sentent pas du tout à droite, et des gens de gauche qui ne se sentent pas du tout à gauche. Il y a besoin d’un redécoupage pour plus de cohérence.

    La Halde

    La Halde est l’acronyme pour la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité.

    Créée en 2004, c’est une institution indépendante habilitée à mener des enquêtes et des auditions pour lutter contre les discriminations. Si on te refuse une hamburger dans un restaurant parce que ton téton droit est plus gros ton nez, tu peux saisir la Halde qui entreprendra une enquête. Son président est directement nommé par le chef d’État. Jeanette Bougrab a été choisie mardi 23 mars en remplacement de Louis Schweitzer, alors que Malek Boutih aurait eu « l’accord du Président».

    «[Sarkozy] avait le choix entre dire “je ne vais pas retourner dans les ornières et aller plus en avant vers l’ouverture” et entre retourner à la maison »

    Vous êtes satisfait des résultats du PS ?

    C’est un résultat en trompe l’oeil. Je pense que c’est loin d’être une adhésion au Parti socialiste. Ceux qui au PS pensent ça, avec leur faux airs humbles genre « maintenant on va travailler, on a des responsabilités », en vérité ils se sont dit « super, on ne va rien changer, y’a plus qu’à attendre et le pouvoir va nous tomber tout cuit dans la bouche ». C’est ce qu’ils sont en train de penser.

    Alors qu’est ce qu’il faut au PS ?

    Qu’il arrête d’être un parti de quelques dizaines de milliers de personnes. 70% des adhérents du parti sont des élus ou vivent de la politique. Ils confisquent une partie de l’espoir à gauche. Il faut quelque chose de plus attrayant qui permette à la grande masse, qui ne se reconnaît pas dans les partis, de construire un camp progressiste. Ça dépasse le PS. Mais je ne suis pas sûr qu’ils aient envie de bouger.

    Pour revenir à Gérard Longuet, il a déclaré que Jeanette Bougrab était «quelqu’un de rassurant ». Pourtant elle ne vient pas non plus « du corps traditionnel français ». C’est quoi la différence entre elle vous ?

    Ce ne sont que des propos de circonstance. Gérard Longuet la met dans le même paquet que moi. Je n’ai pas un doute sur sa conviction intime et profonde. Faut être honnête, de par son parcours politique, il n’a jamais caché son rapport à une idéologie particulière [Gérard Longuet a fait partie du mouvement d’extrême droite Occident, ndlr].

    A droite, on a qualifié la sortie de Longuet en parlant de propos « plutôt regrettables »…

    Je pense même que c’est la déclaration la plus raciste depuis l’après guerre. C’est une véritable déclaration d’apartheid, parce que ce n’est pas les étrangers qu’il a mis en cause. Il a dit qu’il y avait plusieurs catégories de Français. Dont une qui avait plus de légitimité à avoir des responsabilités.

    L’affaire Boutih / Longuet

    Alors que Malek Boutih fait partie des personnalités pressenties pour succéder à Louis Schweitzer à la tête de Halde, le président de l’UMP au Sénat Gérard Longuet réagit: «Malek Boutih est un homme de grande qualité, mais ce n’est pas le bon personnage. Parce qu’il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l’accueil de tous nos compatriotes. Louis Schweitzer, un vieux protestant: parfait. Si vous mettez quelqu’un de symbolique, extérieur, vous risquez de rater l’opération.»

    «Si j’avais milité pour la posture, je n’aurais pas bouffé des kilomètres de couleuvres pour partir la queue entre les jambes »

    Source: Robin D’Angelo | StreetPress
    Photo de Une: Extrait d’interview de Malek Boutih sur Teletoc.net [Arnauld Champremier Trigano / Jean-Charles Meyer]
    Photo de médaillon: Malek Boutih en 2004 | Philippe Grangeaud solfé communication | Flickr Creative Commons

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