En ce moment

    11/12/2012

    L'élu apparenté PS était l'invité de notre matinale politique sur Radio Campus Paris

    Jean-Luc Romero : « Il n'y aura pas de loi sur l'euthanasie après le mariage pour tous »

    Par Robin D'Angelo

    C'est un combat qui lui est cher : légaliser l'euthanasie. Mais Jean-Luc Roméro, conseiller régional proche du PS, n'est « pas totalement confiant » quant aux choix du président Hollande, qui doit recevoir un rapport dans le courant du m

    Ré-écoutez l’émission

    Vous avez envie d’écouter notre émission en entier ? Ça tombe bien, il suffit de cliquer là :


    1 Ses combats politiques

    Vous êtes élu au conseil régional de l’Île-de-France, à la tête d’une ribambelle d’associations, écrivain… Laquelle de vos activités vous occupe le plus ?

    Mes combats vont tous dans le même sens. C’est le sens de l’humain. Ce sont des combats assez complémentaires. Ce sont des causes qui se complètent parfaitement même si c’est vrai que j’aime bien travailler. Quand on travaille pour des causes qui vous animent, par moments, ça devient presque du plaisir.

    Sur Twitter, vous vous présentez comme un « activiste », il n’y a aucune référence à vos mandats politiques. Vous avez honte d’être un homme politique ?

    Non. Mais c’est vrai que j’ai quitté une certaine conception de la politique, où vous ne faites que ça, où vous parlez sur tous les sujets. J’estime être un activiste sur plusieurs sujets, ceux que je connais le mieux. Je ne me considère plus comme un généraliste mais comme un militant de ses causes-là – lutte contre le sida, mourir dans la dignité, mariage pour tous. Mais en même temps, je n’ai pas honte d’être conseiller régional, apparenté PS, car je ne suis militant d’aucun parti.

    Est-ce qu’il n’y a pas une contradiction à être « activiste » quand le parti qui vous a investi contrôle presque toutes les institutions législatives, et ne va pas forcément dans le sens de votre militantisme ?

    Vous savez, j’ai été longtemps à l’UMP. Et les 10 dernières années où j’y étais, ça a été très compliqué pour moi : on ne m’entendait que pour critiquer feu le RPR puis l’UMP. Je n’ai jamais été aussi soutenu dans mes combats qu’aujourd’hui, même s’il y en a certains sur lesquels je ne suis pas d’accord. Le cannabis, évidemment je ne partage pas la position actuelle du gouvernement. Ni sur la prostitution où je suis pour une vision réglementariste des choses. Mais sur la lutte contre le sida, j’ai un grand soutien du plus haut niveau de l’État, au ministère. Sur le mariage pour tous, c’est eux qui vont le faire. Et sur le droit de mourir dans la dignité, il y a des choses à dire, mais ils vont plutôt dans le bon sens.

    Le cannabis, évidemment je ne partage pas la position actuelle du gouvernement.

    2 L’euthanasie

    Sur l’euthanasie, vous vous êtes dit « trahi » et « trompé » par les prises de position de François Hollande… (dans cette interview, ndlr)

    Je n’ai jamais dit « trahi et trompé » à propos de François Hollande. C’est à propos de Didier Sicard – qu’il a nommé pour conduire un rapport. Je n’étais pas très heureux qu’on nomme une fois de plus un grand mandarin qui a fini sa carrière depuis longtemps. On fait de cette affaire une affaire médicale alors que c’est une affaire citoyenne. Vous allez mourir, je vais mourir, 100 % d’entre nous vont mourir ! Par exemple, à l’époque du combat pour l’avortement, on n’en a pas fait une affaire médicale, alors qu’il faut des médecins pour pratiquer l’avortement ! Ce que je reproche, c’est qu’on donne toujours ce dossier-là aux médecins, alors que c’est un vrai débat avec les Français. Et surtout, j’ai peur que le Président ait été trompé par le professeur Sicard. Dans la mission, 7 membres sur 8 sont des militants contre l’euthanasie ! Je suis un peu surpris, on nous disait que ce serait une mission neutre, il fallait des « pour » et des « contre ». On n’a même pas été consulté, nous l’ADMD (l’asso pour le droit à mourir dans la dignité, ndlr), alors qu’on a 49.000 adhérents.

    Une loi existe déjà, la loi Leonetti de 2005, qui autorise les médecins à stopper les traitements curatifs en accord avec leurs patients. Un premier bilan de cette loi vient de paraître : seulement 1,8 % des patients concernés ont fait une demande d’euthanasie. À l’inverse, 1 sur 2 a souhaité l’arrêt de son traitement curatif, comme autorisé. C’est donc une loi qui fonctionne ?

    On nous dit aussi dans ce rapport que 0,8 % des patients auraient été euthanasiés ! Mais c’est interdit par la loi ! Vous savez 1 % ce n’est pas rien. Vous savez, il y a 540.000 morts en France. Faites le rapport, ça fait 8 à 9.000 euthanasies en France. C’est assez comique de voir que quand on parle de l’application de cette loi, on évoque des mesures complètement interdites.

    La dépénalisation de l’euthanasie est-elle encore d’actualité ?

    Je ne suis pas totalement confiant comme je le suis sur le mariage pour tous. Ma trouille c’est que, sortant du mariage pour tous, en mars-avril, le gouvernement se dise : « Ouh là là, on a eu un débat extrêmement violent – parce qu’il est d’une violence incroyable – on ne va pas recommencer avec l’euthanasie où vous avez les mêmes adversaires. » C’est pour ça que je me bats pour que dès janvier, il y ait une proposition de loi qui soit débattue en même temps que le mariage pour tous. S’ils doivent le faire, ils savent que c’est en début de mandat. Ce n’est pas à deux jours des municipales qu’on fait une loi. Ce n’est pas gagné, je sais, mais beaucoup de parlementaires se sont engagés.

    Vous avez eu un rendez-vous avec Marisol Touraine, ministre de la Santé, il y a quelques jours. Que vous a-t-elle dit à ce sujet ?

    J’ai trouvé une Marisol Touraine qui a beaucoup avancé sur le sujet. Elle m’a dit des choses assez étonnantes. Parce qu’elle avait été très modérée pendant la campagne. Je l’ai trouvée beaucoup plus ouverte. Je lui ai juste expliqué mon problème de calendrier. Comme beaucoup de responsables, elle pense qu’il faut faire le mariage et après l’euthanasie. J’ai expliqué qu’il fallait tout faire en même temps, parce qu’ils ne le feraient pas après.

    3 Sur le sida

    Êtes-vous plus satisfait des engagements sur la lutte contre le sida ? François Hollande avait notamment promis une taxe sur les transactions financières destinée à la lutte contre le sida. Elle a été actée le 1er août. Est-ce une satisfaction ? Des fonds ont-ils déjà été alloués ?

    Ce qu’on souhaite, c’est qu’il y ait beaucoup de pays qui rejoignent la France. La démarche est évidemment importante. On sait qu’aujourd’hui, il faut environ 25 milliards de dollars pour faire que tous les gens qui aient besoin d’un traitement l’aient. Ce n’est rien ! Pour les banques, sans vouloir être démagogique, on a trouvé 3.000 milliards de dollars. Vous vous rendez compte… On aurait évité 1.700.000 morts l’année dernière. Et si on est très cynique, ce sont des gens qui feraient fonctionner l’économie ! Au Botswana, en Afrique du Sud, ces gens seraient dans les écoles, travailleraient dans les mines. Économiquement, si les grands dirigeants réfléchissaient, ils se rendraient compte que c’est important.

    Vous avez tenu les États généraux de votre association « Élus locaux contre le sida », intitulés « Les politiques veulent-ils vraiment en finir avec le sida ? » La fin du sida n’est donc plus une question médicale mais une volonté politique ?

    Si les politiques mettent l’argent, le sida peut disparaître. C’est une nouvelle extraordinaire ! On sait par des modèles mathématiques que si tous les gens sont sous traitement, dans 30 ans, il n’y a plus de sida… il n’y a plus de sida ! C’est aussi la responsabilité des médias. Hormis le 1er décembre (la journée mondiale contre le sida) et le Sidaction, les médias n’en parlent plus. Alors qu’il n’y a jamais eu autant de gens qui ont vécu avec le sida. En France, il y a 30.000 personnes qui ne savent pas qu’elles sont séropositives. Quand vous êtes sous traitement, vous avez une charge virale indétectable. À-priori, vous ne pouvez plus contaminer. Vous voyez l’intérêt d’être sous traitement.

    Quelles sont les mesures très concrètes que doit prendre un gouvernement ?

    Faire qu’il n’y ait pas un grand G20 où on n’évoque pas cette question. Il faut dire la vérité, Sarkozy, les 5 dernières années, il ne l’a jamais mis à l’ordre du jour. La première des choses, c’est l’argent. Il faut trouver 5 à 6 milliards tout de suite pour éviter de laisser mourir des gens. Après, en France, c’est une politique de dépistage et de prévention.

    4 Sur la vie politique française

    Vous aviez déclaré « un gay qui vote à droite, c’est comme une dinde qui voterait pour Noël. » Vous avez quand même passé 20 ans au RPR et à l’UMP, est-ce que ce n’est pas un peu cracher dans la soupe ?

    J’ai peut-être été une dinde longtemps, mais j’en suis revenu. Mais c’est pour le déplorer. Normalement il n’y a pas de raison : ce n’est pas parce que vous êtes homosexuel que vous devez voter pour un camp politique ou l’autre. Aujourd’hui, la droite a passé son temps à stigmatiser les homosexuels. Il n’y a pas que Vanneste à l’UMP qui a tenu des propos homophobes, il y a plein de parlementaires, de maires, d’élus, qui se sont complètement laissés aller sans aucune réaction de leur parti. Je rappelle que Vanneste n’a pas été viré de l’UMP, il est parti tout seul ! Aujourd’hui, ce n’est plus possible. D’ailleurs 84 à 85 % des homosexuels ont voté au 2e tour pour François Hollande.

    Mais ça a toujours été comme ça. Philippe Seguin par exemple, qui était un de vos soutiens, vous a laissé tomber au moment de votre outing au début des années 2000. Vous avez attendu longtemps.

    C’est compliqué de quitter une famille politique. Ça a été un long cheminement. À un moment, ça a été la saturation totale. Et puis il faut dire la vérité, mes dernières années à l’UMP, je votais pour des candidats PS.

    Le clivage droite / gauche, il est avant tout sur ces questions de société aujourd’hui ?

    Ça ne devrait pas être un clivage droite-gauche. Tout à l’heure, on parlait du droit de mourir dans la dignité. Mais enfin, on est 100 % d’entre nous à aller mourir, qu’on soit à droite ou à gauche. Et on voit dans les derniers sondages que 86 % des UMP sont pour. C’est une classe politique de droite qui est complètement déconnectée. Malheureusement cette droite idiote préfère se suicider politiquement plutôt que d’assumer un discours libéral. Le libéralisme ce n’est pas seulement économique mais aussi dans les mœurs.

    Si les politiques mettent l’argent, le sida peut disparaître.


    Christian Vanneste dans son art

    5 Sur Florence Cassez

    A quoi vous servez quand vous vous engagez dans des causes contre des injustices ? Je pense par exemple à ces deux Sénégalais homosexuels, Tamsir et Matar, dont vous avez parlé lors de votre voyage à Dakar. Ou à Florence Cassez.

    À quoi je sers ? Je suis un petit grain comme d’autres qui essaie de se révolter parce qu’il trouve que des choses sont scandaleuses. Pour Florence Cassez, ça fait plusieurs années que je suis à sa demande président du comité de soutien. Alors pourquoi elle ? Peut-être parce qu’elle est née à Béthune, comme moi. Des fois, on me dit « pourquoi pas elle, pourquoi pas untel ». Je ne suis qu’un homme à moi tout seul, j’ai des journées bien remplies. Aujourd’hui, j’ai écrit à toutes les autorités françaises pour ces 2 garçons condamnés à 3 et 4 ans de prison au Sénégal. Il faut se mobiliser. On ne peut pas accepter qu’un pays avec lequel on a autant de liens continue à mettre en prison des gens qui n’ont rien fait de mal, si ce n’est s’aimer.

    Il faut boycotter le Sénégal ?

    Le boycott des vacances, on avait voulu le faire pour Florence Cassez au Mexique. Mais c’est toujours compliqué. On s’est rendus compte que ça avait tout de suite des conséquences pour Florence. Immédiatement, dès qu’on a parlé de ça, on a mis Florence dans une prison encore plus dure. Il faut être un peu subtil. L’argent joue. Le Sénégal fait attention parce qu’il reçoit de l’argent d’Onusida. Donc si le Sénégal attaque les militants de la lutte contre le sida qui travaillent auprès des homosexuels, Onusida retire son argent.

    La gestion de l’affaire Cassez par Sarkozy a été catastrophique, non ?

    Je ne vous le dirai pas. On pourra dire ce qu’on pense réellement dans quelques années quand tout sera terminé. Ce que je peux dire, c’est qu’il y a eu deux présidents successifs qui ont compris que Florence était innocente et qui la soutiennent. Les modes de soutiens sont différents. On jugera de l’efficacité.

    On a quand même l’impression que le cas de Florence Cassez a été contre-productif et qu’au final ça n’a servi qu’à la communication de Sarkozy…

    Je ne répondrai pas là-dessus. Je le ferai dans quelques mois.

    Hollande joue à l’inverse la discrétion, il a déclaré « faire confiance à la justice mexicaine ». Vous vous alignez sur cette discrétion ?

    Je pense que sa stratégie est excellente. De toute façon il ne l’a fait pas seul. Il a consulté, j’étais d’ailleurs avec les parents à l’Elysée avant l’été. C’est une stratégie que le comité, sa famille, Florence soutiennent.

    Si elle n’est pas libérée, comment continuer la lutte ?

    Je ne veux pas me mettre dans cette situation-là.

    div(border). h4>Florence Cassez, ze storyCondamnée à 60 ans de prison pour avoir participé à des enlèvements au Mexique, Florence Cassez a toujours clamé son innocence. Malgré une demande de libération par 2 des 5 juges de la Cour suprême mexicaine, elle est toujours emprisonnée depuis 7 ans. L’année du Mexique en France avait été annulée en 2011 à la suite d’une crise diplomatique.

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER