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    StreetPress a 10 ans !

    Un nouveau site, une soirée et une plongée dans nos archives

    En 2009, Sarkozy est président, la tecktonik est à la mode et StreetPress débarquait sur la toile. Retour sur 10 ans d’enquêtes et de reportages avec une belle timeline

    Au départ, ce simple SMS. « Grosse descente policière à Barbès aujourd’hui. De TRÈS nombreuses arrestations. Ils font la chasse aux sans-papiers. » Je rappelle. « Ils contrôlent tout le monde. Jusque dans les restaurants. » Sa voix se brise. « Ils ont rempli trois bus. Il y avait des mamans. Même des vieux, ceux qui jouent aux dominos. » Je raccroche. Et à mon tour, je craque. Je pleure, le ventre noué. Le lendemain, quartier de la Goutte d’Or, je récolte les témoignages pour un article qui paraîtra quelques jours plus tard. Après la publication, je reçois un coup de fil de Canal+. « On voudrait parler de cette histoire. Vous avez des images ? » Pas de vidéo, pas de sujet télé. Ils n’en parleront pas. Cette indignation, forcément subjective, c’est depuis 10 ans la raison pour laquelle on se lève le matin.

    Il n’y a pas que ça, bien-sûr. On veut raconter le monde tel qu’il est vraiment, sortir de la caricature. À Roubaix, une habitante, employée municipale, raconte cacher son adresse à ses collègues. « Trop la honte ! » Quand elle allume sa télévision, l’Alma, son quartier, n’est que la toile de fond de faits-divers. Pourtant, elle aime son bâtiment et les solidarités qui s’y créent. Se serrer les coudes pour avancer. « Nous sommes les oubliés. » Dans la commune du Nord, comme à Grigny, Beaumont-sur-Oise ou ailleurs, des habitants s’engagent pour obtenir « justice et vérité » ou plus simplement pour que chacun puisse vivre dignement. Ce sont ces visages que l’on veut montrer. Pour ça, on va « sur le terrain », rencontrer et écouter les gens. Chaque reportage, chaque interview, nous ont construits.

    StreetPress c’est aussi un espace de liberté rare. Et de confiance. Si l’on veut réaliser un documentaire vidéo d’une heure sur les gilets jaunes ou sur un boxeur gitan, on peut. Même s’il faut y consacrer plusieurs semaines et publier moins d’articles. Qui va nous arrêter ? Pas besoin de demander l’autorisation à un mec de 50 ans. On peut tout faire. Tant que c’est bien et intelligent, tant que ça a un sens.

    Tout n’est pas toujours rose. Quand, sur un reportage, on te fait comprendre que tu n’es pas à ta place parce que tu es une femme, ça mine. Enquêter, c’est aussi parfois faire face à des menaces. En 2015, après la parution d’un livre-enquête sur l’extrême droite, notre éditeur est agressé au pied de son immeuble. Longtemps, je n’ai pas affiché mon nom sur ma boîte aux lettres. Au cas où…

    On est aussi trop souvent confrontés aux procès. Nous n’avons pour autant jamais renoncé à enquêter, jamais enterré un sujet. Mais ces pressions judiciaires sont autant d’attaques au porte-monnaie. Et comme les bonnes fées du CAC40 ne se sont jamais penchées sur notre média, les questions d’argent nous valent quelques cheveux blancs. À la création de StreetPress en 2009, aucune banque ne veut soutenir le projet. Alors je fais croire à mon banquier que j’ai besoin d’un petit prêt pour refaire ma salle de bain. Crédit accepté ! L’aventure peut commencer.

    10 ans plus tard, on est bien là ! Pour l’occasion, on s’est fait beau. StreetPress sort une nouvelle version de son site et très bientôt une application pour smartphone. On veut fêter cet anniversaire avec vous, le 7 mai prochain, A la folie, dans le parc de la Villette (venez, ça va être lourd ! L’event Facebook est par ici).

    Depuis 10 ans, StreetPress est gratuit pour ses lecteurs et le restera… grâce à vous. Ceux qui le souhaitent (et qui ont un peu de sous, même si ce n’est pas beaucoup), pourront nous soutenir financièrement et ainsi devenir « supporter » de StreetPress. On vous explique bientôt.

    Ce texte, bien qu’écrit à la première personne, rassemble les expériences de toute l’équipe. Merci aux 70 lecteurs qui se sont connectés le premier jour, il y a 10 ans. Merci à tous ceux qui sont arrivés ensuite. On veut aussi profiter de cette occasion pour remercier les agences Upian et Révo, pour ce nouveau site qui déboite. Un big up tout particulier à Marceau et Thomas ( <3). Merci aussi aux copains de Kiblind, qui nous accompagnent dans cette campagne (et depuis longtemps). Nos avocats complètement badass, Valentine et Michaël. Et bien-sûr à tous ceux qui par leurs articles, photos et dessins ont contribué à faire vivre ce site.