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    23/01/2017

    Pourquoi nous ne commémorons pas la mort de l’Abbé Pierre

    Par Mal-logés en colère , Sarah Lefèvre

    10 ans après la mort de l’Abbé Pierre, médias et politiques rendent hommage à l’icône de la lutte contre le mal-logement. Pour le collectif Mal-logés en colère, les demandeurs de logement n’ont pas besoin de beaux discours mais d’actions concrètes.

    Demandeurs de logement en lutte, nous ne commémorons pas la mort de l’Abbé Pierre.

    Nous n’associons pas notre combat pour le respect des droits de tous à celui d’un homme qui a eu des sympathies négationnistes, notamment parce que nos mobilisations et celle de tous les mal-logés sont dénoncées et menacées par la fachosphère en permanence.

    Les politiques au taquet pour les hommages, pendant 24 heures

    Bien sûr les politiques qui bafouent le droit au logement tous les jours sont tous au taquet pour les hommages. Tous se bousculent pour déplorer 24 heures durant, une crise du logement qui n’a que trop duré.

    Nous sommes mal-logés et nous n’avons jamais rencontré la crise du logement. Le problème pour nous n’est pas de trouver des logements libres, l’offre ne manque pas. Le problème pour nous, pour des millions de gens, c’est de trouver des logements avec des loyers abordables.


    « Nous sommes mal-logés et nous n’avons jamais rencontré la crise du logement. L’offre de logements ne manque pas ! »

    Collectif Mal-logés en colère @mallogesencoler

    La seule crise existante est celle du coût effarant du logement. Si des gens meurent dans la rue, c’est que le logement est devenu un produit de luxe. Ce n’est pas seulement le problème des SDF, pas seulement le problème des « plus pauvres » ; c’est celui de tous les habitants de ce pays à qui on fait croire que consacrer la majeure partie de ses revenus à la satisfaction d’un besoin fondamental est une fatalité.

    Si on veut, on peut. Pour baisser le coût des loyers, il suffit d’une offre massive de logement social à loyers plafonnés. Ce n’est pas utopiste : cela a déjà été fait, en France, jusque dans les années 80, et ça ne coûterait pas plus cher qu’autre chose ; on a bien financé les entreprises à hauteur de 50 milliards d’euros pendant ce quinquennat.

    Sous prétexte de casser les ghettos, les politiques construisent des logements chers

    Au lieu de ça, on détruit le logement social : sous prétexte de « casser les ghettos », des centaines de milliers de HLM ont été démolis depuis le début des années 2000, et remplacés par des logements souvent beaucoup plus chers.

    Aujourd’hui, tous les bailleurs sociaux construisent en masse du « logement intermédiaire » : la SNI, premier bailleur public d’Etat a lancé un programme de dizaines de milliers d’appartements dont les loyers sont inférieurs d’à peine 15 % aux loyers du privé. Les nouveaux logements sociaux sont de plus en plus chers.

    A Paris, plus d’un tiers de la nouvelle production est en loyers PLS, inaccessibles à 80 % des demandeurs. Sur Loc’Annonces, le 4 pièces à 1.400 euros, quasiment un SMIC mensuel est courant.

    Les familles précaires sont les grandes oubliées

    Les commissions d’attribution pour les nouveaux HLM ressemblent de plus en plus aux sélections des agences immobilières, on y rejette les dossiers pour « insuffisance de revenus ».

    Récemment, dans notre collectif, une famille monoparentale en hébergement précaire a vu son dossier rejeté deux fois de suite, par des bailleurs de la Ville de Paris. L’un des appartements proposé puis refusé car le loyer était trop cher , était dans un de ces programmes « modèles » mis en valeur par Anne Hidalgo et Ian Brossat, pour illustrer la politique de « mixité sociale » dans le 16ème arrondissement.

    Où est la « mixité » sociale si les familles précaires se voient fermer la porte des logements sociaux ? Les politiques ont rarement à répondre à ces questions, parce qu’on ne leur pose pas. La problématique du logement est très peu abordée ou abordée avec misérabilisme. On parle de moins en moins de logement, et de plus en plus d’ « hébergement », comme si le maximum du respect des droits d’une partie de la population, c’était un lit temporaire.

    Le droit au logement, ce n’est pas juste l’hébergement d’urgence

    Mais le droit au logement n’est pas seulement le droit « à ne pas dormir dehors ». Et tant qu’il n’est pas respecté, des gens dorment et meurent dehors. L’augmentation du nombre de places d’ « hébergement » est un écran de fumée : il masque la baisse du nombre de logements accessibles aux précaires, aux chômeurs, à tous les salariés et retraités modestes.


    « L’augmentation du nombre de lits d’ “hébergement” est un écran de fumée : il masque la baisse du nombre de logements accessibles aux précaires »

    Collectif Mal-logés en colère @mallogesencoler

    La hausse des loyers du privé a détruit le « parc social de fait », et la destruction progressive du vrai logement social sous couvert de « diversification de l’offre » ou de « logement intermédiaire » accompagne et aggrave la pénurie.

    L’hébergement d’urgence est devenu le seul mode d’habitat accessible pour beaucoup qui y restent des années et des années. La situation s’aggrave, pas à cause d’une fatalité contre laquelle il n’y aurait que la charité, mais à cause de politiques combattues par les mal-logés en lutte depuis des années.

    Plutôt que de beaux hommages, construisez massivement du logement vraiment social

    Si un candidat à l’élection présidentielle voulait y faire quelque chose, il n’aurait qu’un engagement à prendre : répondre à la demande, c’est à dire produire massivement du logement vraiment social, à la hauteur des besoins. Tous ceux qui répondront que « ce n’est pas si simple », disent en fait « nous ne voulons pas nous donner les moyens de respecter un besoin fondamental ».

    Mais qu’ils ne demandent pas aux premiers concernés de se résigner. L’accès à un logement décent pour tous dans un pays riche est le minimum du possible.

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