J’ai commencé par une scolarité assez banale. En maternelle ça se passait plutôt bien, je faisais des choses qui plaisaient aux professeurs. C’est en CE1 que tout a changé. On a détecté chez moi des troubles de l’attention.
Je ne m’intéressais pas à ce qu’il y avait écrit sur le tableau mais je trouvais très amusant de voir que les taches de craie avaient la forme d’animaux. J’avais besoin de regarder par la fenêtre, d’imaginer la vie des gens, pourquoi ils étaient là, ce qu’ils faisaient…
Quand on a remarqué ça, je suis allé voir une psy avec qui j’ai pas mal discuté. Elle a vite voulu me faire passer un test de QI mais à cette époque je n’ai pas compris ce que c’était. Elle a ensuite fait venir mes parents pour leur annoncer que j’étais un enfant précoce. Suite à cela, on a mis en place une « solution » : faire en sorte que je sois organisé pour que je puisse rentrer dans le moule.
Au collège, j’ai commencé à me dévaloriser
Jusqu’en quatrième, j’ai continué ma scolarité dans des établissements classiques. Mais avec le collège vient les difficultés. Je faisais partie des derniers même si je m’en sortais toujours en mettant un coup de collier à la fin de chaque trimestre. Sur mes bulletins, il était écrit « n’est pas assez attentif, n’a pas assez travaillé, mais a des capacités ».
C’est stupide d’avoir des capacités, qu’est-ce que ça signifie ? Les capacités ça n’existe que dans Pokémon. Au final ce n’est pas avec des capacités non exploitées que tu vas avancer dans la vie.
Je me suis toujours vu comme quelqu’un de stupide. Quand t’es enfant tu évalues ta réussite et tu jauges ton intelligence en fonction de tes notes. Mais étrangement, tout le monde a pensé que mes mauvais résultats étaient dus à ma précocité.
Alors on m’a inscrit dans un établissement scolaire spécialisé, pour les enfants « surdoués ». J’ai intégré une troisième avancée, qui débordait sur le programme de seconde, dans un collège privé au Mans.
J’ai été réorienté dans un collège spécialisé
On a tendance à beaucoup parler des enfants surdoués qui réussissent bien à l’école. Dans ma classe on n’était que cinq à ne jamais avoir sauté de classe. Les cours étaient censés être adaptés à mes capacités, et on pensait qu’en accélérant le programme j’allais avoir de meilleures notes. Mais évidemment tous les enfants précoces ne sont pas des petits génies. De mon côté, ma « précocité » m’handicapait plus qu’elle ne m’aidait.
« Tous les enfants précoces ne sont pas des petits génies. De mon côté, ma précocité m’handicapait plus qu’elle ne m’aidait. »
Chakib
C’était assez particulier. J’ai eu des très bons profs très inspirants. Par exemple j’étais très mauvais en dictée, je me tapais des moins trente. Un jour un prof que j’aimais beaucoup m’a mis 12. Il m’a donné ma chance en me donnant une note au-dessus de la moyenne, en me montrant que c’était possible d’y arriver.
A côté de ça, il y avait forcément de « mauvais profs » qui encourageaient la course à l’excellence. Cette période je l’ai à la fois adorée et détestée. Ce n’était pas le bon choix niveau scolaire, j’ai redoublé. Mais ça m’a enrichi à un autre niveau. L’internat m’a appris à vivre en communauté.
Des lacunes au niveau relationnel
On a toujours tendance à trouver les gens surdoués très en avance alors que c’est souvent faux. On est vachement sensibles et plus affectés par tout ce qui se passe. J’ai découvert des gens en retard socialement pendant mon année en collège spécialisé, alors que moi je n’avais aucune difficulté de ce côté là. Ils étaient très bons, très techniques, très performants mais ils s’enfermaient dans la « réussite scolaire ».
Forcément quand t’es un enfant tu vois surtout les notes et comme ils avaient l’habitude d’être excellents ils s’attachaient à ça. Mais ils avaient des lacunes au niveau relationnel. Souvent très timides, ils restaient entre eux au fond de la cours à jouer aux cartes Magic. Pourtant je trouve que le vivre ensemble c’est ce qu’il y a de mieux, c’est ce qui te permet d’évoluer normalement.
Où j’en suis aujourd’hui
Les rencontres que j’ai faites dans différents milieux m’ont permis de m’épanouir, d’être ce que je suis maintenant. La famille aussi. Mon père a passé ses week-ends à me faire réviser. S’il ne m’avait pas poussé je sais que je ne serais pas en train de faire ce que j’aime. J’ai arrêté mon école de commerce pour aller dans une école de pâtisserie et ça se passe archi bien, j’aime beaucoup ce que je fais.
En fait être précoce ou surdoué ce n’est pas forcément avoir une intelligence supérieure, c’est juste une façon différente de penser. L’intelligence ça ne veut rien dire du tout. Je pense qu’il faut juste vivre sa vie tranquillement, s’enrichir, atteindre ses objectifs (si t’en as), sans te juger toi-même et avoir un minimum confiance en soi.
Propos recueillis par Céline LouaintierCet article est à prix libre. Pour continuer la lecture, vous pouvez faire un don.
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