« Avec le bouche à oreille, tout le monde savait ce que je faisais », raconte Claude Hermant aux enquêteurs qui l’interrogent sur la filière qui a fourni les armes de l’attentat contre l’Hyper Cacher [lire notre enquête ici]. S’il s’est fait une telle réputation de trafiquant d’armes, c’est qu’il aime raconter à qui veut l’écouter ses exploits passés.
C’est d’ailleurs un intime qui nous confie qu’en privé Hermant se vante d’avoir fourni des armes aux Croates pendant la guerre. Toujours avec l’aval de l’État français, dit-il. Pourtant, face aux policiers, il raconte seulement avoir été instructeur pendant le conflit, en parallèle de son engagement au DPS, le service d’ordre du Front national.
Son ami nous donne des détails. « Le pays était sous embargo. Pendant un an et demi, il remontait des armes », de la France jusqu’en Croatie, donc. Le nom de ses contacts sur place : le mercenaire belge Marty Cappiau et son supérieur, le colonel Bruno Zorica, alias Zoulou. Un ancien de la légion étrangère qui, en 1991, déserte pour rejoindre son pays natal engagé dans une guerre d’indépendance.
Une affaire tombée dans l’oubli
A la fin du conflit, en 1995, des armes font le trajet inverse, comme le révèle une enquête des journalistes Philippe Lobjois et Paul Moreira, tombée aux oubliettes car jamais mise en ligne. C’est aux archives nationales (BNF & INA) que nous pourrons exhumer l’article publié dans les colonnes de France Soir (1) et le reportage de Canal+ (2) qui racontent cette affaire.
Début 2001, la police croate, après une enquête menée en collaboration avec Interpol, démantèle un réseau qui arrose une partie du continent et plus particulièrement la France. Plusieurs dizaines de tonnes de matériel de guerre auraient transité par le territoire français pour une valeur comprise entre 5 et 10 millions de francs, racontent les deux journalistes. Les armes sont transportées dans des caches constitués dans des bas de caisse et des portières de voitures désossées puis remontées.
Le réseau Zoulou
(img) Crédit Clément Quintard
A la tête de ce réseau, le colonel, désormais retraité, Zoulou, interpellé le 22 janvier 2001. Quant à la filière française, elle est dirigée par Marty Cappiau. Le mercenaire belge est à la tête de la société ICSC, spécialisée dans l’import-export de matériel militaire, dont l’une des antennes est installée à Roubaix et salarie plusieurs membres ou proches du DPS du Nord.
Claude Hermant accuse Bernard Courcelle, le patron du DPS, de tremper dans l’affaire. Les deux hommes se détestent cordialement depuis l’opération congolaise voir notre enquête ici. Comme en 2002, l’ex-responsable de la sécurité de Le Pen, joint par StreetPress, retourne les accusations contre son ancien homme (3). Selon Courcelle, un peu avant le départ au Congo, Hermant aurait révélé son implication au cours d’une soirée arrosée. Face aux caméras de Canal+, un autre témoin, sous couvert d’anonymat, implique Hermant.
De son côté, Hermant reconnaît un unique voyage en Croatie pour acheminer deux véhicules à Bruno Zorica. Sur place, l’ex-officier aurait proposé des armes en guise de rémunération. Hermant, en 2002, assure avoir refusé. Selon une source proche, il aurait bien accepté ce paiement en nature. Des armes qu’il aurait récupérées par la suite et écoulées. Si ce trafic a bien été jugé en Croatie, la filière française, elle, n’a jamais été inquiétée. Et ce, alors que la police française a collaboré à l’enquête d’Interpol.
Retrouvez notre dossier consacré à l’affaire Claude Hermant
> Sur la piste d’Hermant, l’agent trouble qui a fourni les armes de l’attentat contre l’Hyper Cacher
> Skins, flics et self-défense : bienvenue à la Maison Flamande de Claude Hermant
> Hermant et le faux coup d’État au Congo
> Des dizaines de tonnes de matériel de guerre auraient transité par la France
(1) France Soir, lundi 14 janvier 2002
(2) 90 Minutes, Canal+, mardi 15 janvier 2002
(3) Bernard Courcelle ajoute que dès la fin des années 1990, les Renseignements généraux l’informent d’un possible trafic d’armes impliquant certains DPS. « J’ai mené ma petite enquête en interne. On m’a parlé du DPS du Nord, sans plus de précisions. J’ai donné l’info aux RG et informé Le Pen. » Interrogé par l’intermédiaire de son conseiller Lorrain De Saint Affrique, Jean-Marie Le Pen déclare ne pas avoir gardé de souvenir de cet épisode, sans pour autant contester la véracité des déclarations de Courcelle.
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