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    12/09/2017

    Insignes néo-nazies et fusils mitrailleurs pakistanais

    Quand « l’indic’ » Claude Hermant faisait tomber un trafic d’armes

    Par Mathieu Molard , Tomas Statius , Clément Quintard

    Hermant, pilier de l’extrême droite nordiste jugé pour avoir vendu les armes de l’attentat de l’Hypercacher, était aussi indic’ de la gendarmerie. StreetPress raconte comment il a balancé d’autres trafiquants d’armes issus de la galaxie nationaliste.

    Hasard du calendrier : c’est devant le tribunal où comparaît Claude Hermant, qu’était rendu ce mardi 12 septembre le verdict d’une affaire de trafic d’armes dans laquelle le golgoth du Nord a été indic’ pour le compte des gendarmes. C’est lui-même, en répondant aux questions du juge Marc Trévidic, qui a révélé son rôle dans l’affaire.

    Au centre de ce trafic d’armes où se croisent collectionneurs et voyous, on retrouve Karl A.. L’homme, proche de l’extrême droite radicale, est soupçonné d’être le grand ordonnateur du réseau. Il est le seul à se présenter devant le tribunal pour le délibéré. Au passage, celui qui arbore un sweat gris, serre la main à plusieurs prévenus du procès Hermant (lire notre enquête), qui se tient dans la même salle. StreetPress a pu consulter plusieurs pièces du dossier et raconte l’histoire.

    Le tuyau d’Hermant

    Au départ de l’histoire, il y a un « renseignement » livré aux gendarmes dont on sait désormais qu’il vient d’Hermant. En mars 2013, l’indic’ signale à la Brigade de Recherche de Lille l’existence de Karl A.. Selon l’ancien militaire, cet opérateur dans un labo vient de recevoir une grosse livraison de pistolets mitrailleurs suisses. Aux képis, Hermant dépeint un trafic de grande ampleur. « L’identification d’une dizaine d’acheteurs permettrait de conclure au caractère national du trafic », écrit le juge d’instruction dans son ordonnance de renvoi. A. aurait des contacts fournis en Europe de l’Est, des complices routiers chargés de ramener les armes et un réseau de maisons nourrices dans tout le nord de la France. Il gagnerait « entre 15.000 et 30.000 euros mensuels » grâce à la revente d’armes tant dans le milieu voyou que dans celui des collectionneurs.

    Mis sur écoute par les gendarmes, l’homme utilise un langage codé quand il parle d’armes dont la détention est interdite évoquant des ventes de « CD », de « Tom Sawyer », de « MacDo » ou de « livre ». Rapidement, lui et 3 autres personnes sont interpellées par la brigade de recherche.

    « Collectionneurs »

    Devant les gendarmes, la défense des prévenus est toute trouvée. Ils sont tous « collectionneurs ». « Je suis un passionné et je me suis peut-être laissé emporter », déclarait ainsi l’un des prévenus, Christian R., lors d’une audition. À leur domicile respectif, les enquêteurs tombent sur un arsenal affolant : 179 armes et des munitions. Les armes viennent de Slovaquie, de Slovénie ou d’Ukraine, indique la Voix du Nord. Les 4 prévenus se les procuraient en France, en Belgique ou au Luxembourg. Parmi elles, des armes non déclarées, dont plusieurs fusils-mitrailleurs. « Lorsque vous évoluez dans le monde des collectionneurs, vous perdez un peu de vue toutes ces questions », se justifie un autre prévenu, Francis H., lors d’une audition. Certaines d’entre elles seront saisies par les enquêteurs et ne seront pas restituées, indique une source judiciaire à StreetPress.

    Les pièces maîtresses de cette collection ? Un SMK PK 10, une arme pakistanaise « modifiée pour tirer en rafale » et un MP40, un pistolet-mitrailleur utilisé par la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale.

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    / Crédits : DR

    Au domicile de Karl A., les enquêteurs font une autre découverte : des « objets à caractère néo-nazi ». L’homme s’en est fait une spécialité, indique même sa femme.

    Trafic

    Les magistrats instructeurs émettent néanmoins des réserves quant à cette version des faits qu’il trouvent édulcorée. « Les mis en examen reconnaissent leur implication tout en minimisant l’ampleur de ce trafic illégal, se qualifiant de collectionneurs », écrit la juge Culioli dans son ordonnance de renvoi :

    « Les mis en examen reconnaissent par ailleurs avoir acheté, vendu et échangé des armes entre eux ou à d’autres individus non identifiés. »

    Interrogée, l’ex-compagne de Benoit F., le dernier des 4 prévenus, explique par exemple que ce dernier avait pour projet d’importer des kalachnikovs « pour répondre à la demande des cités ». Son associé ? Un dénommé « Karl ». Budget de l’opération selon elle : 373.000 euros. Ces déclarations sont fermement contestées par Benoit F.. Autre point litigieux du dossier, l’implication d’un salarié du service d’achat des forces armées belges, soupçonnées de participer à cette tambouille.

    Karl A. est finalement condamné, comme Francis H. et Christian R. à 12 mois de sursis, 1.500 euros d’amende et une interdiction de 5 ans de posséder des armes. Quant à Benoit F., il écope de 12 mois ferme, 20.000 euros et une interdiction de 5 ans de détention d’armes soumises à autorisation. Les armes, c’est son péché mignon : il avait déjà été condamné quelques mois plus tôt pour les mêmes raisons.

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