La tuerie qui s’est déroulée à Toronto lundi 23 avril n’est pas une simple « attaque », comme le titrent de nombreux médias français. Il s’agit d’un acte de terrorisme masculiniste. Alek Minassian, étudiant de 25 ans, a tué dix personnes après avoir écrit un post sur Facebook revendiquant son acte au nom des Incels, une nébuleuse dématérialisée qui échange principalement sur des forums. Son post sur Facebook est sans ambiguïté : extrémiste et il indique clairement une intention politique. Dans cette publication quasi militaire – il a brièvement été dans l’armée et fait référence à son matricule C23249161- il précise son objectif : renverser celles et ceux qui, disent-ils, les oppriment.
Les Incels portent une véritable idéologie politique qui s’inscrit dans la mouvance plus large du masculinisme, un militantisme réactionnaire contre l’avancée des droits des femmes dans la société. Les Incels perçoivent leur célibat comme une injustice et renvoient la faute sur les femmes qui se refusent à eux. Ils prônent un soulèvement visant à imposer une égale distribution des femmes aux hommes.
Dans son post Facebook, Alek Minassian fait également référence à Elliot Rodger qui est devenu une icône au sein de certains groupes masculinistes. En 2014, cet étudiant de 22 ans a tué six personnes à Santa Barbara au nom de cette idéologie. Il déclarait ainsi avant de passer à l’acte : « Vous les femmes n’êtes pas attirées par moi, mais je vais toutes vous punir pour cela. Je vais prendre beaucoup de plaisir à toutes vous massacrer. Vous allez enfin voir que je suis en vérité celui qui est supérieur, le vrai mâle alpha. » En Floride cette année, un autre attentat masculiniste commis par Nikolas Cruz a fait 19 morts. Trois attentats en quelques années : le terrorisme masculiniste est une réalité.
Une guerre contre les droits des femmes
Dans un premier temps, l’attentat de Toronto a été présenté comme un acte de terrorisme « classique » avec une forte couverture journalistique. Lorsqu’ont été découvertes les revendications masculinistes d’Alek Minassian, son acte a perdu de l’importance pour les médias français. Ceci s’inscrit à mon avis dans le phénomène plus large qu’est le traitement fait par les médias des violences machistes (violences conjugales, féminicides, etc), violences qui sont systématiquement minimisées, car perçues comme plus « légitimes » (ou dans « l’ordre naturel des choses » ) – ceci vaut aussi pour le terrorisme d’extrême droite.
Si des avancées en matière d’égalité femmes/hommes sont notées, celles-ci subissent aussi des reculs depuis les années 70, notamment avec l’émergence de groupes militants qui défendent les privilèges des hommes. C’est une guerre « hybride » menée à l’encontre des droits des femmes. C’est pourquoi nous devons considérer l’attentat de Toronto comme un acte de terrorisme, qui s’appuie sur une idéologie politique : le masculinisme. Arrêtons de parler d’une simple attaque commise par une personne inadaptée socialement.
Propos recueillis par Nina Guérineau de Lamérie
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