En ce moment

    25/04/2018

    L’attentat de Toronto, c'est du terrorisme masculiniste

    Par Stéphanie Lamy

    Un homme au volant d'une camionnette a foncé sur la foule dans une artère passante de Toronto lundi 23 avril. Pour Stephanie Lamy, militante féministe et spécialiste de la guerre de l'information, cette tuerie est un acte terroriste masculiniste.

    La tuerie qui s’est déroulée à Toronto lundi 23 avril n’est pas une simple « attaque », comme le titrent de nombreux médias français. Il s’agit d’un acte de terrorisme masculiniste. Alek Minassian, étudiant de 25 ans, a tué dix personnes après avoir écrit un post sur Facebook revendiquant son acte au nom des Incels, une nébuleuse dématérialisée qui échange principalement sur des forums. Son post sur Facebook est sans ambiguïté : extrémiste et il indique clairement une intention politique. Dans cette publication quasi militaire – il a brièvement été dans l’armée et fait référence à son matricule C23249161- il précise son objectif : renverser celles et ceux qui, disent-ils, les oppriment.

    Les Incels portent une véritable idéologie politique qui s’inscrit dans la mouvance plus large du masculinisme, un militantisme réactionnaire contre l’avancée des droits des femmes dans la société. Les Incels perçoivent leur célibat comme une injustice et renvoient la faute sur les femmes qui se refusent à eux. Ils prônent un soulèvement visant à imposer une égale distribution des femmes aux hommes.

    Dans son post Facebook, Alek Minassian fait également référence à Elliot Rodger qui est devenu une icône au sein de certains groupes masculinistes. En 2014, cet étudiant de 22 ans a tué six personnes à Santa Barbara au nom de cette idéologie. Il déclarait ainsi avant de passer à l’acte : « Vous les femmes n’êtes pas attirées par moi, mais je vais toutes vous punir pour cela. Je vais prendre beaucoup de plaisir à toutes vous massacrer. Vous allez enfin voir que je suis en vérité celui qui est supérieur, le vrai mâle alpha. » En Floride cette année, un autre attentat masculiniste commis par Nikolas Cruz a fait 19 morts. Trois attentats en quelques années : le terrorisme masculiniste est une réalité.

    Une guerre contre les droits des femmes

    Dans un premier temps, l’attentat de Toronto a été présenté comme un acte de terrorisme « classique » avec une forte couverture journalistique. Lorsqu’ont été découvertes les revendications masculinistes d’Alek Minassian, son acte a perdu de l’importance pour les médias français. Ceci s’inscrit à mon avis dans le phénomène plus large qu’est le traitement fait par les médias des violences machistes (violences conjugales, féminicides, etc), violences qui sont systématiquement minimisées, car perçues comme plus « légitimes » (ou dans « l’ordre naturel des choses » ) – ceci vaut aussi pour le terrorisme d’extrême droite.

    Si des avancées en matière d’égalité femmes/hommes sont notées, celles-ci subissent aussi des reculs depuis les années 70, notamment avec l’émergence de groupes militants qui défendent les privilèges des hommes. C’est une guerre « hybride » menée à l’encontre des droits des femmes. C’est pourquoi nous devons considérer l’attentat de Toronto comme un acte de terrorisme, qui s’appuie sur une idéologie politique : le masculinisme. Arrêtons de parler d’une simple attaque commise par une personne inadaptée socialement.

    Propos recueillis par Nina Guérineau de Lamérie

    Pour continuer le combat contre l’extrême droite, on a besoin de vous

    Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.

    StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.

    Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.

    Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.

    Je fais un don mensuel à StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER