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    16/03/2010

    Critique livre: Flaubert à 20 ans, de Louis-Paul Astraud

    Par Benjamin Gans

    La collection « A 20 ans » a pour ambition de raconter les grands auteurs de littérature française au crépuscule de leur adolescence. Louis-Paul Astraud croque Gustave Flaubert dans cette biographie intitulée Flaubert à 20 ans.

    Un éclairage nouveau sur la genèse de l’œuvre de l’auteur

    Il y a, dans cette nouvelle collection qui s’est donnée pour mission de nous éclairer sur la jeunesse des grands auteurs, une ambition très louable, presque démesurée. Il s’agit de nous offrir un éclairage nouveau sur la genèse des grandes œuvres à la lumière de la jeunesse de leurs auteurs.

    En parcourant l’ouvrage consacré à Flaubert, je repense alors à ce qu’écrivait Albert Camus dans l’introduction de L’envers et l’endroit « une œuvre d’homme n’est rien d’autre que ce long cheminement pour retrouver par les détours de l’art les deux ou trois images simples et grandes sur lesquelles le cœur, une première fois, s’est ouvert. » Aussi, le lecteur sera très curieux de découvrir quelles sont les « images simples » qui seront à l’origine de l’œuvre de Gustave Flaubert, ce vieux garçon.

    Une enquête bien documenté mais qui ne nous apprend pas si Gustave était gay

    Comme beaucoup, j’ai lu Madame Bovary et l’Education sentimentale au lycée et au collège. Il me reste de cette littérature une impression très étrange, comme une image de lenteur, d’amertume, d’amour à la fois transis et déçu. Aussi, j’ai abordé «Gustave Flaubert à 20 ans » avec l’espoir de trouver une réponse à ces particularismes.

    Soutenu par une prose solide, cette enquête bien documentée de Louis-Paul Astraud réussit son pari mais se heurte aux limites d’une tâche aussi gigantesque. D’abord, il est difficile de cerner le vrai du faux quand on se base principalement sur la correspondance de Flaubert. On peut s’interroger, et l’auteur ne le cache pas, sur la crédibilité des propos tenus par un romancier. Ainsi doit-on croire Flaubert quand il nous raconte sa première aventure sexuelle ? Peut-on savoir, d’après sa correspondance intense avec son ami Maxime Du Camp, s’il entretenait avec lui une relation plus qu’amicale ? Impossible de trancher et là n’est pas de toute façon l’objet de cet ouvrage.

    Le jeune homme charmant et l’écrivain agaçant

    Dans l’approche de Louis-Paul Astraud , il y a surtout un vrai désir de montrer que le jeune Gustave Flaubert n’a rien à voir avec le portrait austère de l’écrivain au crâne presque dégarni et à l’embonpoint que nous nous figurons. Et, c’est vrai qu’il est assez émouvant de découvrir un adolescent différent de cette image jaunie.

    Mais on réalise tout de même que ce jeune Gustave porte déjà en lui les germes d’un certain cynisme et d’une vraie noirceur. L’auteur nous montre bien que dès ses jeunes années, deux Flaubert cohabitent dans le même corps avant que l’un ne prenne le dessus sur l’autre. Il y avait Gustave : beau jeune homme, audacieux, voyageur, charmeur et insolent. Il y aura plus tard Flaubert, l’écrivain besogneux et lent, agaçant, solitaire et froid. Et comme trait d’union entre ces deux âges, un immense talent.

    Une friandise pour les amoureux de Flaubert

    La reconstitution historique de ces jeunes années est suffisamment bien évoquée à la fois pour nous émouvoir et nous réconcilier avec un écrivain qui ne cherchait pas à s’attirer la gloire ou la sympathie. Aussi, ces 142 pages se lisent assez vite car l’auteur a réussi une construction littéraire où il a su insérer les bonnes citations de la correspondance de Flaubert dans un storytelling efficace.

    Mais elles ne seront qu’un simple apéritif pour celui qui veut vraiment saisir son œuvre. Le lecteur sera sûrement content d’identifier les personnalités qui inspireront Emma Bovary ou Madame Arnoux. Il prendra plus de plaisir à suivre pas à pas le jeune Gustave dans les méandres du destin qui l’ont conduit jusqu’à ses premières œuvres. Et aussi à relire ses romans.

    Flaubert à 20 ans de Louis-Paul Astraud, Au Diable Vauvert

    Prix par page: 0,67 centimes
    Temps pris pour aller à la page 168: 3 heures dans mon lit avant de m’endormir
    A qui l’offrir : A ton cousin qui étudie Flaubert et le trouve chiant.
    Satisfaction: 3.5/5

    On a aimé: Le concept
    On a pas aimé: Les allers-retours dans la chronologie

    La citation: Louis-Paul Astraud cite Flaubert qui, à la peur de devenir père un jour, s’écria « Moi, un fils ! Oh non non, plutôt crever dans un ruisseau écrasé par un omnibus ».

    Source: Benjamin Gans / StreetPresss

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