En ce moment

    01/05/2010

    39 ans après sa sortie aux Etats-Unis, la réédition en Français du livre d’Edgar Hilsenrath

    Critique livre : Le Nazi et le Barbier, d'Edgar Hilsenrath

    Par Johan Weisz

    Un roman juif sur la catastrophe juive de la Shoah et l'adhésion de la population au processus génocidaire. Un humour juif qui choque le bourgeois. L'histoire d'un SS qui à la chute du Reich va se cacher en Israël pour fuir la dénazifica

    Alors voilà, c’est l’histoire d’un SS qui se fait violer par un pédophile lorsqu’il a 7 semaines :

    Moi, Max Schulz, futur massacreur mais pour l’heure innocent, je poussai un cri déchirant, me cabrai, m’agrippai à la laine de bois du fauteuil éventré, relevai ma petite tête devenue toute rouge, pissai une nouvelle fois sans faire exprès, voulus aussi péter. Impossible, orifice obstrué.

    Raconté parfois à la première personne sur le mode du journal intime, et parfois pas, le récit Le Nazi et le Barbier est écrit sur un ton très cru et très second degré. Il faut savoir encaisser et se délecter. C’est donc l’histoire de Max Schulz, fils-bâtard-d’une-pute-qui-loge-dans-une-cave-avec-un-coiffeur-pédophile-à-la-bite-si-longue-qu’il-la-fixait-à-la-cuisse-avec-un-élastique et futur SS, qui avec son nez crochu et ses yeux de grenouilles est le portrait craché du juif des caricatures antisémites des années 1930.

    Baise glauque et dents en or de déportés

    Le personnage de Max Schulz qui naît sous la plume d’ Edgar Hilsenrath en 1971 et réédité en Français par les éditions Attila dans une brillante traduction renvoie le Max Aue de Littell (Les Bienveillantes, 2006) dans les choux. Hilsenrath, né en 1926, survivant d’un ghetto ukrainien, décortique le nazisme de la vie quotidienne. Il peint un héros génocidaire démerdard simplet qui vit de baise glauque et de dents en or tombées du camion de SS qui fuient un camp de la mort devant l’avancée des chars russes.

    Un récit et beaucoup de questions

    Notre nazi à la gueule de youpin ne trouvera au sortir de la guerre qu’une solution pour échapper à la dénazification : se faire tatouer un numéro d’Auschwitz sur le bras et endosser l’identité du Juif aux côtés duquel il a partagé son enfance – sans risque d’être démasqué, puisqu’il a participé à l’assassinat de toute sa famille dans un camp polonais. La suite de l’histoire est tout aussi habile avec un Edgar Hilsenrath qui embrasse les paradigmes de l’Etat d’Israël naissant : le sionisme versus l’Angleterre et les guerres de libération, le judaïsme culturel et la religion après Auschwitz, les rescapés de la Shoah et l’Allemagne philosémite, qui se conclut dans le dernier chapitre par une pirouette… divine.

    Pour Hilsenrath

    Le Nazi et le Barbier peut choquer mais l’humour juif d’Hilsenrath doit être célébré. A contrario, les traitements du nazisme et de la persécution dans des histoires à l’eau de rose (on peut penser au dernier Guédiguian, L’armée du crime) écœurent et ne permettent de tirer aucune leçon. Ignorer le texte d’Hilsenrath (qui s’était déplacé au dernier Salon du livre de Paris, malgré ses 84 ans) ou le condamner pour son obscénité, c’est refuser de s’interroger sur une Allemagne qui est passée de la posture du Max Schulz génocidaire pépère à sa nouvelle incarnation sioniste et philosémite d’après guerre. Comme pour refuser de creuser là où on pourrait trouver des choses pas belles. Une posture qui peut s’entendre après le trauma de la Shoah. Mais 65 ans après la chute du Reich, force est de constater que le roman d’Hilsenrath est so… 2010.

    Le Nazi et le Barbier, d’Edgar Hilsenrath, aux éditions Attila

    Prix par page: 4,6 centimes
    Lu jusqu’à: la page 512 sur 512
    A qui l’offrir: A ton pote Jojo, petit fils de déporté qui adore faire des blagues sur la Shoah mais se retient (et continuera à se retenir) devant ses amis non juifs
    Où le lire: Au café, dans ton rade préféré
    Satisfaction: 5/5

    La citation: « Moi Max Schulz, fils aryen pure souche de Mina Schulz, j’ai appris le yiddish chez les Finkelstein »

    Source: Johan Weisz | StreetPress’

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER