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    27/11/2012

    Emmanuel Fansten, journaliste d'investigation, sort Les Nouveaux Barbouzes : Enquête sur la privatisation de l'espionnage

    « Les méthodes traditionnelles de l'espionnage sont appliquées au milieu de l'entreprise »

    Par Robin D'Angelo

    Invité des 10 dernières minutes de la matinale politique de StreetPress sur Radio Campus, Emmanuel Fansten présente sa dernière enquête sur l'intelligence économique. Où l'on apprend la grille des tarifs pour corrompre un policier.

    Le résumé de l’interview en vidéo

    J’étais sans doute très naïf, mais avant de lire votre livre, je croyais que la sécurité pour une entreprise c’était embaucher des gardiens de nuit. Là, j’apprends que Canal + emploie un hacker vedette, un ancien du service « Courses et Jeux » des RG et que la chaîne dispose en fait d’une petite agence d’espionnage…

    Je ne dénonce pas l’intelligence économique. En soi l’intelligence économique n’est pas illégale, c’est même une matière plutôt noble qui consiste pour une entreprise à trouver des infos disponibles sur un concurrent. Ce qu’il est vrai c’est que certains cabinets d’intelligence économique ont recours à des officines un peu plus troubles avec des méthodes « borderlines », voire parfaitement illégales.

    Dans le cas de Canal +, l’inspecteur des RG dont vous parlez, c’est Gilles Kaelhin, qui est arrivé au départ pour lutter contre le piratage des décodeurs, qui était à la fin des années 1990 un véritable problème pour la chaîne. Après avoir mis en place une cellule informatique pour lutter contre les pirates et éventuellement porter plainte, il a mis Canal sous coupe réglée. Il a commencé à espionner certains salariés. Evidemment, il y a l’affaire de l’espionnage de Bruno Gaccio qui a été une sorte de cristallisation de toutes les méthodes employées à l’époque par Canal +. Et qui a été jugée.

    C’est fréquent que les cabinets d’intelligence économiques enfreignent la loi ?

    Non, mais ça arrive de déraper. On a souvent coutume de dire que sur un individu ou sur une entreprise, il y a 90 % de l’information qui est disponible de façon légale, à partir de sources ouvertes – Internet et la presse principalement, et que les 10 % restant, ce qu’on appelle « la zone grise », nécessite des méthodes illégales. En l’occurrence, ce sont ces 10 % qui intéressent bien souvent les entreprises, et certaines entreprises sont prêtes à franchir la ligne jaune pour obtenir ces infos.

    La ligne jaune, c’est la corruption, au cœur de ce système que vous dénoncez. Quelle est la grille des tarifs pour obtenir des informations d’un policier ?

    Je cite l’exemple d’un commissaire qui s’appelle Patrick Moigne, qui va être jugé en janvier prochain. Il a été révoqué de la police, c’était un gros, un des patrons de la PJ parisienne. Et lui s’est mis à revendre des informations tirées des fichiers protégés de l’État à des officines privées, ce qu’on appelle « la tricoche » dans le jargon. Il avait une grille de tarif : c’était 30 euros pour une consultation du Stic – les antécédents judiciaires, et ça pouvait monter à 1.000 euros pour des consultations bancaires. Après c’est comme la drogue, ce n’est pas des tarifs fixes : ça dépend des quartiers, ça dépend des services !

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