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    21/10/2013

    « Ici, on a utilisé pas mal de poubelles »

    Cinq conseils pour bloquer un lycée

    Par Pauline De Deus

    Ce jeudi matin à Paris, plusieurs lycées étaient bloqués. Les élèves sont arrivés les premiers pour fermer les entrées et mobiliser leurs camarades contre les expulsions. Mais pour réussir un blocage, certaines techniques sont indispensables...

    À Paris, plusieurs milliers de lycéens étaient mobilisés ce jeudi pour protester contre l’expulsion de deux élèves scolarisés en France. Au menu, une manifestation place de la Nation mais surtout des établissements bloqués. 4 lycées ont dû fermer leurs portes jeudi matin sous la pression des élèves. lls nous ont livré quelques astuces pour réussir un blocage.

    1 Venir tôt

    « Déjà, il faut venir très tôt le matin, nous on était là à 5h30 », explique Ouriel, accoudé à une barricade devant le lycée Charlemagne. « En seconde, on avait essayé de faire un blocage, mais ça n’avait pas totalement marché… », continue son ami Joseph. « On était arrivé à plus de six heures et le personnel de service était déjà rentré pour commencer à travailler. »

    Après c’est à vous de jouer, en utilisant tout ce qui vous passe sous la main pour monter votre barricade. « Ici, on a utilisé pas mal de poubelles, on a mis ça devant les portes pour tout bloquer », confient les jeunes hommes en regardant fièrement leur barricade.

    2 Communiquer… mais en étant discret

    Comme pour toute bonne manifestation, un minimum d’organisation est nécessaire : Assemblée générale, appel à la mobilisation de la part des syndicats, réunions… « Il faut bien se préparer et avoir une équipe solide », assure le syndicat étudiant, Fidl. Chacun s’arrange comme il veut mais attention à rester discret. Les lycéens expliquent :

    « Le risque c’est qu’on nous empêche le blocage avant même qu’il ne commence »

    Pour une fois, on bannit les réseaux sociaux et tout se passe par bouche-à-oreille à base de textos et de discussions entre deux cours. Et quand les leaders sont en dernière année, ça marche à coup sûr. « Si le blocage a fonctionné à Charlemagne, cette fois-ci, c’est aussi parce que ce sont les terminales qui l’ont organisé », affirme Joseph. « On est les grands ici et les autres classes nous font confiances ! »

    En seconde on avait essayé de faire un blocage, mais ça n’avait pas totalement marché…

    3 Ne pas provoquer la police

    Aux abords de Charlemagne, pas de cri, ni de casse. Comme le conseille toujours la Fidl, le blocage se déroule dans le calme. Le syndicat lycéen assure que la préfecture et le rectorat « s’engagent » à ne pas charger les manifestants, tant que tout se passe dans le calme. Un peu plus loin devant le lycée, la police observe, mais n’intervient pas. Ou plutôt, n’intervient plus. « Ce matin, les flics sont venus nous gazer… Mais quand BFM est arrivé on ne les a plus revus ! », s’amuse Ouriel. « Maintenant ils nous surveillent, mais ça c’est normal, ça ne pose pas de problème. »

    Et quand les forces de l’ordre interviennent dans un blocage comment réagir ? « Soit les élèves se font embarquer parce qu’ils ont un peu trop ouvert la bouche, soit ils vont boire un café en attendant que ça passe… », explique-t-on du côté du syndicat lycéen.

    4 Compter sur la clémence des établissements

    À Hélène Boucher, Nathan, élève de seconde, assure que l’établissement ne pourra pas comptabiliser toutes les absences. « Il y en a tellement que ça ferait buger le système ». A deux pas, au lycée Ravel, la situation semble être quelque peu différente. « Les absences sont comptées, affirme une lycéenne, mais après ça dépend des profs. Certains ne vont pas faire l’appel. »

    Dans la plupart des lycées, le blocage s’est terminé en fin de matinée. Les élèves chargés de garder les portes s’étaient envolés à la manif avec leurs copains et les professeurs ont pu reprendre leurs cours… sauf à Charlemagne. À midi une dizaine de personnes étaient encore assises sur les poubelles en dégustant leur sandwich. « Les cours ont été banalisés pour la journée, expliquent-ils. Ce n’est pas qu’on soit spécialement soutenu, mais ils n’ont pas eu le choix ! »

    Les flics sont venus nous gazer… Mais quand BFM est arrivé on ne les a plus revus !

    5 Et après ?

    Légalement, les lycéens n’ont pas le droit de bloquer leur établissement. C’est une entrave à la libre circulation. « C’est la forme la plus violente dont on dispose pour se mobiliser. Mais il faut savoir qu’en général les blocages sont plutôt symboliques. Si certaines personnes veulent rentrer, elles le peuvent, nuance la Fidl. Et puis, dans un cas comme hier, ça fait plusieurs mois qu’on interpelle le ministre de l’Intérieur sur cette question. »

    Mais qu’il soit légitime ou non, le blocage peut-être réprimandé. « C’est rarement la totalité des lycéens qui sont sanctionnés », explique l’union nationale lycéenne (UNL). Les meneurs eux, sont parfois pris pour cible à base d’heures de colle et d’avertissement en conseil de discipline… Il y aurait même des sanctions arbitraires d’après la Fidl:

    « Le proviseur peut choisir de mener la vie dure aux jeunes qui ont organisé le blocage. Ça existe et c’est intolérable ! »

    Pour éviter toutes ces complications certains ont leur technique. A Ravel par exemple, « on avait prévenu la proviseur, affirme Maryline, élève en terminale. Finalement elle a toléré et ça n’a pas posé de problème. » Et même dans les autres lycées bloqués, peu de risques de sanctions, assure l’UNL « on a une écoute favorable pour ce sujet… Et puis, c’est la veille des vacances ! »

    bqhidden. Ca fait plusieurs mois qu’on interpelle le ministre de l’Intérieur sur cette question.

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