En mars 2016 dernier, au micro de Bourdin, Laurence Rossignol compare les femmes qui portent le voile aux « nègres américains qui étaient pour l’esclavage ».
« Je me suis sentie attaquée. J’étais triplement touchée en tant que femme, noire et musulmane portant le foulard » explique Ndella Paye, militante afroféministe et anti-raciste. Elle lui répond dans une lettre ouverte intitulée « La négresse musulmane et voilée que je suis vous emmerde ».
Elle y explique qu’« aucun-e noir-e ne pouvait être pour ces crimes contre l’humanité ». Avant de conclure en citant Kery James :
« C’est vous qui avez décidé de mêler votre histoire à la nôtre. Nous devons vivre ou mourir ensemble ».
Les islamophobes de Riposte Laïque crient au scandale. Pas d’état d’âme pour Ndella :
« Quand ces gens m’attaquent je me dis que je suis sur la bonne voie et qu’en fait, ils ont peur. »
En France, elle est présentée comme l’une des figures de l’afroféminisme. Récemment, elle apparaît dans le film d’Amandine Gay, Ouvrir la Voix.
Militante depuis 2004
En terrasse d’un café parisien, Ndella Paye revient sur son parcours. C’est en 2004, avec la promulgation d’une loi qui interdit le voile à l’école que Ndella commence à militer :
« Pour moi c’était inadmissible de voir des filles se faire exclure de l’école. Au contraire, si on veut les libérer, il faut les laisser étudier ».
Dans la foulée, Ndella participe à la création du Collectif des Féministes Pour l’Egalité qu’elle quitte en 2012 suite à une violente altercation avec le mari d’une membre du collectif. Un an plus tôt, avec d’autres mères voilées exclues de sorties scolaires, Ndella crée le collectif Mamans Toutes Egales.
Femme, noire, musulmane et portant le voile…. Pas facile pourtant pour Ndella de trouver sa place dans le spectre féministe. D’abord engagée dans des mouvements mixtes, elle ne s’y retrouve pas :
« Des blancs viennent nous expliquer ce qu’est le féminisme. Mais les discriminations que subissent les femmes blanches ne sont pas les mêmes que celles que je subis. »
Les tensions se cristallisent également sur la question du voile. Ndella s’en agace. « On nous sort toujours la même rengaine: “Le voile c’est une soumission…” On se permet de t’interroger sur tes choix vestimentaires. Moi je n’interroge pas leurs vêtements. »
Aujourd’hui, Ndella milite aussi bien dans des espaces mixtes que non-mixtes. Elle justifie sa participation au camp d’été décolonial en août dernier :
« Nous qui subissons le racisme et les discriminations, nous avons besoin de ces espaces pour nous renforcer et avoir de la force dans les espaces mixtes ».

Sage comme une image / Crédits : Claire Corrion
Afroféminisme
Ndella est de toutes les luttes. Mais l’afroféminisme reste son combat le plus personnel :
« J’ai 3 filles noires. Il faut veiller à leur éducation, leur donner confiance en elles, leur expliquer que la peau noire et les cheveux afro sont jolis ».
Si elle admire Thomas Sankara, père de la révolution burkinabé ou Angela Davis, féministe intersectionnelle, son premier modèle reste sa mère. Infirmière, syndicaliste, elle s’est battue pour prendre la pilule malgré le désaccord de son mari :
« Je l’ai vu se battre, divorcer de mon père, reprendre des études, passer un concours, s’en sortir tout en galérant. »
Avec ses lunettes sur le nez, Ndella passerait presque pour une étudiante. Il y a quelques années elle a repris des études en arabe et en théologie musulmane pour se détacher des interprétation masculines du Coran :
« Ça m’a donné encore plus d’indépendance et de liberté ».
Dans le temps proche de l’association confessionnelle Participation et Spiritualité Musulmane (PSM), Ndella a depuis pris ses distances. La jeune femme était notamment en désaccord des prises de positions de l’organisation contre le mariage pour tous :
« Jamais, je ne m’opposerais aux droits des minorités ».
London Calling
Aujourd’hui, Ndella vit seule à Londres. Après avoir demandé le divorce, elle a laissé la garde de ses enfants à son ancien conjoint. « Je les ai élevés quand ils étaient petits. J’estimais que c’était à leur père de prendre le relais ». Cette décision n’a pas été un choix facile :
« On me l’a reproché. Comme si les femmes étaient nées avec l’habilité à s’occuper d’enfants, faire à manger, gérer une maison…»
Cigarette à la main et sourire aux lèvres, Ndella raconte ses journées londoniennes. Là-bas, elle prend des cours d’anglais et bosse comme auxiliaire de vie :
« La personne qui nous formait était voilée, un truc impossible en France »
Mais Ndella ne délaisse pas son activité militante. Au côté de Stand Up To Racism, une ONG britannique, elle défend les réfugiés tout en continuant d’intervenir sur le thème de l’islamophobie lors de conférences :
« Quand on est racisé et qu’on en est conscient, on est obligé d’être militant. Notre vie est résistance ».

Ndella, poing levé, lors d'un meeting de Stand Up To Racism en Angleterre / Crédits : DR
Candidate aux législatives pour les verts
Et si Ndella débarquait à l’Hémicycle ? Pas impossible. Il y a quelques mois, des militants d’Europe Ecologie Les Verts l’ont convaincu de déposer sa candidature en interne pour les législatives :
« Je ne sais pas si ma candidature va être retenue. Ce qui m’intéresse c’est de permettre le débat en interne. »
Non encartée, Ndella tient à sa liberté de parole. A propos de la montée du FN, la jeune femme finit par lâcher :
« Quand le FN sera là, ça va être pire. Mais nous on n’a pas peur du pire, ce qu’on vit est tellement horrible. Peut-être que cela créera un soulèvement. Moi je n’attends plus qu’une chose, que ça pète ».
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