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    12/03/2012

    Dans la ville du 93 où le maire flippe d’ une « présence de plus en plus conquérante des musulmans »

    A Montfermeil : « Dès que j'entends le mot halal, je zappe »

    Par Elodie Font

    Sur StreetPress, les habitants de Montfermeil (93), habitués des boucheries halal, se moquent de la polémique nationale. « Dites à Sarkozy qu'on veut surtout savoir comment on se la paie, la viande. »

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    Montfermeil (93) – C’est une des villes qui, d’apparence, pourrait donner raison au président-candidat Nicolas Sarkozy. Une ville où le halal pourrait être, si ce n’est une réelle préoccupation, au moins un sujet de conversation. Montfermeil, au cœur de la Seine Saint-Denis, collé à Clichy-sous-Bois. 25.000 habitants, dont les deux tiers sont soit étrangers, soit Français mais « sans ascendance française » pour reprendre l’expression du maire, Xavier Lemoine, connu pour ses envolées sur l’islam. Parmi eux, des milliers de musulmans pratiquants. Alors, le halal, vrai sujet de société ou manœuvre politique ?

    Café rapido 10h du mat’, le bus s’arrête dans une des rues principales de Montfermeil. Besoin de café pour se réveiller. Au comptoir d’un bar, une quinzaine d’hommes, le regard concentré sur une télé qui diffuse en boucle les résultats du Rapido. A ce moment précis, rien ne les intéresse davantage que d’essayer gagner plusieurs centaines d’euros en jouant leurs chiffres fétiches. Deux d’entre eux s’accordent une pause cigarette. « Franchement, le halal, on s’en fout. On vit tous ensemble ici. Des rebeu, des renoi, des feujs, c’est quoi le problème ? » souffle Nassim. Kader, au chômage, enchaîne :

    « Le problème, c’est qu’on n’a pas de taf, pas d’oseille. Dites à Sarkozy qu’on veut surtout savoir comment on se la paie, la viande.»


    Afficher Montfermeil sur une carte plus grande

    Boucher halal conquérant Quelques centaines de mètres plus loin, la boucherie halal de Mouloud Medjaldi ne désemplit pas. L’homme a le verbe facile et de l’appétit pour la politique. « Je me suis présenté aux dernières élections municipales, sur une liste apolitique. On a fait 6 % ! » La polémique sur la manière dont sont tués les animaux qu’il vend, il la balaie : « C’est une manœuvre politique pour masquer les vrais problèmes. Dans ma boucherie, même quand toute la classe politique a ce mot à la bouche, personne ne discute du halal. Par contre, les gens parlent d’emploi, de la crise et du droit de vote des étrangers. »

    Dans sa boutique, les clients lui donnent raison. Abdellah est arrivé en France il y a plusieurs décennies. Il masque mal sa colère d’être « une nouvelle fois » montré du doigt :

    « Je suis né en Algérie française, je suis Français, je parle français, je vote, j’ai la culture française depuis mon enfance. Pourtant, on me dit toujours “toi, tu es bien intégré, c’est bien”. Mais de quoi on me parle ? Je connais mieux la France que la plupart des Français ! »

    Gaffe à la bouffe chinoise Sacs remplis à la main, accompagnée de ses trois enfants, Catherine rebondit : « Je suis blanche, d’origine portugaise et non-musulmane. Mais je ne viens pas ici parce que la viande est halal, je viens ici parce qu’elle est bonne ! C’est aussi simple que ça. » De quoi faire éclater de rire le boucher : « Qu’ils viennent ici, Madame Le Pen ou Monsieur Sarkozy ! Je leur ferai goûter un rôti halal, je suis sûr qu’ils ne s’en rendront même pas compte ! Et ma main au feu qu’ils aiment ma viande… »

    Catherine poursuit, lasse : « Je vais vous faire une confidence : dès que j’entends le mot « halal », je zappe… » Avant de conclure : 

    « Je vais vous dire, moi j’ai surtout peur de la bouffe chinoise, on sait pas trop ce qu’il y a dedans… »


    Boeuf ou agneau ?

    Je vais vous dire, moi j’ai surtout peur de la bouffe chinoise, on sait pas trop ce qu’il y a dedans…

    Des musulmans conquérants A la sortie de la boucherie, une autre commerçante de Montfermeil glisse : « De toute façon, on n’a pas le choix. Si on vend pas du halal, on coule. » Et pour le maire UMP Xavier Lemoine, c’est un profond souci. Celui qui fut l’éphémère porte-parole de campagne de Christine Boutin craint un « basculement démographique », qu’il y ait dans sa ville davantage de musulmans que de franco-français de culture chrétienne. « La religion est un choix privé. Ce qui me gêne, c’est la présence de plus en plus ostensible, de plus en plus conquérante des musulmans. »

    Mais à la question de savoir si la viande halal est un problème pour ses administrés, Xavier Lemoine sourit presque :

    « Très honnêtement, non. Je vais être caricatural, mais si parler du halal, c’est discuter de steak-haché et de si la bestiole dont il provient a été égorgée au lieu d’étourdie avant, si c’est ça, c’est pas le sujet. »

    Pour lui, le sujet, c’est surtout que « la totalité des actes quotidiens des musulmans sont codifiés. Leurs actes viennent envahir notre quotidien. Alors jusqu’où laissons-nous de telles pratiques s’installer ? Une chose est sûre, on ne viendra pas m’imposer des pratiques contraires aux principes français. »


    Kebab abandonné

    “Allez faire un tour dans une porcherie” Dernière étape de la journée : la mosquée, seul lieu de culte musulman de la ville où 2.000 fidèles viennent prier. Dans un bureau, Amar Brahmi, le président de l’association ACCM (association cultuelle et culturelle deMontfermeil) et trois jeunes musulmans, Milan, Karim et Sofiane. Enervé, Milan n’en « peut plus de cette stigmatisation. Etre musulman en France, c’est comme avoir la peste. » Il poursuit : « Le souci est bien plus large que le halal. » Amar Brahmi acquiesce : « Sincèrement, allez faire un tour dans une porcherie. Vous comprendrez pourquoi cette polémique sur le halal n’a aucun sens. » En souriant, il continue :

    « Et puis c’est contre-productif. Expliquez-leur, à tous ces politiques. Plus ils s’énervent sur le halal et notre religion, plus il y a de conversions. Parce que plus on parle de nous, plus les gens peuvent s’y intéresser et découvrir que notre religion est la leur. »

    détruire la mosquée ? Pour eux, une autre polémique est à l’ordre du jour, plus locale. Sans permis de construire (normalement délivré par la mairie) et contre l’avis d’une commission locale de sécurité­, ils ont décidé d’agrandir leur salle de prière pour éviter que des musulmans aient à prier dans la cour, voire la rue, faute de place. L’affaire est en ce moment devant les tribunaux. La date du procès en appel – ils ont été condamnés en première instance à démolir une partie de la mosquée – n’a pas encore été fixée.

    bqhidden. Expliquez-leur, à tous ces politiques. Plus ils s’énervent sur le halal et notre religion, plus il y a de conversions

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