« Nous avons énormément de considération pour cette communauté et c’est toujours plaisant d’assister à ces représentations », déroule Philippe Maury, adjoint au maire LR en charge de la vie associative et sportive. « Notre présence n’a rien d’électoraliste », promet en écho Céline Netthavongs, adjointe à la politique de la ville. À quelques jours du premier tour des municipales, la petite fête a comme des allures de « place to be » mais n’allez pas dire aux candidats et à leurs représentants que leur présence est liée à l’échéance municipale, ils en prendraient ombrage. « C’est une communauté importante qui mérite d’être prise en considération », se contente de déclarer Salim Drici, tête de liste du mouvement citoyen « Pour les Chellois » et challenger officiel de Brice Rabaste, le maire Républicain en place désormais soutenu par la République en Marche.
Les Municipales by StreetPress
Dans le cadre de notre projet Municipales by StreetPress, Amine tire le portrait de Chelles (77).
Épisode 1 : Transports en commun trop rares : la galère des quartiers populaires de Chelles
Épisode 2 : À Chelles, les candidats aux municipales draguent la communauté tamoule
Épisode 3 : À venir
Pendant trois mois, Streetpress accompagne cinq jeunes sélectionnés sans critères de diplômes. Ils sont formés par la journaliste Nathalie Gathié et rémunérés en piges pour leurs articles. Si vous souhaitez soutenir nos initiatives, vous pouvez nous donner quelques euros par ici.
Forte de 55.000 habitants, Chelles passe pour l’une des capitales de la diaspora tamoule en Ile-de-France. « Aujourd’hui, nous sommes environ 3.000 à vivre ici et une grande partie d’entre nous résident dans le quartier de la Grande Prairie », détaille Anutharsan, secrétaire de l’association en fête. Alors qu’il se régale d’un ulundu vadai (beignet de lentilles épicées), ce jeune technicien biomédical souligne que ses compatriotes représentent 5 pourcents de la population chelloise.
Une des assos les plus actives en ville
Contraints à l’exil par la guerre civile qui ravagea la Sri Lanka de 1983 à 2009 , les Tamouls opposés au gouvernement à majorité cinghalaise bouddhiste ont d’abord posé leurs valises à Paris. Et plus précisément du côté de la Porte de la Chapelle, où ils ont recréé un « little Jaffna », en référence à la capitale tamoule du même nom. Au fil des ans, beaucoup se sont délocalisés vers le Nord ou l’Est Parisien reliés à la Chapelle par les transports en commun. Installée sinon enracinée à Chelles où trône depuis 2009 le temple hindou Sri Mourougane, cette communauté majoritairement composée de réfugiés politiques sait user de son bulletin de vote pour défendre ses intérêts et son identité.
« En 1997, les premiers arrivants ont créé l’Association franco-tamoule afin de s’organiser, de s’entraider et d’influer sur la vie politique locale », confirme Anutharsan . « Comme vous pouvez le constater, on attire pas mal les politiques locaux », taquine-t-il. Avec 150 familles adhérentes, 250 élèves et 14 professeurs de langue, de chant ou encore de danse traditionnels, la structure balbutiante des débuts s’est imposée comme l’une des associations les plus actives de la ville. Pourtant, elle ne vit que des cotisations mensuelles de ses adhérents. Alors qu’il salue les nouveaux arrivants sur les notes de l’hymne tamoul, Anutharsan s’enthousiasme et précise :
« J’oubliais, nous venons aussi de créer une organisation de jeunesse pour davantage impliquer les jeunes dans le soutien à nos compatriotes restés au pays. »
Le petit Sri Lanka
Implantée au pied de la barre historique de La Grande Prairie, l’un des deux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV), l’association donne des airs de petit Sri Lanka à la cité. L’été aux abords du Bâtiment 4, fief tamoul entre tous, de fameux matchs de cricket, sport le plus populaire du pays, électrisent l’atmosphère.
« On a choisi de se regrouper dans le même quartier où on pouvait accéder à la propriété, on passe notre temps ensemble mais nous sommes intégrés au système français », sourit Tharshika, 18 ans. Chargée du Nirakoudam (cérémonial d’accueil), cette étudiante en BTS banque guide les hôtes qui poussent la porte du centre culturel et tient visiblement à dissiper les procès en communautarisme souvent instruits contre les Tamouls :
« Prenons l’exemple du vote, lorsqu’on choisit un bulletin, on pense à notre culture, aux nôtres, mais aussi à l’intérêt général ».
Un engagement politique
Figure des Sri-Lankais de Chelles, Asamta, 50 ans, n’aurait manqué l’anniversaire de son association pour rien au monde. Elle ne manquera pas davantage le scrutin à venir. Et pour cause, cette auxiliaire de vie est candidate sur la liste citoyenne « Chelles et vous ». « Si je me suis engagée en politique, c’est en grande partie pour notre communauté », revendique-t-elle sans faux-semblant dans le salon de son appartement où la télé diffuse en continu les images de la chaîne indienne YuppTV.
Calée dans un siège rouge et or, qui n’est pas sans rappeler les couleurs du drapeau des Tigres de libération de l’Îlam tamoul, elle confie avoir fui son pays à cause à la guerre qui a emporté son frère en 1991 : « J’ai vu les conséquences de choix politiques désastreux ! Je veux le mieux pour la ville et les miens », scande-t-elle comme dans un meeting.
« Qu’y-a-t-il de mal à vouloir protéger son identité ? »
Loin de la Grande Prairie, au cœur de Chelles, les enseignes tamoules sont devenues incontournables. Dans l’artère principale de la ville, avenue de la résistance, les échoppes pullulent : cinq épiceries-bazars pour la soif et les mini achats, et des fast-food tels le Madras ou le Chicken Spot voisinent avec un institut de beauté spécialiste de l’épilation au fil. Si les vitrines appellent les clients, les commerçants sont moins bavards. Ils observent une sorte de service minimum de la conversation.
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Cette distance n’étonne pas Anitha, 18 ans : « Si on n’est pas avec eux, on est contre eux », dénonce-t-elle. Ex-chelloise désormais installée à Montfermeil, elle continue à adhérer à l’association mais assume de plomber un peu l’ambiance de la fête. « Depuis que j’ai déménagé, j’ai évolué et la plupart des gens d’ici voient d’un mauvais œil que je ne limite plus mes sorties au cercle tamoul. Je me dispute souvent avec mes parents et, plus largement, avec la communauté à cause de ça », s’émeut-elle en réajustant son sari bleu et jaune.
Alors qu’elle s’éloigne pour rallumer des bâtonnets d’encens disposés dans l’entrée du centre culturel, Srivani nuance cette accusation « d’entre soi ». « Si on s’est organisé ainsi, c’est pour préserver notre langue, notre culture, nos traditions, énumère celle qui enseigne dans l’association depuis 22 ans. Qu’y-a-t-il de mal à vouloir protéger son identité ? ». « Sans cette cohésion, nous ne serions sûrement pas tous ensemble aujourd’hui. Nous sommes fiers de nos origines mais pas repliés pour autant », plaide-t-elle avant que ses élèves montent sur scène pour interpréter une pièce théâtrale sur l’histoire des rois sri-lankais.
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