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    17/03/2020

    Des confinés isolés racontent leur peur de la solitude et leurs bons plans, aussi !

    Et vous votre confinement en solo, ça se passe comment ?

    Par Inès Belgacem

    Isolés dans leur appartement, ils ont peur de se sentir seuls. Entre apéros-skype, rencards virtuels, to do list et stock de livres, ils s'organisent.

    « Être seule c’est un peu badant… », soupire Anaïs, en quarantaine avec son chat – qui a l’air très contrarié par la situation sur la photo. « Ça va être très long », juge Kenza. Depuis le début du confinement, renforcé hier, lundi 16 mars, par le gouvernement, certains se sont retrouvés seuls dans leur appartement, pour une durée minimum de 15 jours. « J’ai du mal à réaliser », raconte Clément, qui compare cette drôle d’époque à « La Peste de Camus ou à un film apocalyptique ». Déborah énumère ses craintes :

    « J’ai peur de me sentir seule et isolée. Que les jours, les heures, les minutes ne passent pas. De ne pas dormir et que le temps soit encore plus long. D’être éloignée des gens que j’aime. De l’enfermement. De grossir aussi… »

    « Mais ça va aller, c’est juste une période à passer », expliquent-ils tous, en donnant leurs astuces. Au programme : méditation, apéro-skype et rencards-confinement.

    Le confinement en coloc ?

    Tous ont suivi la propagation du coronavirus en Chine, puis dans le monde et son arrivée en Europe. La quarantaine en Italie semble chimérique. Se trouver un copain de confinement devient une blague semi-sérieuse, comme s’il était impossible qu’on en arrive là en France. « On parlait de partir entre copains, passer le confinement dans une grande maison à Lyon. Mais vu les futures mesures, ça risque d’être impossible », raconte Déborah, 31 ans, quelques heures avant le second discours d’Emmanuel Macron. Finalement, tout le monde a été pris de court.

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    Kenza ! /

    Kenza, étudiante de 23 ans, a passé le week-end chez ses parents à Rennes. Elle a hésité à rester. Sa coloc a fait ce choix. Elle non : « Je suis diabétique et donc à risque. Ma mère travaille dans une crèche. On a trouvé ça dangereux ». Beaucoup ont eu cette tentation de retourner, pour quelques temps, à la maison familiale, comme Anaïs, fleuriste et Parisienne de 32 ans. Le jardin et un plus grand espace que son studio de 20 mètres carrés n’auraient pas été de refus. « Ma cuisine c’est mon salon, mon salon c’est ma chambre. » Mais ses parents, à 70 ans, sont à risque ; et elle revient de voyage au Liban, avec des passages par différents aéroports. Ses frères et soeurs ont mis leur véto. « C’est à ce moment-là que je me suis dit “merde j’ai raté ma vie, j’aurais dû prendre une maison de campagne” », rigole-t-elle.

    S’occuper

    « Je sors beaucoup et je suis rarement chez moi. C’est bizarre de s’asseoir et de faire le point », raconte Déborah. Alexis, 26 ans, est plus casanier. Il a l’habitude de rester chez lui, dans son studio parisien de 14 mètres carrés. Alors, comme d’habitude, il se prépare des petits plats et joue aux jeux vidéo, entre deux séries Netflix. « Mais c’est différent quand tu restes de ton propre gré et quand t’es forcé. » Un point sur lequel tous s’accordent.

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    Alexis et Clément ! /

    Et puis comment s’occuper ? Anaïs fleuriste, Alexis et Kenza étudiants, n’ont plus grand chose à faire de leurs journées avec la fermeture des commerces et des facs. Clément, motion designer à Toulouse, poursuit lui ses tâches normalement en télétravail. Son planning est même plutôt chargé. Reste Déborah, dans l’assurance et les transports, qui se pose beaucoup de questions :

    « Aujourd’hui, je n’ai pas réussi à travailler. Je me sens bête d’envoyer des devis qui ne seront jamais traités. Ça n’a aucun sens, tout semble s’effondrer. C’est là que tu te rends compte de la futilité de ce que tu fais. »

    Anaïs, joyeuse mais un peu étourdie par la situation, redoute « d’être comme un lion en cage ». Alors elle s’est organisée en faisant une to do list des choses qu’elle voulait faire depuis longtemps : ranger chez elle, trouver un prof en ligne pour apprendre l’arabe, planter des graines sur son balcon, reprendre la méditation. Clément, lui, est un petit peu écrivain, quand il a du temps. Il voudrait reprendre l’écriture, avec un journal de bord de son confinement, pense-t-il. Alexis a un tapis de sport et compte suer un petit peu. Et puis pourquoi pas lire ? Kenza s’est préparé un stock avant son confinement, avec Une chanson douce de Leïla Slimani ou un recueil de poèmes de Mahmoud Darwich.

    Garder du lien

    La mère de Déborah a 70 ans et habite à Lille. Alors lundi matin, elle l’a aidé à installer whatsapp sur son téléphone, pendant un appel Skype. Les copains de chacun leur ont d’emblée promis de les appeler souvent. Ce qui a rassuré Anaïs, angoissée par la solitude. « J’ai l’impression qu’on va même renforcer certains liens. Par exemple, avec mon meilleur ami, depuis jeudi, on s’appelle tous les jours. Hier, on a fait un apéro-skype : moi j’étais avec mon verre de vin et lui avec son Gin To’ ! » Tous ont programmé des apéros-skype, la nouvelle tendance confinement. « Heureusement qu’il y a Internet. Coupé du monde ça serait difficile », souffle Clément.

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    Plus surprenant, sur les sites de rencontres, certains proposent de devenir des « potes de confinement ». Le coronavirus, comme partout, est sujet de toutes les conversations. « Plusieurs personnes m’ont demandé de discuter et de s’occuper ensemble », sourit Anaïs.

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    Déborah ! /

    Quant à Alexis, il a mis un petit mot dans son bâtiment, pour aider ceux qui ont besoin d’aide, comme les personnes âgées ou les personnes contaminées qui auraient besoin qu’on leur fasse des courses.

    Chez nous, le déni

    Tous se sont par ailleurs organisés : être seul signifie qu’en cas de maladie, personnes ne pourra leur apporter à manger. Alors ils ont fait des stocks pour une dizaine de jours, tout en restant raisonnables promettent-ils. « C’est quand tu sors que tu vois que les choses changent. T’as vraiment l’impression que les gens ne sont pas du tout prêts », expliquent Alexis. Anaïs renchérit :

    « Chez toi tu vis dans le déni. Dehors c’est effrayant. Voir des rayons vides, en soi ça n’est pas très grave, mais c’est angoissant. »

    Même impression pour Clément qui, à Toulouse, est très content de s’être agencé un nid douillet. « Chez moi je me sens à l’abri. Je me sens bien. J’ai tout décoré et agencé. » Et puis tous se sont posé la même question en riant : est-ce pire d’être seul ou avec des enfants ? Ou avec son amoureux ? Kenza raconte :

    « J’ai des copines qui se sont mis en confinement avec leur copain. Ils n’ont jamais vécu ensemble et ça semble un peu angoissant. Elles m’ont dit “bon bah on va tester notre amour” ! »

    Et vous c’est quoi vos astuces ? Sur Instagram, on commence à relayer les initiatives de chacun. Envoyez-nous vos challenges confinement !

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