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    25/03/2024

    Des maisons aux quatre coins du monde

    De la Suisse aux Caraïbes, visite guidée de l’immense patrimoine immobilier de Patrick Drahi

    Par Florence Gaillard , Moran Kerinec

    Des villas en Suisse et aux Caraïbes, d’immenses appartements à New York, Tel Aviv et Paris… Patrick Drahi s’est constitué, grâce aux banques toujours prêtes à lui prêter aux meilleures conditions, un patrimoine immobilier gigantesque.

    Avec 27 passeports, pour une famille composée de six membres, le monde est un terrain de jeu et chaque pays une case de Monopoly, sur laquelle il faut poser des maisons : de la Suisse à la petite île de Saint-Kitts-et-Nevis, en passant par les États-Unis, la France ou Israël, les Drahi se sont bâtis un empire immobilier qui se joue des frontières. Les documents issus des #DrahiLeaks permettent de faire le tour du propriétaire. Le voyage commence en Suisse, pays tranquille à la fiscalité si douce.

    Le quotidien suisse du « milliardaire normal »

    En Suisse, sa patrie officielle, la famille Drahi s’est dans un premier temps établie à Cologny. Ici, dans la « banlieue » de Genève, les fortunes et les grands noms du capitalisme voisinent dans la discrétion et l’entre-soi, dans un panorama exceptionnel. Dans cet Eden avec vue sur le lac Léman, les demeures rivalisent de luxe. Chez les discrets agents immobiliers qui accompagnent les transactions, les prix s’affichent et se négocient en millions de francs suisses (CHF).

    Patrick Drahi, lui, semble mener une vie « toute simple », presque modeste, pour ne pas écrire banale si l’on en croit un article de Vanity Fair qui brossait en mai 2016 le portrait d’un milliardaire en quête de simplicité. « Il se murmure, dans les rues du village, que l’homme est un peu spécial, brosse Sophie des Déserts dans son article, [car] il aime prendre le bus » :

    « Certains l’ont déjà vu patienter à l’arrêt de la ligne A, tout sourire, en jean et polo, Swatch au poignet. Au lever du soleil, quand les employés de maison débarquent à Cologny pour une journée de labeur, Patrick Drahi s’offre parfois une escapade en transport public. »

    La banque, partout et toujours

    C’est ainsi en toute simplicité que le toujours patron de SFR et de BFM, pour lequel Vanity Fair invente le qualificatif de « milliardaire normal », possédait jusqu’en 2022 trois villas et deux terrains nus dans ce quartier de la très bonne société, surnommé « la colline des millionnaires ». À l’origine de ses possessions, il y des banques. Car dans la gestion de son patrimoine personnel, Patrick Drahi applique la même stratégie que pour ses affaires professionnelles : le recours systématique aux crédits, dans une sorte de perpétuel recommencement. Dans ces emprunts successifs, le dernier en date vient refinancer le précédent, et ainsi de suite. Si chacun se chiffre en millions d’euros, les conditions négociées avec les établissements qui le financent se révèlent particulièrement avantageuses pour l’emprunteur.

    Lina Drahi, épouse de l’homme d’affaires, est depuis 2009 directement propriétaire de l’une des trois maisons de la famille. Son acquisition s’est faite grâce à un prêt hypothécaire d’un montant de 5.960.000 CHF auprès du Crédit Suisse. Tout en souplesse, ce contrat ménage à l’emprunteur la possibilité d’accords oraux pour en gérer au mieux l’amortissement (le remboursement du capital proprement dit) et le taux d’intérêt. Confinant presque à « l’informel », cette flexibilité contractuelle souligne le niveau de confiance accordé par les banques à ce client privilégié.

    Sur amortisseurs

    Dans le cas de Lina Drahi, entre autres faveurs, l’amortissement (1) est ainsi laissé à la discrétion de l’emprunteur. Autrement dit, c’est lui qui détermine à sa convenance le montant du capital ou des intérêts qu’il rembourse. En 2022, 13 ans plus tard donc, ce prêt hypothécaire est refinancé par un autre emprunt d’un montant de 16 millions CHF cette fois auprès de la BNP Paribas (Suisse). Sur ce total, six millions servent à rembourser le prêt hypothécaire initial auprès du Crédit suisse et dix millions sont mobilisés pour le remboursement partiel d’une dette de Lina Drahi envers Habima SA.

    Habima est l’une des entités du family office des Drahi. Cette société fonctionne comme un groupe, avec ses « maisons mères » et ses « filiales », créées puis dissoutes au gré des besoins financiers et des stratégies d’optimisation fiscale du moment. Ainsi en 2021, 17 sociétés portaient les actifs immobiliers de la famille. Le capital d’Habima SA est réparti à parts égales (25%) entre les quatre enfants du couple Drahi : Angélina, Graziella, Nathan et David.

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    Son patrimoine immobilier est organisé comme une multinationale. / Crédits : Source DrahiLeaks

    La deuxième villa des Drahi, située sur le même terrain que la première, est le seul actif d’Habima. En réalité, c’est précisément pour acheter et gérer cette autre demeure, attenante à la première, que cette société a été créée, là encore avec un prêt du Crédit suisse très avantageux. Celui-ci aussi a été renégocié en 2022 par un nouvel emprunt contracté auprès de la BNP Paribas. D’un montant de 17.253.750 CHF, il a permis de refinancer le précédent et de redonner un peu de liquidités à Habima.

    À l’étude, les conditions du contrat de financement de cette seconde villa apparaissent encore très favorables à « l’emprunteur ». Pour le remboursement, il peut choisir chaque année soit un taux fixe, soit un taux Saron (un taux basé sur le marché monétaire suisse), en fonction des fluctuations du marché et de ce qui l’arrange.

    Gérer ses locataires

    La troisième villa Drahi à Cologny est située quelques numéros plus loin. Elle était louée jusqu’en 2022. Montant (annuel) du loyer ? 478.800 CHF, soit 39.900 CHF/mois. C’est une autre entité du family office qui en était officiellement propriétaire : la société CANEF SA, elle aussi détenue à parts égales par les quatre enfants de Patrick et Lina. Si on ne connaissait pas Patrick Drahi en usager du bus, jusqu’à la lecture tardive de Vanity Fair, on le savait gestionnaire implacable de ses affaires. Ainsi qu’on le retrouve ici. En 2020, les locataires de la demeure demandent au propriétaire une « rallonge », leur bail arrivant à échéance, prévient la responsable du family office, dans un mail à Patrick Drahi :

    « Bonjour Patrick, Les locataires actuels de la maison souhaitent rester plus longtemps (ils parlent de deux ou trois ans). Le loyer actuel est de 456.000 CHF par an hors charges. Le bail actuel se termine fin juillet. Êtes-vous d’accord pour faire un renouvellement de bail ? Si oui, à quel prix et pour quelle durée ? On maintiendra la clause qui dit que le loyer est payable annuellement par avance comme on l’a fait la première fois. »

    Réponse de Patrick Drahi :

    « Ok avec +5% par an. »

    Depuis cette réponse aussi efficace que directe, les Drahi se sont finalement séparés de ce troisième bien. La villa a été vendue en 2022 38,5 millions d’euros à une société immobilière. Réglés donc au profit de Canef SA.

    Objectif zéro impôts

    La Canef détient également un des terrains nus de Cologny et, jusqu’à très récemment, quatre appartements dans un autre quartier de Genève, très chic et prisé. Champel est un secteur résidentiel réputé pour ses nombreux espaces verts, ses immeubles cossus abritant de luxueux appartements et sa proximité avec le centre-ville. Ces quatre appartements, dont les superficies respectables s’étalent de 230 à 370 m2, étaient jusqu’en 2021 mis en location – aux loyers annuels de 24.360 à 103.500 CHF. En 2021, deux d’entre eux ont été vendus (deux ventes à terme), pour 5,35 millions et 4,65 millions de francs suisses. En 2022, sur sa lancée, Patrick Drahi projette de se séparer des deux derniers appartements de Champel, ainsi que la troisième villa colognote.

    C’est le moment où les fiscalistes entrent en piste. Objectif, vendre ces actifs « au mieux », c’est-à-dire tendre vers un impôt zéro. Les voilà en ébullition. Plusieurs hypothèses sont testées : vaut-il mieux vendre Canef avec ses actifs, ses seuls actifs ou vendre les biens immobiliers en direct ? Et, aussi, quand le faire ?

    Un milliardaire à la montagne

    Les Drahi n’ont pas seulement investi la capitale helvète, ses meilleurs quartiers et ses alentours. À l’autre bout du pays, Patrick Drahi possède deux magnifiques chalets à Zermatt, dans le canton du Valais. Ici, dans la plus luxueuse station de ski des Alpes suisses, l’air est pur : la commune a interdit l’usage des moteurs thermiques en 1947. Seuls sont autorisés les véhicules électriques. Est-ce pour profiter de cette atmosphère immaculée que Patrick Drahi y a acquis ces deux biens ? Le patron de SFR a dépensé 49,2 millions CHF pour acheter les chalets six et sept du complexe de luxe 7 Heaven. Un emplacement « idéalement situé au cœur de Zermatt avec des vues imprenables sur le Cervin », qui dispose de « généreux espaces communs avec un lobby à couper le souffle », précise l’agence immobilière Steiger&Cie.

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    Petit intérieur cosy. / Crédits : DR.

    Cerise sur le chalet, le complexe dispose « d’un local à ski privé, d’une buanderie et d’un petit spa avec sauna/hammam » et surtout d’une piscine chauffée à 27°, où le propriétaire vient se prélasser. Prix d’achat : 23 millions CHF pour le n°6, 26,2 millions CHF pour le n°7. Soit un total de 49,2 millions de francs suisses, montant financé grâce à deux nouveaux emprunts à la BNP Paribas et au Crédit suisse. L’acquisition a été faite en 2014 par la société anonyme NDZ – contraction des initiales de Nathan et David Drahi, les fils de Patrick, et de Zermatt.

    Joues roses, corsage rouge

    L’heureux visiteur invité à passer cette même année par Zermatt pouvait contempler une vingtaine d’œuvres d’art – des toiles, des huiles et des sculptures, quasi exclusivement impressionnistes. Selon le dernier recensement effectué sur place, quatre Magritte entourent la télévision du chalet n°7 : Shéhérazade, L’usage de la parole, La voix du sang et La Traversée difficile. Un détour par la salle de bain réserve la belle surprise d’un face-à-face avec un Renoir, Baigneuse assise. Cette huile sur toile d’une baigneuse aux joues roses, réalisée en 1890, a été adjugée à New-York chez Christie’s en 2018 pour 2,1 millions de dollars.

    À LIRE AUSSI : Les 750 millions d’euros d’œuvres d’art de Patrick Drahi échappent largement aux impôts

    Mais dans les chalets de Zermatt, la palme de l’œuvre la plus chère revient au Corsage rouge – une huile sur toile de Fernand Léger. Patrick Drahi l’a acquise en déboursant 15 millions de dollars. Elle est suivie de peu par le Gestell de Gerhard Richter (13,2 millions de dollars), qui orne la salle à manger.

    À Zermatt toujours, Patrick Drahi possède également un appartement de 223,6 m2 dans le Haus Whymper. Cet imposant bâtiment doit son nom à Edouard Whymper, premier alpiniste à avoir gravi le sommet du Cervin – qui domine le village. Ce chalet de luxe se trouve au cœur de la station, face aux cours de tennis et aux patinoires. Le magnat des télécoms s’est offert cet appartement en 2006, pour 4,45 millions CHF. En 2021, le bien a été mis en hypothèque auprès de la BNP Paribas pour 3,50 millions CHF.

    Les bonnes adresses parisiennes d’un patron aux affaires

    Après la discrétion helvète, la quiétude des rives du lac Léman et les sommets des alpages suisses, notre luxueux voyage avec les Drahi nous ramène en France. À Paris, dans le prestigieux 16e arrondissement. Pour la gestion de ce patrimoine français, le recours aux SCI (les sociétés civiles immobilières) s’impose. Chacune est dédiée à un bien spécifique. La SCI Frangins Maurois, équitablement partagée entre Nathan et David Drahi, veille sur un appartement acquis boulevard André Maurois. Dans le secteur, le prix du luxe s’établit à environ 12.755 euros le mètre carré. Parallèlement, la SCI Tour 98 partagée par le couple Drahi gère un autre appartement rue de la Tour également dans le même arrondissement, où les valeurs immobilières s’affichent à 12.301 euros le mètre carré.

    Mais le « coup » le plus remarquable des investissements parisiens des Drahi est abrité par la SCI Lipat. Elle a été créée en 2000 pour permettre l’acquisition de l’hôtel particulier d’Hans Heinrich Thyssen-Bornemisza, rue d’Andigné (encore le 16e arrondissement). Lui-même grand collectionneur d’art, le baron est le fils de l’homme d’affaires allemand Heinrich Thyssen, l’un des héritiers des financiers d’Adolf Hitler.

    Les époux Drahi ont payé ce bien 35,5 millions de francs (environ 5,4 millions d’euros). Jusqu’en 2022, la SCI Lipat était également détenue à parts égales par le couple. Avant qu’ils ne décident de revendre leur hôtel particulier. Une opération qui a nécessité une nouvelle ébullition et la mobilisation de conseillers avertis pour trouver LA bonne formule, et adoucir autant que possible l’ardoise fiscale. Entre la vente directe ou celle des parts de la SCI, le dilemme est de taille, et le montant de la plus-value obtenue à la sortie souvent un virage difficile à négocier, dans les affaires immobilières. C’est particulièrement vrai pour un bien mis en vente 10,25 millions d’euros, cette dernière s’élevant tout de même à 3,7 millions d’euros.

    C’est le notaire des Drahi qui apportera finalement la solution, faisant économiser à ses clients plus d’un demi-million d’euros : en optant pour la cession des parts (de la SCI Lipat), la plus-value a été minimisée à 1.389.500 euros, permettant à Monsieur et Madame de bénéficier chacun d’une réduction de 265.000 euros sur les coûts associés.

    Une garçonnière anglaise pour les jumeaux

    De l’autre côté de la Manche, les aventures immobilières des Drahi prennent une tournure inattendue puisque la famille n’y est pas propriétaire mais « simple » locataire : les Drahi louent depuis 2013 un duplex à Londres, au 11 et 12 Mount Street, au cœur du quartier huppé de Mayfair. À quelques minutes à pied de Hyde Park, le poumon vert de la capitale anglaise. Ce logement sert de résidence secondaire à David et Nathan Drahi, les fils du patron de SFR.

    Dans cet immeuble de briques terracotta, les jumeaux disposent d’un somptueux pied-à-terre avec cheminées et salles de bains en marbre. En 2021, les charges annuelles s’élevaient à 124.626 livres (146.810 euros), dont près d’un tiers (45.466 livres soit 53.194 euros) pour couvrir les frais de sécurité et 4.069 livres (4.761 euros) pour les décorations florales.

    Un air de Delaware dans le ciel de Central Park

    Patrick Drahi ne pouvait pas passer à côté – rêve américain oblige : aux Etats-Unis, c’est à New-York, face à Central Park, symbole de l’immobilier de luxe, de la réussite et de la démesure, qu’il s’est installé. Au 220 Central Park South, au cœur de la Grosse pomme.

    Conçue par l’architecte Robert A.M. Stern, cette tour de 70 étages construite en 2019 offre des vues magistrales sur Central Park. À ses occupants, le bâtiment réserve bien des plaisirs, à travers de multiples espaces « d’agrément » : « un hall d’entrée à double hauteur, une réception automobile intérieure fermée avec parking privé, une salle de sport ultramoderne, un terrain de basket-ball, un terrain de squash, un mur d’escalade, une piscine intérieure, un club d’athlétisme et spa, une salle de jeux, une salle de projection et restaurant privé, bar et jardin sur le toit », indique le site d’un agent qui commercialise ses appartements. Bref, à lui tout seul, le building est une petite ville concentrée, où l’on voit le monde de haut et où on ne croise ses semblables que dans des ascenseurs jamais en panne.

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    Petite vue sympa. / Crédits : DR.

    À cette adresse, les Drahi ont investi trois appartements : le 43A a été attribué à Angelina, l’une des filles, et le 44B à sa sœur Graziella. D’une surface de 290m2, ces deux biens ont été payés 25.456.250 dollars (87.995 dollars le mètre carré) et 26.474.500 dollars (91.463 dollars le mètre carré). Un troisième appartement (le 66) a coûté 54,5 millions de dollars (98.885 dollars le mètre carré). Les deux frères de la famille se partagent ses 550m2. Évidemment, à appartements d’exception, meubles d’exception : ceux qui agrémentent les lieux de résidence du clan ont été trouvés et achetés dans des galeries, pour des centaines de milliers de dollars. Le piano Steinway du 66 a coûté à lui seul 157.800 dollars. Ces acquisitions immobilières ont été réalisées via des sociétés basées dans un État réputé très accueillant, dont l’air est particulièrement favorable à la finance et aux investissements : le Delaware.

    Le montage mis en place ici profite à plein du « Delawarean pass-through » : les revenus ne sont pas imposés au niveau des sociétés, mais passent directement aux propriétaires ou aux actionnaires de la société. Ils sont alors imposés à titre individuel, sur ces revenus. De la sorte, on évite la « double imposition » – celle de l’entreprise et celle des revenus et dividendes qu’elle génère. Par ailleurs, cerise sur le gâteau fiscal, le remboursement des taux d’intérêt n’y est pas imposable non plus. Car les Drahi ont là encore mis les banques à contribution. C’est la City Bank N.A. qui est cette fois intervenue, en accordant à Datoun66 LLC un prêt de 38.150.000 dollars. Un prêt dont les taux d’intérêt sont par conséquent déductibles.

    Un pied-à-terre en Israël

    Pour la famille Drahi, Israël est aussi une terre d’attaches importante. Cet attachement se concrétise à Tel Aviv où ils ont aussi investi dans la pierre. Mais également l’acier et le verre d’un luxueux immeuble d’acier posé sur un boulevard au cœur du quartier financier de la cité méditerranéenne. Un appartement de 325m2 y coûte la coquette somme de 42 millions de shekel – 10,6 millions d’euros. L’étage complet qui appartient à Patrick Drahi est un véritable musée. Un recensement réalisé en 2022 décompte 23 œuvres prestigieuses. Parmi elles, Le Cirque au soleil jaune de Chagall (1962) a trouvé sa place dans le salon. Cette œuvre impressionniste a été adjugée à son propriétaire aux enchères pour 27,9 millions de dollars. Un second Chagall (St Jeannet), payé près de 3 millions de livres, inspire le mur gauche de la salle à manger, non loin d’une nature morte de Léger Fernand (acquise 2,7 millions de dollars).

    À Tel Aviv toujours, Les Drahi possèdent également rue Yehuda Halevi, la « maison Kodriansky ». C’est un petit palace de trois étages construit dans les années 20. Le bâtiment et ses 1.924m2 ont été découpés au sein de la famille : Patrick Drahi possède le rez-de-chaussée (alloué à la Fondation Drahi) et le sous-sol, où un espace spa, piscine et salle de gym a été aménagé. Les quatre enfants de la famille possèdent chacun un des quatre appartements situés aux premier et deuxième étage. Ils sont tous les quatre copropriétaires du troisième étage.

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    / Crédits : DR.

    Si les DrahiLeaks n’ont pas dévoilé le prix de ce bijou, situé rue Yehuda Halevi, bâtiment jumeau du 8, a été mis en vente pour 50 millions de shekels (12,69 millions d’euros). En plus de son palace, Patrick Drahi a acheté d’autres biens voisins dans la même rue. Le milliardaire possède également le bâtiment adjacent de la rue Yehuda Halevi, via sa société MaYafit Invest. Il a déboursé 67,9 millions de shekels (environ 16,6 millions d’euros) pour en acquérir les sept parcelles. Il a également acquis le n°9, un autre bâtiment classé pour 110 millions de de shekels (soit environ 27.9 millions d’euros).

    La promesse fiscale d’une île : Saint-Kitts et Névis

    Tout a une fin. Pour terminer en apothéose ce voyage dans les valises des Drahi, l’atterrissage se fait en beauté dans la propriété que le chef de famille a littéralement fait surgir des terres acquises pour des bouchées de pain sur l’île de Saint-Kitts-et-Nevis (Saint-Christophe-et-Niévès). Sur cette île paradisiaque des Caraïbes, Patrick Drahi est comme « chez lui ». Il a fait rallonger la piste d’atterrissage : elle était trop courte pour poser ses jets privés, ce qui l’obligeait à finir son périple à bord d’un petit avion ou en hélicoptère, après avoir atterri plus loin. Un rallongement de la piste qui s’est révélé un business très rentable, comme Reflets l’a raconté.

    Installée sur le Four seasons resort Nevis (FSRN), la propriété familiale s’étend sur un terrain de plus de 120 ha, acquis parcelle par parcelle sur une dizaine d’années jusqu’en 2022. En 2012, Patrick Drahi avait initialement acheté deux lots du FSRN (neuf et dix, sur le plan) pour un total de 2,2 millions d’euros. Il y fait construire une villa à son image, démesurément luxueuse. L’adage « pour vivre heureux vivons caché » est pris au pied de la lettre tant elle disparaît sous la végétation touffue d’une jungle savamment entretenue.

    En 2016, l’homme d’Altice agrandit son domaine en ajoutant les lots huit et six, pour 2,9 millions d’euros. En 2022, nouvelle expansion : il achète 16 lots contre près de 6 millions de dollars (5,5 millions d’euros), taxes et frais inclus. Au total, ces opérations successives lui ont permis de mettre la main et rassembler 23 parcelles, sur une surface de 126 ha. En réalité, pas tout à fait 23 lots… En effet, trois de ceux-là ont été acquis en 2020 par Armando Pereira et son épouse, Odile (les lots 11, 15 et 16), pour 2,5 millions de dollars. Apparemment, l’associé de Patrick Drahi n’y a pas (encore ? ) construit de villa. Mais cet engagement a néanmoins permis à l’ami portugais, moyennant une petite rallonge de 55.100 dollars, d’obtenir la nationalité christophienne… « par investissement » : Saint-Kitts-et-Nevis propose en effet la citoyenneté aux investisseurs, les dispensant ainsi de la licence de propriétaire foncier étranger.

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    Une cabane au bord de l'eau. / Crédits : DR.

    Avec tous ses hectares, le milliardaire Patrick Drahi projette lui de créer une sorte de « Luna Park » version luxe, pour la famille et les amis, qui peuvent même arriver en hélicoptère puisque la propriété possède son propre héliport. Dès 2022, des travaux ont par ailleurs été entrepris pour bâtir sur ce terrain de jeu une villa pour les invités, un jardin botanique, un musée d’art, un spa, des piscines, un lounge-restaurant, des courts de tennis et un espace équestre, avec trois chevaux. Coût total de ce déploiement : entre 18 et 24 millions de dollars, d’après les estimations. Un montant de dépenses faramineux, ramené par Patrick Drahi à 12 millions de dollars, selon le budget prévisionnel de cette opération trouvé dans les leaks. Mais si les paysages époustouflants et la discrétion de ce petit bout de terre perdu au milieu de l’océan ont séduit les Drahi, c’est parce que Saint-Kitts-et-Nevis est aussi et surtout un rêve fiscal : c’est dans l’exonération d’impôts sur les sociétés et la propriété, les facilités d’importation ou encore l’absence d’impôt sur le revenu personnel que se cache le véritable trésor de cette île.

    À cet immobilier de loisir, il faut ajouter les immeubles à vocation professionnelle qu’il possède en son nom propre et notamment, comme nous l’avions détaillé dans une précédente enquête les sièges sociaux de SFR et BFM valorisé à 1,15 milliard d’euros.

    Contacté, Patrick Drahi n’a pas répondu à nos sollicitations.
    Illustration de Une par Caroline Varon.

    (1) Dans le cadre du remboursement d’un prêt hypothécaire, les paiements mensuels se divisent généralement entre le capital et les intérêts. Au début du prêt, une plus grande part du paiement est allouée aux intérêts, tandis que vers la fin, la majeure partie du paiement couvre le capital. Cette répartition est souvent décidée par la banque, qui établit un plan d’amortissement basé sur le taux d’intérêt et la durée du prêt.

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