Patrick Drahi est un homme puissant. Il est le propriétaire de plusieurs compagnies de télécommunications à travers le monde : SFR en France, Hot en Israël, Portugal Télécom, Altice USA… C’est aussi un magnat des médias, actionnaire majoritaire de BFM, RMC (télé et radio), I24News et, un temps, de L’Express et Libé, à qui il est toujours rattaché. C’est le genre d’homme auquel il est déconseillé de se frotter. Le média indépendant Reflets.info en a fait l’amère expérience.
Courant août, le groupe de hackers russes Hive a mis en ligne dans un recoin caché d’Internet des centaines de milliers de documents piratés à Altice, l’empire tentaculaire de Patrick Drahi, après avoir échoué à faire chanter l’homme d’affaires. Reflets.info s’est le premier plongé dans cette mine d’informations. Début septembre, il publiait à partir de ces #DrahiLeaks une série d’enquêtes. La réponse de l’homme d’affaires est immédiate et brutale.
Ses avocats attaquent le média au titre du secret des affaires afin de contourner le droit de la presse. Une loi mise en place sous Emmanuel Macron pour protéger les petits secrets des ultra-riches et des multinationales. C’est sur la base de ce texte que le tribunal de commerce, saisi par Altice, va censurer de manière préventive Reflets.info. Le média n’a, en théorie, plus le droit d’enquêter sur la 11ème fortune française.
Mais les journalistes refusent de céder à la censure. Ils ont fait appel de la décision, se lançant dans une bataille qui pourrait durer des années. Et, désormais, ils ne sont plus seuls. Blast et StreetPress, deux autres médias indépendants, les ont rejoints. Depuis plusieurs semaines, nos journalistes épluchent ensemble les centaines de milliers de pages du leaks.
Ce mardi 20 décembre, nous publions conjointement les premières révélations. Un coup de projecteur inédit sur les arrière-cuisines peu reluisantes de l’empire Drahi : optimisation fiscale ultra-agressive, rémunérations délirantes, réseaux d’influence et copinages… À partir de 9h ce matin, nous mettrons chaque heure une nouvelle enquête en ligne. Nous ne cherchons pas le scandale mais l’information. Nous avons laissé de côté toute divulgation d’éléments de la vie intime de la famille du milliardaire. Patrick Drahi est un personnage public possédant des médias, influant d’une manière forte sur la vie des Français, vivant en grande partie sur des crédits et de l’argent public. Nous ne nous plaçons pas au-dessus de la justice et l’éventail des possibilités de poursuites à notre égard est très large pour le magnat des médias. Mais nous ne pouvons accepter l’acte de censure qui consiste à invoquer le secret des affaires pour nous empêcher d’écrire. Ne pas résister à ce dictat serait laisser mourir un peu plus le droit d’informer.
Antoine Champagne de Reflets, Mathieu Molard de StreetPress et Denis Robert de Blast
Retrouvez nos articles au fil de la journée :
9h : Le contrat qui aurait permis à Bourdin d’empocher 1,4 million d’euros sans trop se fatiguer
10h : Comment Patrick Drahi s’est enrichi sur le dos de Libération
11h : Bernard et Jacques Attali, les très chers amis de Patrick Drahi
12h : Patrick Drahi, le milliardaire radin qui aime les robes tyroliennes
13h : Teads : la licorne magique de Patrick Drahi
14h : Bonnes œuvres : Patrick Drahi file 50.000 euros à Bernard-Henri Lévy
15h : Altice USA se casse la gueule mais son patron empoche plus de 80 millions d’euros
16h : Pas de frontières pour les Drahi et leurs 30 passeports
« Je n’aime pas payer des salaires, je paie le moins possible », avait lancé publiquement Patrick Drahi. Nous si ! Plusieurs journalistes se consacrent depuis des semaines, à temps plein, à cette enquête. Et ce n’est pas fini : nous n’avons pas prévu de lâcher le morceau. De nombreux autres articles paraîtront sur StreetPress, Reflets et Blast.
Nous savons aussi que nous devrons faire face à de nombreuses procédures juridiques qui vont s’étendre sur plusieurs années.
Tout cela coûte cher, c’est pourquoi nous avons créé, les trois médias ensemble, une cagnotte de soutien. Chaque euro versé servira exclusivement à financer cette investigation.
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Illustrations de Une par Caroline Varon.
Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.
StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.
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