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    24/06/2025

    Leur chef l’appelle pourtant la « marche des déchets »

    Le groupe « gay patriote » Eros veut s’incruster à la Pride parisienne

    Par Aurélien Defer

    Contre l’avis de l’ensemble des structures inscrites à la Marche des fiertés de Paris, le groupuscule homonationaliste, connu pour ses obsessions transphobes et xénophobes, veut organiser une « contre manif » ce samedi 28 juin.

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    L’Inter-LGBT organisera, samedi 28 juin 2025, sa 25ème Marche des fiertés, à Paris. Pas moins de 130 structures déambuleront dans les rues de la capitale pour défendre les droits des personnes LGBTQIA+, sous le mot d’ordre suivant : « Contre l’internationale réactionnaire, queers de tous les pays, unissons-nous. » Ironie du sort, c’est précisément par un groupuscule réactionnaire et homonationaliste, le collectif Eros, fondé en juin 2024 et dirigé par l’influenceur Yohan Pawer, que sera perturbé cette année l’événement.

    Se présentant comme une « majorité silencieuse » de « gays patriotes » opposés aux « dérives idéologiques woke et LGBT », à « l’immigration massive très souvent homophobe et [à] l’islamisation de notre pays », celui-ci a annoncé, le 11 juin 2025, sa volonté de participer à la Marche des fiertés, que son chef de file appelle pourtant la « marche des déchets ». À ce titre, Yohan Pawer affirme avoir reçu la promesse d’une protection policière de « 50 CRS » par un conseiller du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avec qui il dit échanger depuis plusieurs semaines.

    Un chiffre correspondant à une demi-unité de ce corps de la police nationale qui n’étonne pas l’entourage du ministre. Auprès de StreetPress, celui-ci reconnaît que le cabinet a été sollicité par plusieurs associations, dont le collectif Eros, « qui ne se sentaient pas les bienvenues ». Et qu’il est « intervenu directement auprès de la préfecture de la police [de Paris] pour lui demander de prendre en compte ces associations qui veulent défiler car il y a un sujet de trouble à l’ordre public ». « On protège un bout du cortège pour éviter qu’il y ait des contacts et des prises à partie physiques avec d’autres bouts du cortège », explique-t-on place Beauvau. (1)

    D’après les informations de StreetPress, les responsables de l’Inter-LGBT ont été convoqués à la préfecture de police de Paris, en présence de Laurent Nuñez, pour évoquer notamment l’éventualité de la présence des militants d’Eros au sein du cortège. Contactée, la vice-présidente de l’association, Clara Privé, confirme la tenue de cette entrevue de presque deux heures, précisant qu’il y était question de la « sécurisation globale » de la Marche. Une discussion durant laquelle le préfet a assuré qu’on ne pouvait interdire à quiconque de marcher ce jour-là, ce à quoi l’Inter-LGBT a répondu qu’Eros n’avait pas suivi la procédure d’inscription à l’événement et qu’« aucun cortège sauvage ne serait accepté ».

    À LIRE AUSSI : L’extrême droite joue la carte raciste pour récupérer les votes gays et lesbiens

    « Ils veulent essayer de nous détruire de l’intérieur »

    Fustigeant un groupuscule qui honnit selon ses propres termes « la folie sur l’identité de genre et la transidentité », « les 130 structures qui marchent refusent que ce collectif défile dans le cortège », explique Clara Privé. La vice-présidente annonce que le cortège de l’Inter-LGBT ne démarrera pas si Eros est présent. Selon elle, l’initiative du collectif homonationaliste est une « contre-manifestation d’extrême droite » et ne peut pas, à ce titre, prétendre à participer à la Pride. Un argument qu’aura du mal à contrer l’ex-candidat suppléant de Reconquête aux législatives de 2022, Yohan Pawer, qui parlait lui-même de « contre manif » sur Instagram, le 20 juin dernier.

    L’influenceur a d’ailleurs déjà tenté de perturber la Marche des fiertés parisienne, en juin 2024. Accompagné de l’identitaire Mila Orriols et de Vincent Lapierre, ex-compagnon de route d’Alain Soral, il s’y était présenté avec une pancarte « homo-victime de l’immigration ». Avant que la situation ne dégénère et que soient exfiltrés les militants d’extrême droite, enfarinés au passage. Auprès de StreetPress, l’autrice et cofondatrice des médias Mécréantes et Problematik, Léane Alestra, raconte, récépissé de plainte contre X à l’appui, avoir été victime de violences perpétrées par l’un des membres du service d’ordre d’Eros, lors de cet événement.

    « Agenda raciste et xénophobe »

    « Ils veulent être dans le cortège pour capter l’attention médiatique et essayer de nous détruire de l’intérieur », considère celle qui a signé une tribune dénonçant l’action d’Eros, à paraître dans le journal Le Monde, mercredi 25 juin 2025. Spécialiste de l’extrême droite, la journaliste explique que le collectif, qui revendique une base de 200 militants en France, a bâti son militantisme sur un « agenda raciste et xénophobe » selon lequel les personnes issues de l’immigration seraient la principale cause de l’homophobie. Nourrissant également une obsession pour les enfants, qui seraient les cibles des « dérives LGBT », le collectif a récemment attaqué le Nice Rainbow Festival avant d’être poursuivi en justice par la ville de Nice et le centre LGBTQIA+ Côte d’Azur, lequel a dénoncé « une entreprise de désinformation et de haine ».

    Sur la forme de l’activisme d’Eros, Léane Alestra rejoint Clara Privé de l’Inter-LGBT, qui décrit « le happening pour le happening » des comparses de Yohan Pawer. « On aura une banderole, on aura des pancartes qui seront assez choquantes, mais très réelles de ce que vit la France aujourd’hui », confirme ce dernier à StreetPress. Et d’annoncer : « On va faire quelque chose qui va faire énormément de bruit, on va reproduire l’affiche de l’Inter-LGBT », sur laquelle une personne tatouée d’une croix celtique est prise à partie par des militants LGBTQIA+.

    En cela, l’action du collectif Eros, incarnée par des personnalités comme Mila Orriols, le chanteur Bruno Moneroe, la youtubeuse Georgette Makay ou le chroniqueur Jérémy Marquie, est très proche de celle de son pendant fémonationaliste Némésis. Autre créneau, mais mêmes obsessions et méthodes : emmenée par leur présidente, Alice Cordier, cette association a d’ailleurs elle aussi réussi à s’imposer à la marche féministe du 8 mars dernier, contre l’avis des militantes organisatrices.

    À LIRE AUSSI : Le collectif d’extrême droite Némésis veut s’incruster à la manifestation féministe du 8 mars

    (1) Edit le 24 juin à 21h05 avec la réponse du ministère de l’Intérieur.

    Illustration de Une : Photo prise pendant la Marche des Fiertés LGBT de Paris, le 2 juillet 2016, par Vassil, via Wikimedia Commons. Certains droits réservés

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