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    01/07/2025

    La plainte fait suite à l’enquête de StreetPress

    L’UNEF annonce porter plainte contre la fac de Nanterre pour ses pratiques d’espionnage et de harcèlement

    Par Romain Ferrier

    En mai, StreetPress a révélé que l’université de Nanterre avait espionné ses étudiants, notamment via des filatures des syndiqués ou l’achat de « nano-caméras ». Ce 1er juillet, l’UNEF a annoncé déposer plainte.

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    Nanterre (92), parvis de l’université – « Des caps ont été franchis. » Sous un soleil étouffant et un barnum rouge, le député La France insoumise Louis Boyard veut « sonner l’alerte ». « On apprend que l’université achète des caméras avec l’argent public pour traquer les syndicalistes », indique l’élu vingtenaire. « Le ministère n’a rien dit, l’université n’a rien dit, mais aujourd’hui, non, ça ne passe pas. » Il fait référence aux révélations de StreetPress, le 15 mai dernier, sur les agissements de l’université de Nanterre envers le syndicat étudiant l’UNEF : la prise en filature de ses membres, les restrictions de leurs déplacements et l’achat de caméras-espions dans l’optique de surveiller leurs actions. De quoi provoquer une conférence de presse de l’UNEF, qui fait savoir ce 1er juillet sa volonté de déposer plainte contre les « pratiques illégales d’espionnage, de harcèlement et de surveillance » de l’université.

    Selon Héloïse G., militante à l’UNEF Nanterre, le dépôt se ferait « idéalement avant la fin de l’été, voire début septembre pour la rentrée ». À l’occasion de la conférence de presse, l’étudiante syndiquée a dénoncé « des dossiers qui s’accumulent », prêts à exploser, à la suite de multiples entraves à la liberté syndicale. Sa consœur, Sam, a quant à elle évoqué les photos systématiques prises par les agents de sécurité pour connaître la position en temps réel des membres du syndicat étudiant. « C’est extrêmement grave, il y a une véritable culture de l’impunité », fustige-t-elle, en rappelant que la directrice de la sécurité est toujours en poste. « En plus de refuser de discuter, la fac réprime », tonne-t-elle. « Leur rêve, c’est qui n’y ait plus de mobilisation étudiante. » La secrétaire générale de l’UNEF, Hania Hamidi, a annoncé avoir sollicité une commission d’enquête auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, une demande restée pour l’instant sans réponse.

    Un million d’euros pour la sécurité

    Selon Sam, « le seul budget en augmentation est celui de la sécurité, de plus de 75 % en trois ans », ce qui démontre une gestion inquiétante du budget de l’établissement, alors que les coupes budgétaires voulues par l’État s’enchaînent. Lors de la commission budgétaire de juin 2025, la présidence ne s’en est d’ailleurs pas cachée. Elle a expliqué que « la restructuration des locaux de la Direction de la sûreté et de la sécurité incendie (DSSI) de l’université, avec l’agrandissement du PC de sécurité, la création de locaux support et d’une salle de crise, est indispensable pour pouvoir assurer […] la sécurité du campus de Nanterre ». Selon la présidence, la cause serait « l’ensemble des perturbations causées par les mouvements étudiants qui ont touché la communauté universitaire ». Une « opération prioritaire » ayant coûté la modique somme de… 1,11 million d’euros.

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    Photographies de caméras de surveillance prises par des étudiants et étudiantes sur le campus de l’Université Paris-Nanterre, courant 2025. / Crédits : DR

    De son côté, Louis Boyard fait le parallèle avec le projet de loi « contre l’antisémitisme dans les universités », adopté par le Sénat le 19 juin dernier. Selon lui, il aurait un « fondement juridique flou », qui servirait à réprimer les mobilisations étudiantes, notamment celles autour de la Palestine. « Si l’université tombe, c’est toute la société qui tombe », juge-t-il.

    Une cartographie des caméras du campus

    La vidéosurveillance est telle que l’enseignante et géographe de l’université, Muriel Froment-Meurice, s’amuse à cartographier l’ensemble des caméras du site, conjointement avec la cartographe Héloïse Soupizet et la section SUD Education UPN. « Les étudiants peuvent nous envoyer des photos de caméras avec leur géolocalisation et on les répertorie », détaille la géographe. Cette cartographie effarante est à retrouver dans une exposition au sein du bâtiment Max Weber de l’Université, intitulée « Vous entrez dans un espace vidéoprotégé ! ».

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    Cartographie des caméras à l'université de Nanterre. / Crédits : DR

    « On a déjà recensé une cinquantaine de caméras », ajoute-t-elle, tandis que les signalements ne cessent de pleuvoir. Une cartographie qui interpelle sur les méthodes du service de sécurité, d’autant plus que la mobilisation pour la rentrée des sans-facs en septembre 2025 vient tout juste de débuter.

    L’enquête de StreetPress

    À l’époque de l’enquête de StreetPress, deux agents de sécurité avaient accepté de témoigner, outrés par les demandes de leur hiérarchie. Le premier, Samir (1), avait révélé que ses supérieurs voulaient poser des micros, un projet hautement illégal mis en place pour écouter les conversations de l’UNEF et agir en conséquence. Une volonté confirmée par la fuite d’un bilan comptable, laissant apparaître l’achat suspect de deux « nano caméras ». L’université de Nanterre n’a par ailleurs jamais apporté de réponses autour de ces acquisitions pour le moins suspicieuses…

    Le second, Ahmed (1), dénonçait une utilisation frauduleuse des caméras de vidéo-protection afin de suivre les militants. L’agent avait aussi pointé du doigt le groupe WhatsApp de la sécurité, qui servait à signaler en temps réel la position des adhérents de l’UNEF.

    Malgré nos relances, ni le service communication de l’université de Nanterre ni le ministère de l’Enseignement supérieur n’ont répondu aux sollicitations de StreetPress.

    Photo de Une : prise de parole de la militante de l’UNEF Sam, lors d’une conférence de presse du syndicat le 1er juillet 2025.