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    21/01/2014

    Ces futurs médecins qui rêvent déjà d'écharpes tricolores

    Municipales : des internes en campagne

    Par Elsa Bastien

    Jeunes médecins, futurs notables ? Alors que les blouses blanches trustent les places en politique, on a retrouvé des internes qui tentent de se faire une place dans les conseils municipaux. Récits de campagne.

    C’est un samedi après-midi, autour d’une tasse de café siglée de la mairie de Levallois, dans les Hauts-de-Seine, que l’on rencontre Karim Benyelles, jeune conseiller UMP et interne en ophtalmo. Certes, on retrouve beaucoup de médecins sur les bancs de l’Assemblée, 26 sur 577, une quarantaine si l’on prend l’ensemble des professions de santé, mais les internes militants ne sont pas si nombreux que ça… Internat et engagement politique ne semblent pas faire bon ménage.

    Pourtant, certains s’en sortent plutôt bien, et parviennent même à avoir de belles responsabilités d’élus, comme Karim donc, 27 ans, fines lunettes et costard ajusté. Il a pris sa carte en 2005, en P2, après avoir entendu un discours de Sarkozy. Avant ça, sa seule certitude était qu’il était « plutôt à droite ». L’envie de faire de la politique ne l’a plus quitté depuis. «Je n’allais plus en cours, seulement en stage. Comme un jeune qui sèche les cours pour faire du rock ou jouer au foot », rigole-t-il.

    On pourrait croire que l’ENC (examen classant national) approchant, les militants mettent un coup d’arrêt à leur engagement. Pas Karim, qui a réussi l’exploit d’être élu au moment où il s’agit de planter son nez dans ses bouquins. « Il y a eu un vrai avant et un après : en P2 et en D1, j’étais un militant insouciant, c’était mon adolescence politique. J’ai été élu en D2, conseiller à la sécurité. J’ai dû sérieusement organiser mon temps », raconte celui, qui, pour l’anecdote, adore tout particulièrement célébrer les mariages (150 en six ans, tout de même).

    Vie politique et Internat Si Karim a déjà fait l’école buissonnière pour squatter la permanence de Levallois, Cyril, interne en médecine générale à Angers, n’a pas souvent raté de cours pour faire du porte-à-porte ou du tractage. « Il y a quand même pas mal de choses que tu peux faire en dehors du travail, le soir ou le week-end, comme la rédaction d’un programme politique. Ça n’empiète pas sur les cours », explique celui qui a été notamment président départemental des Jeunes Démocrates. Mais ça empiète bel et bien sur les révisions pour les partiels. «Tout dépend si tu veux être bien classé ou pas. Si tu veux t’engager pleinement dans tes études et être dans les premiers, ce n’est pas compatible avec un engagement fort. Si j’avais voulu être cardiologue, ça aurait été différent. Moi j’étais en fin de classement ! » sourit-il.

    Mais s’intéresser à la politique peut aussi permettre de s’aérer un peu l’esprit. Et d’être plus efficace ? « Paradoxalement, chercher des informations sur internet, lire des revues de presse… C’était un temps de détente pour moi par rapport aux journées monotones et routinières », explique Adrien, interne à Lille, et utilisateur assidu de Twitter. Bon, je n’ai pas fait un très bon résultat à l’ECN et certains diront que j’ai passé trop de temps à regarder les émissions Mots croisés et BFM politique, mais mon classement n’est pas forcément lié à ça ! », rigole le petit nouveau. Il s’est engagé à l’UMP après les dernières élections présidentielles, s’est encarté dans la foulée et a beaucoup appris en traînant sur Twitter.

    D’ailleurs, s’il en est là aujourd’hui, c’est un peu grâce à Valérie Pécresse : la députée UMP des Yvelines a invité son 100 000e abonné Twitter à un repas et Adrien a donc étrenné son engagement en trinquant avec des politiques. Bel accueil pour ce Lillois d’adoption, venu dans le Nord pour son internat en santé publique. « Ma spé me laisse un peu plus de temps que d’autres, c’est vrai. En ce moment je suis à l’ARS, j’ai des horaires de bureau, de 8h30 à 18h30, et pas de gardes », explique-t-il. « Et puis on parle de politique de santé, ça me plaît, ça m’ouvre des portes intéressantes, qui sont en accord avec mon envie de faire de la politique. Ca se recoupe beaucoup au final ! »

    Pour Jérémie Allorent, socialiste, ce sont aussi les stages qui ont mis un frein à l’engagement politique, pour des raisons purement géographiques. « Ces six derniers mois, j’étais aux urgences à la Roche-sur-Yon, et je devais faire le trajet tous les soirs », explique ce médecin généraliste, qui a bouclé son internat il y a tout juste quinze jours. Impossible d’assister aux réunions du parti, une fois par mois. C’est pendant son externat qu’il pouvait participer à la vie du parti, et même tracter entre midi et deux quand il pouvait.

    Ça se recoupe beaucoup au final !

    Concilier vie politique et internat, c’est surtout une question d’équilibre pour Matthieu Dapp, interne en obstétrique et responsable des jeunes UMP de Meurthe-et-Moselle. « Aucune de mes deux activités n’a bloqué l’autre pour l’instant. Là, je m’investis pour les municipales à Nancy, ça continue à bien rouler… on verra par la suite ! », philosophe-t-il. Les veilles d’élection motivent tout autant Cyril Begue, en Maine-et-Loire. Il a « toujours été centriste » mais c’est la percée de Bayrou en 2007 qui l’a convaincu de s’engager. Il n’a pas fait les choses à moitié et il est vite devenu président des jeunes démocrates de Loire-Atlantique pendant son externat. En plus d’avoir son emploi du temps alourdi par un master supplémentaire, cet interne en médecine générale a du quitter Nantes pour Angers. Résultat : une pause avec la politique d’un an et demi même s’il a « bien envie de [s]e réengager ».  Et d’être sur une liste ? « On verra bien ! »

    Mobilité géographique En fait, le principal problème, ce n’est pas tant la charge de travail que la mobilité « forcée » des étudiants. « L’internat a compliqué les choses, souligne Cyril. J’avais l’habitude de travailler avec les élus nantais sur des projets, et même au niveau presse, il faut tout reconstruire. Ce qui est bien tombé, c’est qu’au même moment, j’ai eu des responsabilités nationales : je suis devenu vice-président des jeunes démocrates. » Pas facile donc, de reconstruire un ancrage local une fois sa spé choisie. Si Adrien n’a jamais eu de responsabilités politiques, changer de ville l’a poussé à redessiner son engagement. Il vient de quitter Lyon pour son premier semestre d’internat et n’a « pour l’instant, pas eu l’occasion de mener des actions concrètes », même s’il est en contact avec l’équipe locale. « A sept mois des municipales, c’est difficile de s’impliquer quand on ne connaît pas la ville et les politiques sur place. Ceci dit, c’est aussi une phase de découverte intéressante. »

    De là à choisir sa spé en fonction de sa vie politique ? Pas vraiment. Tous sont catégoriques : c’est toujours la carrière médicale qui prime, même quand les opportunités se font belles. Karim estime que la médecine l’a emporté deux fois. « J’ai refait ma D4 parce que je n’étais pas content de mon résultat, explique-t-il, soit une année de plus dans ses bouquins, et j’ai choisi un internat à Reims plutôt qu’une spé dans ma ville, peut être moins contraignante mais qui me plaisait moins. Si j’avais rogné sur ce que je fais professionnellement, j’aurais pu continuer un parcours politique bien démarré », avance celui qui a été respectivement conseiller à la Sécurité publique, puis aux affaires scolaires et maintenant à la santé. Ne pas être à Levallois – où il a tout de même un pied à terre – c’est être un peu moins légitime pour être inscrit sur la liste UMP pour les prochaines élections par exemple.

    Médecine 1 – Politique 0 Cyril a lui aussi toujours fait le choix du médical. Déjà parce qu’il aime « faire plusieurs choses différentes » mais aussi parce que le MoDem est un trop petit parti pour qu’il se risque à s’y consacrer pleinement. « Et puis on se retrouve avec des gens qui font de la politique depuis trente ans et qui sont déconnectés de la vie réelle ! Être médecin, c’est un super métier, et en plus, c’est un métier de contact qui nourrit notre réflexion politique, surtout en médecine générale ».

    Jérémie, lui, estime que son engagement politique ne lui a pas apporté grand-chose dans sa pratique de la médecine. « En revanche, être médecin et socialiste m’a permis d’affirmer mes convictions en débattant avec mes collègues, vu que ce n’est pas un milieu très orienté à gauche. Ce sont des discussions très riches ! » Des étudiants dont le vote penche plutôt à droite et pas spécialement engagés. « Sur une promo de 180 étudiants, à Nantes, Cyril et moi étions les seuls à avoir un engagement politique », se souvient Jérémie.

    Les deux jeunes hommes étaient également très impliqués au niveau syndical : quand Cyril était président de la corporation, Jérémie s’investissait dans une association de solidarité internationale, avant de devenir président du syndicat des internes de médecine générale de l’Ouest. « Au final, je ne pense pas que l’engagement politique soit incompatible avec les études de médecine. Du moins, si je ne me suis pas beaucoup investi au PS, ce n’est pas par manque de temps mais plutôt parce que j’en consacrais déjà énormément à mon engagement syndical », estime-t-il.

    Pas trop contraignante alors, la vie politique d’un interne ? Matthieu a le mot de la fin : « C’est une passion, pas une punition ! »

    C’est un métier de contact qui nourrit notre réflexion politique

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