En ce moment

    25/09/2015

    Salaire de misère, rats et bouffe périmée

    Pascal, détenu et cuistot pour 2 euros de l’heure

    Par Pascal Oziol

    En 10 ans, Pascal s'est rendu compte que le travail en prison, ça ne rapportait pas grand-chose. Pourtant le Conseil Constitutionnel a déclaré ce vendredi que « la législation en la matière était suffisante ». A StreetPress, il raconte le taff en cabane.

    Pas de sécu, pas d’allocations, pas de contrats, une rémunération qui oscille entre 20 et 45% du SMIC depuis la loi Dati de 2009… Travailler en prison ce n’est pas franchement la joie. Interrogé sur le cas de nombreux détenus payés en dessous du minimum légal, le conseil constitutionnel a déclaré ce 25 septembre, contre l’avis de nombreux universitaires, que la « juridiction était suffisante ». Les sages déboutent par là même une procédure de plusieurs mois attentés par un ancien détenu. Pascal, lui, affirme :

    « Quand on nous met en prison, ce n’est que pour être exploité »

    Pascal a 50 ans et a fait plus de 10 ans de placard. Pendant toutes ces années, l’homme originaire du Nord de la France travaillait pour préparer la sortie ou pour cantiner. Lors de sa dernière incarcération, c’est en cuisine qu’il s’est retrouvé, travaillant de 8 h à 18 h par jour pour 1,80 euros de l’heure. Pour StreetPress, il raconte les coulisses.

    « La dernière fois que j’ai été incarcéré, c’était en janvier 2013. J’avais pris 2 ans ferme pour violence. Quand je suis arrivé à la Maison d’Arrêt d’Amiens, j’ai été affecté à la cuisine. Le travail, en prison, c’est censé être un privilège : ça te permet de mettre de l’argent de côté ou de cantiner. Ce qu’on oublie de dire, c’est que, bien souvent, c’est de l’exploitation.

    Ma cuisine va crack-er

    En prison, les detenus sont payés bien en dessous du taux legal. Et la situation est même pire en cuisine. Au début, j’étais plongeur. Puis comme j’aimais bien faire la cuisine, on m’a nommé chef cuistot au bout de 3 mois. La journée type c’est 8h – 18 h. Tous les jours. Au mieux j’ai été payé 441 euros, soit 1,80 euros de l’heure.

    Et puis il faut voir les cuisines. En 18 mois à la maison d’arrêt, il y a eu 3 fois des rats. Les surveillants nous disaient de ne surtout pas en parler. C’est aussi nous qui gérions les stocks : plus d’une fois on a servi des trucs périmés aux détenus.

    Mieux traité par le privé

    En prison, l’Etat est pire que les entreprises qui te donnent du travail. Quand j’étais au service général, j’avais la pression constamment. Personne n’ouvrait sa gueule, sauf moi. D’ailleurs au bout de quelques mois, j’ai demandé à être rétrogradé. Je ne pouvais plus supporter d’être chef.

    En 10 ans, je n’ai jamais été traité comme je l’ai été en cuisine. Lors d’une précédente incarcération, j’ai été nommé contremaître dans un atelier pendant 4 ou 5 mois. Je contrôlais des pièces d’Airbus A320 dans ma cellule. Je travaillais 14 h à 16 h par jour mais j’arrivais à me faire 15.000 francs par mois. Je me souviens, les surveillants ont même fait grève : ils se sont rendus compte qu’on gagnait plus qu’eux.

    Dédommagements

    Le pire dans cette histoire, c’est que pendant toute ma détention, je n’ai été payé que pour 180 h travaillées alors que j’en faisais bien plus chaque mois. En sortant, j’ai demandé un réajustement de mon salaire sur le taux légal plus règlement de toutes mes heures impayées. Pendant les 18 mois, j’avais tenu un journal dans laquelle je notais toutes mes heures de travail. J’ai transmis ça au ministère de la Justice, à la Maison d’Arrêt et à la direction interrégionale de Lille. Tout ce qu’ils m’ont proposé c’est 1600 euros. Alors qu’en tout et pour tout, la prison me doit plus de 4000 euros. J’ai 2 gamins, j’ai choisi l’argent plutôt que des années de procédure au tribunal administratif.

    Moi ce qui me plairait bien, c’est de parler avec les gens du ministère. Quand on est en prison c’est eux qui nous baisent. Quand on nous met en prison, ce n’est que pour être exploité. »

    Propos recueillis par Tomas Statius

    Pour continuer le combat contre l’extrême droite, on a besoin de vous

    Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.

    StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.

    Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.

    Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.

    Je fais un don mensuel à StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER