Bobigny (93) – Devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Bobigny, Tiguiba, la soeur de Sékouba Marega, vérifie une dernière fois les documents que l’avocate de son frère va présenter à la cour. La jeune femme sort d’une petite pochette une dizaine de feuilles volantes. L’en-tête indique « pétition pour la libération de Sékouba Marega ». Plus bas, des signatures et des noms. « On a fait signer les habitants d’Aulnay, les voisins » explique-t-elle, émue.
A sa droite, une militante de RESF (Réseau éducation sans frontière) questionne la compagne de Sékouba alors qu’elle berce leur fils de trois mois, installé dans sa poussette :
« – Vous avez bien expliqué pourquoi vous ne viviez pas ensemble, c’est important pour le tribunal.
– Oui, répond laconiquement la jeune femme, en hochant la tête. »
Il est treize heures. Seuls les greffiers et l’avocat de permanence peuplent la chambre réservée aux comparutions immédiates.
45 jours au CRA, 4 tentatives d’expulsion
Le 27 juillet, Sékouba se fait contrôler à la sortie de son travail. Sans-papiers, ni titre de séjour, il est emmené au centre de rétention de Vincennes. Depuis la préfecture s’acharne contre lui. Elle a essayé d’expulser quatre fois le jeune malien vers son pays d’origine. Le 7 septembre, l’opération tourne mal. Les policiers font monter Sékouba manu militari à bord d’un avion à destination de Bamako, pieds, poings et genoux liés, casque de boxe sur la tête. Alors qu’il est immobilisé à terre, les fonctionnaires lui auraient envoyé un coup de pompe en plein thorax. A bord, les passagers sont témoins de la violence des fonctionnaires. Ils protestent. L’expulsion est annulée.
Le 10 septembre, à quelques heures de sa libération après 45 jours passés au centre de rétention, plusieurs policiers de la police aux frontières se présentent à nouveau dans sa chambre pour l’emmener à Roissy. Sékouba prévient ses proches. « On est allé directement à l’aéroport pour informer les passagers du vol de ce qui allait se passer » raconte sa sœur. L’indignation des passagers fait le reste. Le jeune homme redescend de l’avion… mais est emmené en prison.
7 heures d’attente
Vers 20h, ce mardi, Sékouba pénètre finalement dans le box des prévenus. A sa vue, sa sœur éclate en sanglot. « Il va falloir vous calmer » intime son avocate :
« Cela va jouer contre lui. »
Au premier rang, militants RESF et proches de Sékouba sont bras dessus, bras dessous. Quand la présidente annonce la raison de son renvoi devant le tribunal, Sékouba se dandine, les yeux dans le vague :
« Vous vous êtes soustraits à une reconduite à la frontière le 10 septembre 2016. Acceptez-vous d’être jugé aujourd’hui ou demandez-vous un report ? »
« J’accepte d’être jugé aujourd’hui » annonce-t-il à haute et intelligible voix.
Tout ça pour un vice de forme
Après quelques minutes d’audience, la présidente blêmit. « Il y a une difficulté dans le dossier. Il nous manque la mesure de reconduite. » Celle-ci, poursuit-elle, découle d’une interdiction de territoire français. L’avocate de Sékouba s’interroge :
« Monsieur est convoqué pour une OQTF (obligation de quitter le territoire français, ndlr) et pas une ITF (interdiction de territoire français, ndlr.). »
Silence de mort. Le parquet s’est emmêlé les pinceaux dans la citation à comparaître. Au bluff, la présidente propose à Sékouba de poursuivre l’audience, malgré le vice de forme. L’intéressé refuse. Et son conseil de rebondir :
« Avec ce nouveau fait, je ne peux que conseiller à mon client de refuser de comparaître. »
La présidente, bougonne, est obligée de suspendre l’audience. « Le parquet a dû faire un mauvais copié-collé », ironise l’avocate de Sékouba en s’adressant à la famille du jeune homme. Après suspension, la présidente reconnaît l’erreur. Sékouba est libre. Le parquet battu par K.O.
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