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    30/04/2025

    Sa posture a suscité incompréhension et colère, elle tente depuis de réparer les dégâts

    Meurtre islamophobe à La Grand-Combe : la maire a-t-elle été hostile à la marche blanche ?

    Par Embarek Foufa

    Après l’assassinat d’Aboubakar Cissé dans une mosquée de La Grand-Combe, la maire Laurence Baldit s’est distinguée par son absence et s’est bien opposée à la marche blanche. Elle accusait, à tort, un groupe politique d’en être porteur.

    La Grand-Combe (30) – Depuis presque une semaine, la petite commune du Gard est meurtrie. Ce 25 avril 2025, l’assassinat islamophobe d’Aboubakar Cissé à l’intérieur de la mosquée Khadidja a suscité un effroi et une colère qui s’est propagée nationalement. D’autant que l’auteur présumé des faits, Olivier H. – qui s’est depuis rendu en Italie –, a filmé une partie de son acte, s’en félicitant et insultant la religion de la victime. Deux jours plus tard, une marche blanche s’organise pour « Bouba ». Diffusé sur les réseaux sociaux, l’appel invite au calme, et à un hommage à la hauteur de la victime qui était « paisible, pieux et digne. » Au crime raciste s’est depuis succédée une polémique politique envers la maire locale communiste, Laurence Baldit (PCF). Sur Twitter-X, l’eurodéputée France insoumise Rima Hassan a indiqué que les organisateurs de la marche avaient été « dissuadés » de la faire : « Elle n’a pas assisté à ladite marche, elle n’a pas daigné faire ne serait-ce qu’un discours. » Un post vu près de 900.000 fois.

    Dans une série de SMS, que StreetPress a pu consulter, envoyés à tous les membres du conseil municipal la veille de la marche le samedi, la maire s’est en effet opposée fermement à l’initiative :

    « Aucun d’entre nous ne devra participer à cette marche blanche en sa qualité d’élu.e et de représentant.e de la municipalité. »

    Le même jour, un communiqué de la fédération gardoise du PCF annonce pourtant la présence du groupe à la procession. Mais pour la maire, la marche est impulsée par des élus qui seraient selon elle « coutumiers de polémique et de récupération sur des questions en lien avec la religion », déclare-t-elle à StreetPress. Dans son viseur, trois conseillers du groupe citoyen de la municipalité, faisant partie de sa majorité, composé de Sébastien Migliore, Anissa Kordjani et Yavuz Akan. L’aboutissement de tensions locales depuis sa prise de fonction début 2023, en remplacement du maire PCF historique Patrick Malavieille, qui a été à la tête de la commune pendant 20 ans. Certaines positions de la mairie ont abouti à des controverses, divisant la majorité municipale et pointant les divergences internes, comme l’interdiction de vente de viande halal sur le stand du centre social lors d’un festival en 2024. L’eurodéputée Rima Hassan, dans son récent tweet, a elle pointée l’interdiction « aux femmes voilées de se rendre à la piscine municipale y compris en tant qu’accompagnatrices ».

    La maire contrainte de reconnaître son erreur

    À StreetPress, l’édile communiste se présente comme une militante de la laïcité. Si elle n’est pas venue, ce serait parce que « les responsables religieux islamiques » auraient « décidé de ne pas participer à la marche blanche » et annoncé que les élus qui s’y présenteraient « ne seraient pas acceptés », peut-on lire dans l’ultime SMS envoyé, dans la soirée du samedi 26 avril, où la quinquagénaire a réitéré son hostilité envers la procession. Des affirmations qui sont contredites par le déroulé des évènements. « Même si on n’était pas à l’initiative, on était en soutien », assure Ouali, habitué de la mosquée. Avec ses compères fidèles du lieu de culte, ils ont distribué des bouteilles d’eau aux gens sur place. Sur 5.000 habitants, environ 2.000 personnes ont participé à un moment de solidarité très fort. « La marche avait du sens ! La grande diversité représentée a fait beaucoup de bien », confie cet habitant historique de La Grand-Combe.

    Côté politique, une grande partie du conseil municipal était d’ailleurs présent, tout comme l’ancien maire Patrick Malavieille, ainsi que les élus LFI Nathalie Oziol et Raphaël Arnault. « Le groupe citoyen n’est pas à l’origine de la marche blanche mais nous avons relayé l’information et soutenu la population dans cette démarche. Aucune récupération politique de notre part. (…) Nous n’avons pas pris la parole lors de la marche », détaille sur sa page Facebook la conseillère municipale Anissa Kordjani, critiquée par Laurence Baldit, appelant au respect du deuil. Face à ces faits, la maire persiste à StreetPress :

    « Selon une très chère amie musulmane, j’ai été la seule à respecter les règles de la religion musulmane. On ne parle pas pendant trois jours après la mort. Je ne le savais pas mais ça tombait bien. »

    Après l’incompréhension de sa non-venue, la maire a même suscité la colère en se présentant aux côtés du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, connu pour sa très grande virulence envers les musulmans, à Alès dans le cadre d’une réunion avec les autorités locales. Sur place et sur les réseaux sociaux, les commentaires sont très critiques envers ce qui apparaît comme une faute politique majeure. « Les gens étaient mécontents et ont vécu mon absence comme un abandon. J’entends que ce n’était peut-être pas le bon choix », reconnaît enfin Laurence Baldit au téléphone, après avoir tout assumé jusque-là. Un mea culpa auprès de StreetPress qu’elle a reformulé auprès des fidèles lorsqu’elle s’est rendue à la mosquée ce mardi 29 avril. Enfermée dans un refus catégorique de récupération politique, la maire souhaite désormais réparer ce qui a été défait. Reste à savoir si les habitants et les fidèles suivront, eux qui sont sous le choc et en quête d’accompagnement psychologique après la mort d’Aboubakar Cissé, présenté par l’habitant Ouali comme « le meilleur d’entre nous ».

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