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    23/05/2025

    Les policiers ont menacé sa femme de placer leur bébé à l’aide sociale à l’enfance

    Un père d’enfants français arrêté avec son bébé devant chez lui et envoyé en CRA

    Par Audrey Parmentier

    Félix, Vénézuélien installé à Paris depuis sept ans, a été violemment interpellé alors qu'il sortait avec son bébé ce 16 mai. Sous OQTF malgré ses deux filles françaises, une conséquence de la nouvelle loi immigration, il reste menacé d'expulsion.

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    « Il n’a pas de famille au Venezuela, et nos filles de cinq et un an ont besoin de leur papa ! » Au téléphone, Sandra expose ce qui est arrivé à son mari. Sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), l’homme vénézuélien de 38 ans, dont sept passés à Paris, a été enfermé cinq jours au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes (94), en vue d’être expulsé. Alors que Sandra a dû attendre quatre jours pour que le juge des libertés et de la détention ordonne sa sortie ce 21 mai, l’appel immédiat de la préfecture a prolongé son enfermement de 24 heures. « Il n’avait rien mangé ni bu de toute la journée », reprend son épouse française, rencontrée lors d’un road trip en Amérique du Sud, encore inquiète. « Mardi soir, il a fait un malaise en rentrant au CRA. »

    Sous les yeux de son enfant d’un an

    Vendredi 16 mai, Félix, père de deux enfants français, sort avec son bébé en poussette pour aller à la pharmacie près de chez lui, dans le 13e arrondissement. À peine a-t-il quitté l’immeuble qu’il est violemment plaqué contre un mur par plusieurs policiers. Son polo est arraché, il est menotté, embarqué sans ménagement – le tout sous les yeux effrayés de la benjamine d’un an. « Il y avait quatre ou cinq agents sur lui », poursuit Sandra, chirurgienne, qui sortait à peine du bloc opératoire lorsqu’elle a appris l’arrestation de son mari. Alertée par téléphone, la quadragénaire accourt sur place :

    « Les policiers m’ont dit que si je ne venais pas tout de suite, ils placeraient notre bébé à l’aide sociale à l’enfance. Elle est restée une heure toute seule dans la rue avec la police ! »

    Au CRA de Vincennes, les conditions sont rudes. Son mari, sujet à de sévères troubles anxieux, dépend d’un traitement à heure fixe qui, parfois, lui était administré avec quatre heures de retard. « C’était inadmissible ! », s’agace Sandra. Celle qui lui a rendu visite aussi souvent que possible reste sidérée par la brutalité de l’arrestation de son mari : pourquoi l’avoir embarqué avec une telle violence, alors qu’il était identifiable et domicilié ? « Et puis, il n’allait pas quitter le pays sans moi ni les enfants ! »

    À LIRE AUSSI : Le malheur des exilés enfermés au centre de rétention de Vincennes

    Une condamnation

    Derrière cette arrestation musclée en plein Paris, une décision administrative : son titre de séjour n’a pas été renouvelé et en novembre 2024, une OQTF tombe, assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) de cinq ans. « Eu égard de son profil judiciaire, son titre de séjour n’a pas été renouvelé et une OQTF a été prise à son encontre », justifie la préfecture de Paris. Félix a été condamné à deux reprises pour des faits de violences conjugales envers Sandra, en avril et en octobre 2022. S’il avait pris un an avec sursis pour la première, il a écopé d’un an d’éloignement du domicile et huit mois de bracelet électronique pour la seconde.

    Depuis, Félix a bénéficié d’une remise de peine, porté un bracelet électronique pendant cinq mois et obtenu un suivi psychiatrique. « Il avait reconnu les faits et ne présentait pas de risque de récidive », assure Sandra. De son côté, Guillaume Halbique, l’avocat de Félix, évoque surtout une décision « politique » et « inquiétante » d’un point de vue humain, sans attention pour le bien-être des enfants. En 2024, plus de 40.000 personnes ont été enfermées dans le s CRA de France.

    À LIRE AUSSI : Au CRA du Mesnil-Amelot, « j’ai perdu 20 kilos depuis que je suis enfermé ici »

    Une conséquence de la nouvelle loi immigration

    Pour l’administration, ces condamnations le classent comme une menace à l’ordre public. « Son passé sert de prétexte pour l’expulser ! », estime sa femme. Promulguée le 26 janvier 2024, la nouvelle loi immigration permet désormais d’expulser un parent d’enfant français, jusque-là protégé par le droit. Maxime Giroux, coordinateur de l’Assfam au CRA de Paris-Vincennes, confirme :

    « Il ne suffit donc plus de démontrer le lien de filiation et la participation à l’entretien et à l’éducation, afin d’obtenir l’annulation des mesures d’éloignement. »

    Dans leur rapport annuel de 2024, les associations intervenant en CRA dénonçaient « une utilisation de plus en plus massive et disproportionnée de l’enfermement administratif, de situations individuelles dramatiques et de violations fréquentes des droits fondamentaux des personnes retenues ».

    À la suite de cette OQTF, Félix et sa femme ont déposé un premier recours. En février 2025, le tribunal administratif de Paris annule l’interdiction de retour sur le territoire français, tout en maintenant l’OQTF. La famille a fait appel dans la foulée et attend une date d’audience. « L’un de nos arguments les plus forts, c’est l’atteinte à la vie privée et familiale qui est garantie par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et qui s’oppose à ce type de décision administrative », détaille Guillaume Halbique. Des mois avant son arrestation, la famille de Félix vivait déjà dans la peur, repliée sur elle-même. « On n’osait pas en parler autour de nous, il y avait aussi la honte, à cause de cette histoire de violence. » Le père de famille ne prenait plus les transports et ne sortait pas seul, de peur d’être expulsé.

    Image de Une prise par Pauline Gauer au CRA de Vincennes en 2023.

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